Le bruit et la fureur (1)

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Orléans, voilà un titre de roman — un récit, plus exactement — qui se veut énigmatique donc qui doit exciter notre curiosité. Yann Moix en est l’auteur. Il agissait jusqu’alors avec Christine Angot, une romancière fort connue dans On n’est pas couchés l’émission tardive du samedi-soir où sévit l’inénarrable Laurent Ruquier. J’apprends ce jour qu’il rempile pour une nouvelle saison. Il est comme ça Yann, toujours à provoquer. Il n’est nul besoin de vous compter la promesse de son ouvrage : une sordide histoire de violences familiales qu’aurait subies l’auteur de Naissance, prix Renaudot, 2013.

Le livre a très rapidement fait le tour des rédactions, à tel point que certains médias l’ont privilégié en lieu et place des incendies détruisant lentement mais sûrement la forêt amazonienne. Le père a réagi, démentant les dires du fils. Alexandre, son frère, aussi, en arguant que Yann l’avait, à l’instar de ses père et mère, humilié, violenté. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu ou le « buzz » — la stratégie éditoriale est on ne peut plus efficace — dans tous les médias et donc chez tous ceux qui les regardent, matin, midi et soir. Pensez, une famille qui se déchire dont le principal protagoniste est Yann Moix, ce polémiste qui a, commis, dans sa jeunesse des dessins et autres joyeusetés antisémites…

Orléans, est devenu, en l’espace de quelques jours, une « chose » que la publicité répétitive et obsessionnelle à fait connaître au plus grand nombre. Désormais, son livre se vendra plus que de coutume, laissant dans l’ombre — cet exil intérieur que l’écrivain éprouve — les innombrables romans fraîchement sortis.

La marchandisation de la littérature va bon train et rien ne l’arrête. Chaque année, aux derniers soubresauts de l’été, des centaines de romans envahissent les rayons des librairies indépendantes et des grandes surfaces. Leurs auteurs confirmés, connus, voire pour une poignée d’entre eux « pipolisés », retrouvent leur public captif. On les interroge, à tout bout de champ, sur la marche du monde, le dérèglement climatique. Que sais-je encore ?

Les chaînes d’information en continu, les radios, les journaux et magazines les invitent et les adulent, comme les enfants chéris de la littérature française. Dans ce brouhaha médiatique et commercial, la littérature véritable, qui ose affronter, sans barguigner, les multiples mondes que nous ignorons, s’efface. S’épuise-t-elle pour autant ? Je ne saurais vous dire. Pour ma part, c’est celle que je préfère.

Emmanuel Valenti

1. Chef d’œuvre de William Faulkner, Prix Nobel de littérature 1949.

Crédit image : Yann Moix à « On n’est pas couché » 12 janvier 2019. Capture d’écran.

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3 commentaires

  • Dénoncer la provocation commerciale en la diffusant est une étrange démarche.

  • > « Dans ce brouhaha médiatique et commercial, la littérature véritable, qui ose affronter, sans barguigner, les multiples mondes que nous ignorons, s’efface. S’épuise-t-elle pour autant ? Je ne saurais vous dire. Pour ma part, c’est celle que je préfère. »

    Dans ce cas pourquoi ne pas parler de la littérature que vous préférez, plutôt que de participer au brouhaha médiatique autour de celle que vous ne préférez pas ?

    Croyez-le ou pas, je n’avais pas entendu parlé du livre de cet auteur, j’ignorais qu’il rempilait pour une saison d’une émission qui ne m’intéresse pas, et j’ignorais même qu’il y faisait le clown : c’est vous qui m’avez appris tout ça… Connaissez-vous l’effet Streisand ?