Le réchauffement du climat politique mondial

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« Prôner le combat contre la dilution des espèces culturelles européennes dans le modèle unique mondialisé c’est respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme la France en 1940. Le réchauffement du climat politique mondial est aussi menaçant que celui de la planète ».

Michel Vauzelle sur Twitter. 

Michel Vauzelle est une figure du Mitterrandisme : Ministre de la Justice du gouvernement Pierre Bérégovoy (1992-1993), maire d’Arles de 1995 à 1998 et président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur de 1998 à 2016, député de 2007 à 2017. Mais, comme le dit Charles Aznavour :

« Je vous parle d’un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître »

Pourtant, ces quelques lignes de Vauzelle donnent à penser. La disparition quotidienne de « peuples premiers », de leurs cultures, de leurs langues, le fait qu’ils soient purement et simplement rayés de la carte au profit d’intérêts économiques est un appauvrissement pour toute la planète, en même temps qu’un drame humain. Cela avait été dénoncé en son temps par Claude Lévi-Strauss dans « Tristes tropiques », pilier de l’anthropologie auquel tout le monde intellectuel se référait alors et qui est désormais bien oublié.

Le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro revendique ce génocide en toute tranquillité. Lors d’un entretien avec l’AFP, Vicky Tauli-Corpuz, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits des peuples autochtones, s’est déclarée « très inquiète » pour les indigènes vivant au Brésil. Dans le centre-ouest du pays, des populations sont déplacées à cause des plantations de soja, a-t-elle dit. « Elles ont toujours fait l’objet de violences des services de sécurité des plantations, mais elles sont visées de plus en plus par les autorités de l’Etat », a-t-elle déploré. La responsable onusienne a pointé du doigt à cet égard, les églises évangéliques qui « soutiennent le président » et « qui se déploient dans des zones habitées par des autochtones et volontairement isolées, ce qui est la chose la pire qui puisse leur arriver », a-t-elle estimé (in « Le Monde »).

Le président Macron vient de recevoir à l’Elysée le cacique Raoni et trois autres chefs amazoniens – Kaïlu, Tapy Yawalapiti et Bemoro Metuktire qui veulent lancer un SOS auprès de l’opinion et des dirigeants pour sauver la grande réserve du Xingu, dans le sud de l’Amazonie brésilienne, une réserve de biodiversité de quelque 180 000 kilomètres carrés, soit environ le tiers de la France. Les recevoir : c’est un geste symbolique en faveur de ces populations. En même temps (comme le dit le président) le projet colossal « Montagne d’or » de cession de centaines d’hectares de la forêt amazonienne appartenant à la Guyane Française à un consortium international ne semble toujours pas abandonné. Le site de France Info rapporte : « Mais bien sûr » que ce projet est abandonné, s’est exclamée la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur le plateau de France 2, dimanche, au soir des élections européennes. Franceinfo a vérifié et il s’avère qu’aucun acte concret n’a pour l’instant accompagné l’annonce de cette décision. 

Mais le Brésil c’est loin comme le sont le Canada, les Etats Unis, l’Australie, la Russie (autrefois l’URSS), l’Inde ou la Chine avec l’intégration programmée du Tibet –la liste n’est pas exhaustive- où les peuples indigènes ont disparu ou se meurent dans l’indifférence collective et dans la souffrance morale qu’est de voir sa propre disparition s’effectuer devant soi. Les pardons successifs des Etats concernés n’ayant rien changé à ce déclin programmé, à cette sortie de l’histoire. On parle peu de ces populations au regard de ce que l’on peut dire sur les menaces climatiques qui nous touchent directement. Jacques Chirac leur a consacré un musée formidable où ces peuples grugés, vilipendés et méprisés sont réhabilités dans leur originalité et la grandeur de leurs productions artistiques. C’était à l’époque une première reconnaissance.

Désormais le modèle unique mondialisé écrase tout, comme la pensée unique exclut la différence. Toute proportion gardée c’est un mécanisme d’exclusion qui touche nos sociétés européennes directement. Ainsi les populations rurales, leurs modes de vie et leurs pratiques sociales sont-elles systématiquement rejetées par les urbains et par les médias qui, dans leur globalité, sont devenus leurs porte-paroles. Il est mal vu de défendre la chasse comme une tradition respectable et écologique, les chasseurs étant les premiers intéressés au maintien de la biodiversité. Les langues régionales sont victimes d’un processus d’exclusion semblable –malgré le discours officiel. Elles sont mises dans des ghettos et maintenues par une poignée de militants. Avec la perte définitive des mots, des pans entiers d’humanité disparaissent. Les populations itinérantes sont inquiétées et leur traditions méprisées ou même interdites comme les circassiens ou les forains. Leur intégration ne posait pas de problème il y a quelques années encore, etc, etc.

Pour reprendre Vauzelle : « Le réchauffement du climat politique mondial est aussi menaçant que celui de la planète ».

Pierre Michel Vidal

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Un commentaire

  • En fait, je lis ici un nouvel épisode d’un feuilleton sur les ravages de la mondialisation.

    Mais si je comprends bien, le libéralisme (type Reagan, Thatcher et successeurs) et l’illibéralisme (type Trump, Bolsonaro et compagnie) sont à mettre dans le même sac du capitalisme qui existe depuis la nuit des temps ; comment justifier autrement la relation entre la disparition de peuples premiers qui n’est pas une nouveauté et le modèle mondialisé avec sa pensée unique et son univers concentrationnaire « maastrichien » qui est récent ?

    Seulement je ne lis rien qui me renseigne sur le fonctionnement actuel de la mondialisation et surtout rien sur des approches prospectives de l’évolution du monde qu’elle entraîne.

    Pourtant ces approches prospectives existent également avec des scénarios négatifs mais aussi positifs.

    Les approches prospectives n’ont pas la faveur des médias contrairement aux thèses de Zemmour ou Onfray par exemple.
    Vendre de l’anxiété profite plus que de vendre de la sérénité.