Mont-De-Marsan, Une « madeleine » tricolore
« Personne ne vit complètement sa vie, sauf les matadors ».
« Le Soleil se lève aussi », Ernest Hemingway.
A Mont-de-Marsan, on va fêter Madeleine dans la liesse, à partir de mercredi et jusque dimanche. Foulard bleu et tenue blanche c’est la consigne pour les milliers de festayres qui vont envahir la capitale landaise. Beaucoup viendront des départements limitrophes.
Avant cela un mot sur la San Firmin qui vient de terminer : « pobre de mi ». Elle s’est déroulée sans les incidents graves de l’an dernier et avec une attention particulière au respect de la femme. Visiblement cette sensibilisation a eu des effets positifs puisqu’on a signalé aucune violence ni plainte pour abus sexuel. Pampelune qui sait tenir le manche entre le respect de traditions centenaires et les nouveautés que tente d’imposer les tropismes du monde moderne.
L’encierro par exemple. Il est retransmis dans le monde entier et touche ainsi plusieurs millions de téléspectateurs (1 million et demi chaque jour). La priorité des autorités et du maire de la capitale de la Navarre, Enrique Maya, désormais c’est la sécurité. On voit donc un encierro qui devient une sorte de sprint où les toros courent, encadrés par des bœufs bien dressés qui les serrent de près. La course de plus de 900 mètres dure autour de 2 minutes. Il ne s’y passe rien ou presque (sauf le dernier jour). Quel est l’avenir de l’encierro s’il n’y a plus de danger ? La question est posée dans la rue et les coureurs –les vrais- se plaignent.
Cap sur le « Moun » désormais avec une absence au Plumaçon : celle d’Andrés Roca Rey la vedette péruvienne qui était très attendue. Sa douleur au dos est un vrai handicap et nous ne souhaitions pas le voir diminué. On a frôlé, à Pampelune, un vrai fiasco. S’abstenir c’est parfois la sagesse. Son remplacement était problématique, le choix de Cayetano nous semble à la hauteur. Il a coupé quatre oreilles à la San Firmin, exploit rare et qui a frappé les esprits.
Avec Sébastien Castella, la représentation française sera particulièrement fournie pour cette féria. Thomas Dufau en ouverture voudra riposter au succès de Juan Leal à Pampelune. Il le peut. Le landais progresse. Il s’est bien préparé par une immersion hivernale en Andalousie. Il joue gros mais on a confiance. Il aura face à lui une opposition de luxe : les toros de La Quinta. Juan Leal devra lui répliquer le dimanche face aux fameux Victorinos. C’est un duel à distance passionnant. Ajoutons la novillada nocturne du vendredi avec cette année six postulants français : Tibo Garcia, André Lagravère “El Galo“, El Rafi, Kike, Juan Molas, Yon Lamothe dont quatre viennent du sud-ouest. A cela il faut ajouter la novillada sans picador du matin qui réunit des éleveurs du pays. Dorian Canton, notre Béarnais a préféré s’abstenir cette fois. Il se préserve pour son alternative annoncée à Bayonne le 27 juillet.
La participation nationale est fortement présente à La Madeleine en raison de ses mérites. Aux pionniers des années soixante ont succédé des jeunes gens doués formés dans des écoles taurines. On se bouscule un peu au portillon même, car il n’y aura pas de la place pour tous. Il n’est pas interdit de rêver néanmoins et quelle belle récompenses pour un jeune homme que de sortir en triomphe d’une arène, porté sur les épaules comme un empereur romain. Le risque de la blessure, terrible parfois, c’est le prix à payer du succès -quoi de plus juste en fait ? Il est bien normal que cela fasse rêver de plus en plus de jeunes dans un monde où tout est fait pour se prémunir du risque dont, pour la plupart, ils ne connaissent même pas la saveur.
Abondance de biens ne nuit pas et à tous les détracteurs de la tauromachie, ces jeunes plantes françaises et pour beaucoup gasconnes, montrent qu’il ne s’agit pas d’un spectacle importé mais d’une culture adoptée et désormais enracinée, vivace.
Pierre Michel Vidal