Le plus beau de tous les tangos du monde…

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« Près de la grève, souvenez-vous
Des voix de rêve chantaient pour nous »

« Le plus beau de tous les tangos du monde ». Alibert.

L’augmentation de la durée du travail présentée comme une nécessité est une insulte au bon sens. Tout le monde le sait et personne ne prend le Premier Ministre au sérieux quand il explique gravement cette prétendue vérité. Qui ne voit en effet que le progrès des sciences et des techniques a bouleversé l’organisation du travail ? La numérisation qui a transformé l’organisation de la chaîne du travail et l’automatisation, la robotisation celle de la fabrication des objets impliquent une nouvelle organisation sociale. A cela il faut ajouter la division du travail au niveau mondial qui laisse aux pays en voie de développement les fonctions de fabrication des objets avec une main d’œuvre bon marché qui permet des plus-values bien supérieures –pour le moment. Ne parlons pas de la poussée migratoire, sujet-tabou, évoqué par Jean Paul Delevoye et vite mis sous le tapis (avec son auteur) comme on le fait avec de la poussière. 

Pour être concret, là où il fallait quatre sténos pour taper –après moult modifications- le discours du Premier Ministre, un simple ordinateur connecté suffit désormais.  Le stock de travail dans nos pays développés diminue rapidement et se concentre sur des tâches spécifiques qui demandent une formation poussée. Les actifs seront, dans le monde moderne, nécessairement plus jeunes, plus énergiques, efficaces et mieux formés. Il faut s’en réjouir ! Le monde leur appartient. Nous avons besoin de leur créativité. Ils seront mieux dans l’univers –pourtant souvent cruel- des entreprises que sur les listes, déjà trop longues, de l’ANPE.

Le progrès des sciences et des techniques n’est pas synonyme de contraintes comme on le présente trop souvent. L’augmentation de la durée de la vie n’est pas non plus une sorte de croix collective que la société devrait porter… Le progrès est au contraire porteur de bonheur, d’aisance matérielle, de disponibilité pour son prochain. 

Pourquoi le Pouvoir nous présente-t-il alors les choses d’une manière si négative ? D’où vient cette construction purement idéologique ? Cette vision en contradiction totale avec les leçons de l’histoire car, naturellement, on travaillait plus et plus longtemps dans un passé récent ? Etions-nous mieux avant ? Non ! Il faut le reconnaître, on vit globalement mieux aujourd’hui qu’autrefois : c’est vrai dans le domaine de la santé, du confort, des relations internationales (pacifiées en Europe), de l’alimentation, etc. Nous n’en avons pas la perception… bien qu’il y ait encore beaucoup à faire dans le domaine social et environnemental. Est-ce le logiciel qui est en cause –la nécessité de la réforme-qui est en cause ou l’interface, sa mise en œuvre ? Tant de maladresses dans la seconde partie a fait douter de la première. Nombreux sont ceux qui, désormais, estiment que la réforme était inutile.

Comme il y a le Parti de l’Ordre –il date de 1848, de la seconde république !- hostile par principe à toute manifestation, il y a le parti de ceux pour qui moins de travail est synonyme de paresse. Ce sont souvent les mêmes. Ceux-là voient dans toute diminution du temps de travail une sorte de coup de couteau dans le contrat qui lie entre eux les citoyens : le travail est une souffrance à laquelle nul ne saurait se soustraire. Sommairement, on dira qu’il s’agit du secteur le plus conservateur de nos concitoyens qui se retrouve ainsi à surfer sur la vague néo-libérale –d’inspiration anglo-saxonne- qui les emporte pour des raisons bien différentes. C’est à ce Parti de l’Ordre que s’est rangé un pouvoir que beaucoup ont eu du mal à cerner au moment où ils l’ont choisi.

Le choix de cette réforme tient à des raisons essentiellement politiques : satisfaire cet électorat sur lequel ce pouvoir fragile et sans assises propres, pourra s’appuyer lors des prochaines élections présidentielles –la mère de toute les batailles dans notre système politique. Il faut éviter que ne surgisse un homme providentiel de ce côté-là et se donner une sorte de légitimité qui tient en un mot : « j’ai résisté à la rue » sous-entendu : « voyez ! J’ai fait mieux que Juppé ».  Ce sont des calculs d’épicier et des ambitions de gnomes car, en réalité, le Parti de l’Ordre est aussi celui de la mesure. Il n’y a qu’une mince couche qui, parmi eux, tiennent pour l’ordre à tout prix. Pour la plupart il s’agit d’un ordre qui ne soit ni violent ni couteux.

Il y a un risque majeur dans l’excès, le jeu du pourrissement, le bras de fer ; sans doute a-t-il été mesuré. Ainsi la messe n’est pas dite et sur la théologie de la durée du travail il pourrait-y il avoir une nouvelle reculade. Ce serait-un moindre coût un accord gagnant/gagnant qui permettrait à chacun de sortir de la crise la tête haute. Après tout « Paris vaut bien une messe » et Lénine lui-même ne disait-il pas : « la politique c’est comme le tango deux pas en avant, un pas en arrière ».      

Pierre Michel Vidal         

PS Je découvre ce matin les résultats des élections en Grande Bretagne. La plus vieille démocratie d’Europe donne une leçon à méditer : on ne peut pas aller contre la volonté d’une nation…  

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7 commentaires

  • Le débat sur l’ordre, le travail et la paresse, remonte à la nuit des temps.

    Au moyen-âge, l’assignation à résidence dans les paroisses est très surveillée pour éviter le vagabondage. L’aide aux pauvres distingue les invalides (charité) et les valides (chasse aux fainéants).

    La révolution abolit les corporations qui sont considérées comme un frein à l’emploi. Mais cela n’empêche pas la prolétarisation ouvrière du premier XIXe. Le prix du pain pour une famille peut correspondre au salaire d’une journée de travail. Ce phénomène est général en Europe.

    La protection sociale se construit à partir des affrontements (ou plus précisément de la dualité, ce qui me semble réaliste et aussi plus sain que de mettre en avant des considérations morales) entre les tenants de la liberté économique, vivifiante, émancipatrice ainsi que créatrice de richesses et ceux qui considèrent qu’elle conduit à une concentration des richesses par une classe de la Société au détriment des autres.

    Plus près de nous, les slogans entre les partisans de la « valeur travail » (« la pauvreté méritante qui travaille et se lève tôt » ou encore « Travailler plus pour gagner plus » voire le RSA ) et les partisans du statut de l’emploi ; l’adhésion de l’opinion à l’une ou l’autre de ces positions variant suivant l’état de la conjoncture économique. Toutefois en période de récession économique, les plus pauvres sont touchés en premier ; d’où une utilité des emplois aidés.

    D’autre part, si le niveau atteint par la dette de la France ou encore le niveau des prélèvements et de la redistribution n’intéressent pas grand monde, je me demande si le niveau de l’économie de la France intéresse encore quelqu’un.

    L’industrie française voire européenne est essentiellement portée par des technologies datant des années 1900 ; c’est-à-dire de la IIe révolution industrielle soit il y a plus d’un siècle : Electricité, automobile, aviation, énergie, chimie par exemple. Ces technologies sont maintenant maîtrisées ou en passe de l’être par des pays comme la Chine et l’Inde.
    Les industries de XXIe siècle (GAFA et autres correspondant à la IVème révolution industrielle) ne sont pas nées sur le sol européen. Et je ne suis pas certain que les pays européens soient à la pointe de l’Intelligence Artificielle. Je me demande même si la Chine ou l’Inde ne nous devancent pas.
    Le problème n’est-il pas essentiellement là ?

    Seule la croissance pendant les trente glorieuses a permis la généralisation du salariat et le développement social. Sans croissance, point de développement.
    Mais quelle croissance ? Pas celle proposée par Amazon sans doute…

  • Bel article. il faudra expliquer à M. Sango que « stock de travail » et « stock de travailleurs » ce n’est pas le même chose.

    • Mais oui cela varie dans le même sens puisque la quantité travaillée par travailleur reste constante…
      L’INSEE n’a pas pas pris l’hypothèse d’un passage à 30 heures…
      Il faudrait expliquer à Hotoctone les bases des mathématiques…

  • « L’augmentation de la durée du travail présentée comme une nécessité est une insulte au bon sens.  »
    Pierre Vidal rejoint là la CGT et j’ai beau chercher, je dois manquer de bon sens…
    Il est une vérité toute mathématique en France et dans une majorité de pays européens, il y a de moins en moins d’actifs pour payer les retraites des retraités toujours plus nombreux. On pourrait donc s’arrêter plus tôt de travailler selon PV, mais qui paye alors les retraites ?
    La France a une dépense publique qui atteint et va dépasser 56% du PIB : record du monde.
    Les retraites représentent 14% du PIB : idem la moyenne en Europe est à 12% 2 points de PIB c’est 50 milliards…)
    Tous les pays d’Europe, sans doute plus idiots les uns que les autres appliquent un départ à la retraite bien plus tardif que nos 62 ans : 66 ans en Allemagne Italie Islande (en cours d’augmentation) 65 Espagne Danemark Belgique …
    « Au-delà des différences, tous les régimes de retraite en Europe se trouvent confrontés à un problème commun : l’évolution de la démographie.
    « Le vieillissement de la population modifie négativement l’équilibre entre la population active et les aînés. D’après des projections faites par l’ONU en 2015, la population de l’UE pourrait stagner à environ 500 millions en 2050, tout en comptant près de 50 millions de personnes en moins dans la classe d’âge 20-64 ans. Et 85 millions d’individus de 65 ans et au-delà en plus. »
    Merci de m’expliquer où est le bon sens…

    « Le stock de travail dans nos pays développés diminue rapidement »
    Faux et archifaux, c’est l’INSEE qui l’écrit :

    « Selon le scénario central des projections de population active de l’Insee, le nombre d’actifs de 15 ans ou plus de France devrait progresser dans les prochaines décennies pour atteindre 31,2 millions en 2040 et 32,1 millions en 2070, soit un rythme moyen de 45 000 actifs supplémentaires par an entre 2015 et 2070. La part des 55 ans ou plus dans la population active devrait continuer d’augmenter, pour atteindre 23 % en 2070. Du fait du vieillissement de la population, le ratio rapportant le nombre d’actifs au nombre d’inactifs de plus de 60 ans devrait, quant à lui, diminuer pour passer de 1,9 en 2015 à 1,4 en 2070. »

    Lire aussi :
    https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676623?sommaire=3696937
    Ou on voit clairement que le taux d’activité des seniors augmente…

    Oui la réforme de Macron est juste parce qu’elle établit une vraie égalité seul un adhérent borné de la CGT peut dire le contraire et puis aussi PV mais je ne comprends pas pourquoi…

    Je rajoute mon expérience personnelle et celle de très nombreux français, le régime AGIRC ARCO qui constitue la part importante de ma retraite est un régime par point, longtemps géré par la CFDT AVEC UN AGE PIVOT.
    Et personne ne s’en plaint…bizarre…

    • Pierre-Michel Vidal

      Arrêtez de chercher des justifications en regardant dans l’assiette des pays européens. Leur tambouille est peu ragoûtante: partout où le système Macron, prétendument plus juste, a été expérimenté le nombre des retraités pauvres a explosé.

      Il est peu opportun de citer l’Europe et ses pays quand un de ses éléments principaux quitte un navire en perdition. Vos exemples sont des contre-exemples et d’ailleurs, dans son programme le gouvernement espagnol -qui sera investi dans quelques jours- veut augmenter les retraites en taxant les banques. Le citerez-vous en exemple?

      Oui on peut penser autrement et il le faudra bien. Pour ce qui me concerne les exemples des pays voisins ne m’intéressent guère. Travailler moins, lutter contre le chômage, partager les richesses et les gérer mieux ce sont des impératifs moraux et économiques universels.

      Pour ce qui est de la CGT, puisque vous m’interpellez là-dessus, pour moi ce n’est pas le diable mais une grande organisation que je respecte bien que je ne partage ni ses objectifs ni ses méthodes, comme je respecte la CFDT pour les mêmes raisons. Il est dangereux de couvrir d’opprobre les uns et les autres de louanges. Que diriez-vous si on parlait ainsi du Medef ?

      Vous feriez un bien mauvais DRH…

      • Commençons par le « détail » :
        « En Espagne actuellement, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans. Si le report de l’âge légal à 67 ans a été prévu pour 2027, le gouvernement a indiqué que ce changement pourrait intervenir plus tôt. L’Espagne va alors devenir le premier État de l’Union européenne à dépasser la barre des 67 ans pour l’âge de départ à la retraite. »
        Et pire encore …
        « Malgré toutes les mesures instaurées par les autorités compétentes, les spécialistes de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique) pensent que le système n’est pas encore à l’abri des conséquences du « choc démographique » qui se produira après 2020. Selon eux, l’Espagne devrait inciter la population à retarder leur départ à la retraite et à développer des systèmes de retraite complémentaire. »
        (Retraite.com)
        Alors on y va ? On se la fait à l’espagnole cette réforme des retraites ?

        « Il est peu opportun de citer l’Europe et ses pays  »
        Drôle d’approche ! Mais compréhensible pour le pays le plus généreux du monde pour ses seniors comme je l’ai montré. Et il faudrait faire plus ? Alors que nous sommes le pays qui redistribue le plus, qui dépense le plus pour ses retraites, qui dépense le plus pour ses dépenses publiques et qui impose le plus ses « riches » ?
        C’est la position léniniste dont se revendique la CGT… Le ridicule ne tue pas….

        Quant aux partenaires sociaux, ne parlons pas de CGT Sud et autres dont la position est politique et qui veulent que la France devienne un pays d’allure marxiste. Parlons des autres, ceux qui ont montré qu’ils avaient la culture du compromis. Ils gèrent depuis des décennies sans heurt AGIRC ARRCO ( http://www.agirc-arrco.fr/qui-sommes-nous/organisation-paritaire/) avec un age pivot à 63 ans et bonus malus de 10% décidé paritairement…

        Votre position n’est absolument pas réaliste et totalement incompréhensible

      • Ce débat sur le temps de travail me fait penser à un livre que j’a lu (avec beaucoup de difficultés d’ailleurs) et qui s’intitule « Utopies réalistes – en finir avec la pauvreté – La semaine de travail de 15 heures » aux éditions du Seuil, dont l’auteur se nomme Rutger Bregman. Il s’agit d’un historien journaliste. Il y développe le principe du revenu universel de base, idée reprise dans notre pays par un candidat à l’élection présidentielle qui a fait un piètre score. Ce sont en réalité des propositions utopiques peu envisageables à court et moyen terme. Un monde dit idéal où la pauvreté serait totalement éradiquée. Un revenu serait versé à chacun sans obligation de travailler. A mon avis pas grand chose de réaliste dans cet ouvrage. En tout cas une réflexion au moment où l’INSEE vient d’annoncer que la dette de notre pays atteignait 100% du PIB.