L’éternel flibustier

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La récente victoire judiciaire de Bernard Tapie est inattendue. La presse, en effet, toutes tendances confondues, le disait coupable et donc condamnable. A-t-il vraiment gagné ? Ne doit-il pas restituer les 403 millions d’euros que le Tribunal arbitral lui avait octroyés ? J’avoue que je ne saurais répondre à cette question, dans le dédale du long feuilleton judiciaire on est très vite perdu. D’autres s’en chargeront. Le surprenant, dans ce théâtre d’ombres, est sans conteste le jugement du 15 décembre 2016 de la Cour de Justice de la République qui jugea Christine Lagarde coupable d’une « faute politique » mais pas d’une infraction. Le jugement me parut alors pour le moins étrange.

Mais revenons à Tapie. La relaxe de ce brillant flibustier des mers profondes et obscures de la vie politique française illustre, s’il en était besoin, la détermination — que d’aucuns appellent admiratifs résilience — de cet homme d’extraction modeste qui fut repreneur d’entreprises aux abois, animateur de télévision, patron d’Olympique de Marseille, acteur de théâtre, patron de presse, etc. L’homme est effectivement séduisant, enfin pour ceux qui désirent éventuellement être séduits.

Alors qu’il combat, désormais, avec son volontarisme habituel, un ennemi coriace trop souvent mortel, il devient, comme il le fut naguère, un modèle de réussite pour nombre d’admirateurs qu’on déniche dans toutes les strates de la population française, mais aussi chez les grands élus de notre pauvre République. On sait combien sa fascination de François Mitterrand était réciproque. L’homme de Latche, lieu dit de la commune de Soustons (veut dire mare, en gascon) vit sans doute dans cet individu fort en gueule l’exceptionnel ressortissant d’une époque révolue. Il était à ses yeux un personnage de roman que Balzac ou Stendal aurait pu mettre en scène. Il en fit un de ses corsaires contre son opposition de droite et contre Le Pen. Sarkozy lui offrit, lui-aussi, son amitié qui fit dire au Parquet que les visites répétées de Bernard au palais de Nicolas n’avaient rien de conciliabules désintéressés. Va savoir ?

Le mot de la fin serait peut-être de Nietzche : « Ne pourrait-on pas imaginer un état social où le malfaiteur se déclarerait lui-même coupable, se dicterait publiquement à lui-même, sa peine, avec le sentiment orgueilleux qu’il honore la loi qu’il a faite lui-même, qu’il exerce sa puissance en se punissant, la puissance du législateur ? » (1)

Emmanuel Valenti

1. Aurore, Pluriel, Hachette, 1987

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4 commentaires

  • Parlez de Tapie aux employés de toutes les sociétés qu’il a rachetées pour une bouchée de pain, puis il les a dégraissées pour les revendre avec une bonne plus value. Quel est son bilan quand il fût ministre de la ville sous Mitterrand? Bateleur oui, modèle politique à suivre non.

  • Pierre-Michel Vidal

    L’homme de la « mare » (Latche) dont on a fait un saint, savait choisir sa flibuste… Elle a plutôt bien vieilli; du point de vue de son image, du moins. Tapie nous renvoie en effet un reflet assez précis des turpitudes de notre société. Il s’est affranchi de sa prétendue morale. Après tout, n’a’t-il pas plus d’allure que de Rugy et ses homards…? Il est plus populaire en tous les cas. Il faut le mettre à son crédit.

  • Centre National des Ressources Textuelles et Linguistiques

    Flibustier :

    A.− [Aux XVII et XVII èm s.] Membre d’une association de pirates des mers d’Amérique. Les flibustiers ont fait des entreprises qui demandaient une audace extraordinaire (Ac.1932) :
    1. … ces fameux et célèbres flibustiers, si remarquables par le mélange des races humaines, par le courage porté à l’excès, ainsi que la résolution, l’amour du pillage et la cruauté. Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 167.
    B.− Au fig. Celui qui vit de vol, de fraude, d’escroquerie. Un comportement, une existence de flibustier. Cet homme d’affaires est un flibustier (Littré) :
    2. Cette criminologie à col blanc [des classes aisées et moyennes, d’après les Américains] se rencontre surtout dans les milieux d’affaires, de banque et de finances, et les noms des grands flibustiers comme Ivar Kruger, Staviski, Lovenstein, Joanovici, sont encore dans toutes les mémoires. Traité sociol.,1968, p. 222.
    − Emploi adj., rare. [En parlant de pers. ou de leur comportement] Qui est voleur; qui est d’un voleur. Ces aptitudes flibustières dont s’honore la Bourgeoisie (Bloy, Lieux communs,1902, p. 211).
    Prononc. et Orth. : [flibystje]. Ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. Subst. 1666 « corsaire des îles d’Amérique » (J. Clodoré, Memoire sur la ville de Saint-Domingue, ms. des Archives nationales, Colonies, C 9 B (1), 2 ro-vods Fr. mod. t. 45, p. 32); adj. 1722 (J.-B. Labat, Nouveau voyage aux Iles d’Amérique, II, 250, ibid., t. 26, p. 51); 2. subst. a) 1756 « brigand, voleur à main armée » (Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, éd. R. Pomeau, t. 1, p. 180); b) 1828-29 « homme malhonnête, escroc, filou » (Vidocq, Mém., t. 4, p. 50); adj. 1859 « personne d’une conscience peu délicate » (Bonn.-Paris). Empr., dans la région des Antillescf. R. Arveiller, Sur l’origine du français « flibustier » ds Fr. mod. t. 45, 1977, p. 22-32) à l’angl. freebooter « corsaire » (dep. 1570 frebetter ds NED); également empr. par le néerl. vrijbuiter de même sens (dep. Kiliaen, cf. Valkh.), cf. aussi l’a. liégois vribute, vributeur « voleur de grand chemin » (Gdf.) et le m. b. all. vributer, cf. all. Freibeuter. Le passage de fr- à fl- (cf. flibuste) peut s’expliquer par l’infl. de flibot « sorte de petit navire », du néerl. vlieboot « petit cargo ». La forme flibustier avec un -s- est une hypercorrection, d’abord purement graphique, qui a fini par entrer dans la prononc. au début du xviiies. comme dans d’autres mots en -st-. Fréq. abs. littér. : 48. Bbg. Aebischer (P.). Au dossier du fr. flibustier, esp. filibustero. R. Ling. rom. 1969, t. 33, pp. 38-52. − Arv. 1963, pp. 231-233. − Boulan 1934, p. 108, 142. − Chautard (É.). La Vie étrange de l’arg. Paris, 1931, p. 289. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 412. − Pamart (P.). Néol. Vie Lang. 1971, p. 370. − Quem. DDL t. 3.

    Dic. du Béranais et du Gascon Modernes

    flibustiè,-ère ; s. — Personne peu scrupuleuse, escroc, chevalier d’industrie.

  • Non Bernard Tapie n’ a pas été un flibustier dans l’ affaire du Crédit Lyonnais. Il n’ a été qu’ un vulgaire porteur de valise. De 250 Millions d’ Euros qu’ avait été estimé son dédommagement, on est passé tout d’ un coup à 400 M
    d’ euros, du fait de la présence fortuite de quelques personnes d’ influence dans le tribunal arbitral. Comme quoi le hasard fait bien les choses …Pourquoi une telle différence en si peu de temps. Sûrement parce que certains ont vu là l’ occasion de récupérer une partie du magot. Mais quand Bernard Tapie, en bon gestionnaire qu’ il est de ses biens, en a eu la totalité en sa possession il s’ est empressé de le placer dans des paradis fiscaux en  » oubliant  » de retourner les 150 M d’ euros de surestimation aux destinataires anonymes qui se cachent toujours derrière cette affaire. Bernard Tapie n’ était’ il pas à l’ époque un  » visiteur du soir » assidu du Palais de l’ Elysée qui passait par la petite porte du fond du jardin.
    Aujourd’ hui on commence à parler d’ un certain Eric Woerth qui serait concerné par cette étrange affaire, espérons que cela n’ est que le début de la vérité et que d’ autres noms suivront. A moins que Bernard Tapie se décide à se mette à table s’ il est exonéré de rendre le magot, comme il a été exonéré de faire de la prison …..
    Bizarre, s’ il avait volé deux oranges dans la benne à ordure, il serait depuis bien longtemps en prison.