Le réel se venge toujours
L’année se termine et il est temps de faire le point sur la réalité des prévisions que les uns ou les autres nous ont présentées comme des certitudes.
Evoquons pour commencer la situation de nos voisins du Royaume Uni. Pau n’est-elle pas « une ville anglaise » ? Beaucoup de nos analystes nous assuraient que le Brexit n’aurait pas lieu et qu’il y aurait un nouveau référendum. Les obstacles multipliés à Bruxelles par Michel Barnier, n’ont pas découragé nos voisins : conduits par Boris Jonhson, ils ont réitéré leur choix de quitter l’Union Européenne en restant en bon terme avec elle.
Ils le feront car c’est leur choix et il s’appuie sur leur intérêt bien compris : le bateau européen mené par une technocratie coupée des réalités, sombre lentement. Un tropisme historique déporte les anglo-saxons vers l’ouest, vers les Etats Unis, et ils peuvent s’appuyer sur les anciens pays de l’Empire avec lesquels ils ont su préserver des liens forts. Cela ne nous arrange pas mais il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités et « cette leçon vaut bien un fromage » comme il est dit dans la fable.
Sur le plan intérieur, nos commentateurs, les mêmes que précédemment, approuvent, dans leur majorité, la réforme des retraites que veut imposer aux forceps le gouvernement. Ils n’ont pas besoin de comparateur pour l’assurer : c’est une réforme plus efficace, plus juste et, compliment suprême, « de gauche » disent-ils. Les contestataires –les grévistes- sont eux des esprits conservateurs qui veulent défendre des privilèges injustes et archaïques. Ils mettent le pays à feu et à sang sans raisons valables.
Nos « commentateurs » de l’actualité ne manquent pas d’arguments pour convaincre. Les Français doivent comprendre la nécessité de la réforme car c’est une évidence : il faut travailler plus longtemps. Il s’agit là d’un impératif catégorique. Avec un argument définitif : c’est pareil dans les autres pays. Sauf que tous les sondages le montrent : une majorité des Français se prononce, malgré la gêne qu’ils subissent, en faveur des grévistes et les caisses de soutien atteignent des chiffres inattendus, même si, selon le Figaro, cela reste « symbolique ». L’idée c’est donc de faire le bonheur des gens malgré eux puisqu’ils n’y comprennent rien. Les intentions sont elles aussi pures que nous le proclament ces chevaliers blancs ?
Terminons ce bref tour d’horizon du « réel » avec la montée de l’antisémitisme et l’affaire Sarah Halimi. Au micro de la chaîne de télévision israélienne i24News, Meyer Habib, le député de la 8 ème circonscription des Français établis hors de France a notamment déclaré : «C’est un scandale d’Etat, j’étais le premier à en parler à l’Assemblée nationale, c’est un scandale judiciaire jamais vu en France.»
Il évoquait la récente décision de la cour d’appel de Paris concernant Kobili Traoré, jugé pénalement irresponsable de ses actes le jour où il avait tué Sarah Halimi dans son appartement parisien dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. Accusé d’avoir défenestrée la sexagénaire juive Sarah Halimi en 2017, une paisible habitante de Belleville, aux cris de «Allah akbar» Kobili Traoré, drogué au cannabis, il a été déclaré pénalement irresponsable par la cour d’appel de Paris, qui écarte donc la possibilité de le juger aux assises.
Dénonçant «le déni du réel» et le «silence médiatique» qui a entouré ce meurtre, 17 personnalités ont signé une tribune afin que «la vérité soit dite» sur cette affaire. Parmi elles des personnalités aussi diverses qu’Alain Finkielkraut, Michel Onfray, ou encore Eric Ciotti ont appelé à faire la lumière sur ce meurtre. Le président du CRIF pose, lui, la question : « Le crime antisémite serait-il le seul délit excusé par la justice du fait de prise massive de stupéfiants, alors que dans tous les autres cas, c’est une cause aggravante ? »
Et le philosophe Michel Onfray d’ajouter : « À chaque fois qu’il y a une surenchère dans la terreur, il y a une surenchère dans la dénégation de la terreur (…) Mais le réel se venge toujours un jour ».
Pierre-Michel Vidal
PS Bonne année. Merci de vos commentaires, qu’ils soient critiques ou bienveillants, ils sont les bienvenus…
« Le président du CRIF pose, lui, la question : « Le crime antisémite serait-il le seul délit excusé par la justice du fait de prise massive de stupéfiants, alors que dans tous les autres cas, c’est une cause aggravante ? » »
Présentation fallacieuse de la part du CRIF, mais c’est une habitude. L’irresponsabilité pénale n’est pas liée aux notions de circonstances atténuantes ou aggravantes, et elle ne constitue d’ailleurs pas une « excuse ».
Pour rappel, il s’agit d’un dossier où au cours de 3 expertises séparées 6 experts psychiatriques sur 7 ont conclu à l' »abolition du discernement » (qui entraîne l’irresponsabilité pénale), le 7ème ayant conclu « seulement » à une « altération du discernement ». Tous ont diagnostiqué une « bouffée délirante », certes déclenchée par la prise de cannabis, mais qui était imprévisible.
Fallait-il que le juge ignore les avis des experts pour satisfaire la pression médiatique (pression médiatique que vous décriez quand elle ne vous convient pas, mais passons…) ?
Le travail des juges (et celui des experts) dans de tels cas est déjà bien assez compliqué comme cela, laissez les donc faire leur travail sans les conspuer, et laissez aux avocats le soin d’un recours (car à ma connaissance ils peuvent faire appel de cette décision).
Au final on pourrait répondre au CRIF : « Les crimes envers des juifs seraient-ils les seuls à devoir être exclu du champ de l’irresponsabilité pénale ? »
Pour du réel, allons voir ce qui se passe en Suisse …
« Les Suisses ne consacrent aujourd’hui pour leur retraite que 7,5 % de leur PIB (grâce notamment au recours à la capitalisation), mais malgré cette marge de manœuvre, ils préfèrent allonger encore leur durée de travail.
Un sondage (Smartvote) fait en Suisse, le 19 août, révèle que la majorité des candidats à la députation est en faveur d’un recul de l’âge de la retraite à… 67 ans. Impensable ici. Pourtant, s’il y a une chose à expliquer dans cette période de consultation sur la loi retraite, c’est comment peut-on s’en tirer, chez nous, sans bouger significativement l’âge de la retraite ni augmenter la durée de cotisation ?
Rappelons quelques faits. Quand Mitterrand en 1983 a lancé l’idée de la retraite à 60 ans, il y avait quatre cotisants pour un retraité et l’espérance de vie était de 72 ans, soit 12 ans de retraite en moyenne. Aujourd’hui l’espérance de vie est de 84 ans, ce qui fait 22 ans de retraite. Et il n’y a plus que 1,7 cotisant par retraité. En 36 ans, la durée de retraite a été augmentée de 83 % et le pourcentage de ceux qui cotisent réduit de 57 %.
On en a remis une couche avec les 35 heures, qui reviennent à annihiler au moins quatre ans de cotisation. Pour faire simple, le ratio cotisants-retraités a été divisé par cinq. On a certes doublé la part du PIB consacrée aux retraites à 13,8 % (sous Mitterrand le ratio était d’environ 7 %), mais au prix d’une surcharge accrue pour nos entreprises. Il y a aussi eu des gains de productivité, mais la situation n’est absolument pas tenable.
Les Suisses ne consacrent aujourd’hui pour leur retraite que 7,5 % de leur PIB (grâce notamment au recours à la capitalisation), mais malgré cette marge de manœuvre, ils préfèrent allonger encore leur durée de travail. On dira : « Ils sont différents ! » Regardons alors nos autres voisins : le départ à la retraite se situe partout entre 65 et 67 ans. Si partir à 67 ans est un argument électoral de l’autre côté de la frontière, est-ce parce que le chocolat qu’ils consomment leur dérègle l’esprit ou parce que devant les faits ils sont, contrairement à nous, humbles et capables de se remettre en question ? » (Xavier Fontanet ex PDG d’Essilor)
Le réel se venge toujours…
Je ne pense pas que les Français soient plus inconscients que les Suisses, au fond d’ eux même ils savent très bien qu’ il faudra réformer notre système de retraite. Mais ce qu’ ils ne veulent pas c’ est être éliminés des négociations telles qu’ elles se passent aujourd’ hui. Entre un état qui ne cherche qu’ à imposer son modèle et des syndicats qui ne représentent que 7 à 8 % des salariés, reste une masse de salariés qui sont éliminés d’ office et qui ont pourtant des choses à dire et des idées à apporter.
Ce qui se passe là est tout le contraire de ce qui se passe en Suisse, où l’ on part de la base ( souvent un référendum pour savoir si l’ idée est développable ou non) pour construire une réforme équitable, jusqu’ au sommet de l’ état. Dans notre cas nous sommes bien loin de cela. Chez nous une réforme se doit d’ être imposée comme une vulgaire punition et surtout pas négociée, au cas où il pourrait y avoir d’ autres vainqueurs que l’ Etat ou les syndicats patentés. Nôtre réforme se dit universelle, mais sans l’ universalité des citoyens. Dommage que nos dirigeants n’ aient pas compris ce principe de base et oublie que nous ne sommes plus à l’ époque
» des trente glorieuses » où il avait uniquement en face la CGT. Ce qui était bien plus facile pour lui de négocier.
Encore une affaire qui va coûter financièrement un maximum, pour au final accoucher d’ une souris ( voir déjà les différents reculs accordés secteur par secteur)ou faire carrément marche arrière après x jours de grève stérile.
« Sauf que tous les sondages le montrent : une majorité des Français se prononce, malgré la gêne qu’ils subissent, en faveur des grévistes ». Encore une fois c’est faux !
« Selon un sondage* YouGov publié en exclusivité par Capital, 55% des Français ne soutiennent pas la grève dans les transports. C’est un point de plus que la semaine dernière, où une étude estimait que 54% des sondés y étaient opposés.
« A la question “soutenez-vous le mouvement de grève des salariés bénéficiaires des régimes spéciaux (SNCF, RATP) ?” posée par l’institut de sondage YouGov, 22% ont répondu “Oui, tout à fait” et 19% ont affirmé “plutôt” soutenir la grève. Du côté des personnes opposés à l’action des salariés, 24% ont répondu ne “pas vraiment” soutenir le mouvement et 31% ne “pas du tout” l’approuver. Enfin, 4% des personnes interrogés n’avaient pas d’avis sur la question. » (Capital 24/12 ))