Scepticisme systématique

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Cette attitude de doute, d’incrédulité, ce scepticisme qui devient maintenant systématique est la conséquence des comportements de certains responsables politiques. Pour illustrer cette affirmation voici deux situations tirées de l’actualité et qui peuvent alimenter notre réflexion.

Comme en chaque début d’année, l’INSEE qui est un organisme réputé crédible, fait paraître les chiffres de la population. Ainsi selon ce qui est rapporté par le journal La République des Pyrénées (31 décembre 2019) et par le journal Sud Ouest (1 janvier 2020) la ville de Pau a perdu des habitants. Oh pas beaucoup, 121 habitants, comparés aux chiffres publiés par le même organisme en début d’année 2019. Il n’y a pas là de quoi tirer un enseignement particulier en raison d’une part de la modestie de la différence et d’autre part de la méthode de comptabilité qui est bien difficile à comprendre. Ces chiffres en effet concernent la population légale au premier janvier 2020 mais sont dits arrêtés au 1 janvier 2017. Allez comprendre ce qui serait trop long à expliquer ici.

Ils suscitent néanmoins une réflexions de François Bayrou. « Mon indicateur le plus fiable, c’est celui du nombre d’enfants dans les écoles qui était de plus 154 élèves à la rentrée » nous dit-il. « Il y a beaucoup d’indices, poursuit-il, plus actuels qui montrent la tendance inverse comme le nombre de transactions immobilières qui a doublé sur un an ».

Si François Bayrou n’a pas tort sur le fond quand il dit qu’il faut relativiser ces résultats et apporter un autre éclairage, il oublie cependant de rappeler que l’an passé, à la même époque, le même INSEE, faisait état d’une augmentation de la population de 36 habitants. Et là, le maire de Pau n’avait pas hésité à en tirer un argument tout à sa propre gloire en disant que, par sa politique, il avait réussi à inverser une courbe qui ne cessait de descendre depuis 2008. Autrement dit quand les chiffres vous servent ils sont justes et vrais, mais lorsqu’ils vous desservent ils sont discutables. Cette recherche forcenée d’une exploitation à son avantage, d’un auto-encensement, en dépit de toute objectivité, conduit le citoyen électeur à se montrer sceptique envers les propos et prises de position des politiques.

Dans le même ordre d’idée et à un autre niveau, on pourrait parler de la théorie du ruissellement que Macron nous a servi pour justifier la suppression de l’ISF. Il ne faut pas exclure que là est la cause principale du blocage de la réforme des retraites. Le président des riches inspire la suspicion lui aussi. Certains vont même jusqu’à affirmer que si Macron rétablit l’ISF, en reconnaissant qu’il n’y a jamais eu de ruissellement, la réforme des retraites va connaître une évolution favorable. C’est peut-être exagéré dans la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, mais ils considèrent que cette image de président des riches qu’il traîne comme un boulet, comme le sparadrap du capitaine Haddock, est sans doute le principal frein à cette réforme. Il aura beau être animé par les plus louables intentions, la suspicion s’est installée de manière définitive et sa crédibilité en a pris un coup. Un retour en arrière est maintenant très peu probable voire impossible.

Voilà donc deux exemples, mais il en existe d’autres, à d’autres niveaux, qui conduisent le citoyen lambda à devenir suspicieux à l’égard des politiques. Il se rend bien compte, ce brave électeur, que ces politiques ne disent pas toujours la vérité. Qu’ils sont animés par d’autres préoccupations que celles qu’ils affichent. La naïveté n’est plus ce qu’elle était. La conséquence est une disqualification qui devient maintenant systématique.

Pau, le 6 janvier 2020

par Joël Braud

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8 commentaires

  • Pierre-Michel Vidal

    « Un politique, pour être efficace doit se soucier de l’opinion publique, de son image auprès des citoyens, autrement dit savoir convaincre ». Evidemment Joël Braud !
    Bien sur on peut contester la démocratie, chercher refuge dans un régime autoritaire. C’est l’option Poutine tant décriée par ceux-là même qui soutiennent ici le Pouvoir et ses méthodes autoritaires.
    La Réforme, la Réforme! c’est une sorte d’incantation scandée par les médias sur l’air des lampions. Ces réformes sont-elles nécessaires ? C’est la question. Celle des retraites est contestée par des gens censés, sa nécessité reste donc à démontrer. Quelle réforme ? Pour qui ? « Ils font pareil ailleurs », nous dit-on… est-ce une raison ? Le rôle de l’homme politique c’est en effet d’expliquer, de convaincre, du moins dans une République comme la France. Il est grassement payé pour cela et il a beaucoup d’avantages, si le boulot ne lui convient pas qu’il le laisse, les aspirants ne manquent pas…
    Il vaut mieux une démocratie difficile à gérer qu’une tyrannie où tout le monde marche au pas. Toute l’histoire du XXème siècle le démontre. Alors un peu de tolérance. Apprenons à vivre ensemble, dans la contradiction qui devra être dépassee.

  • L’attitude de Bayrou est évidemment partisane. Mais un candidat de premier tour ne se doit-il pas d’abord de conforter ses partisans ?

    En fait la situation des villes moyennes dépasse tout le monde. Politiciens locaux et nationaux compris. Par contre les doutes sur les causes du dépérissement de ces villes voire sur les responsabilités locales, bel et bien ancrés depuis plusieurs années.

    M. Bayrou n’est pas plus malhonnête aujourd’hui en relativisant les données de l’INSEE qu’il ne l’était il y a 5 ans en accablant la gestion Socialiste sur la situation démographique de Pau.
    J’ai le souvenir d’un argument similaire, mis en avant il y a quelques mois par M. Duchateau, sur l’évolution démographique paloise pendant la mandature MLC. Actuellement à Billère, M. Lalanne reprend cette interprétation. Par contre à Lons, M. Patriarche jubile (Cf. La Rep du 02/01/20).
    Personnellement à Lons, je ne vois que des ballets de voitures et, en plus, Lons et Pau vont créer une zone d’interaction près de la rocade qui congestionnera un peu plus celle-ci. Comme les aménagements actuels autour du rond-point de la route de Bordeaux d’ailleurs.

    Quant à « Macron Président des riches », je veux bien le croire.

    Mais les riches étaient déjà une préoccupation sous M. Sarkozy (bouclier fiscal) comme sous M. Hollande d’ailleurs (cf. affaires « Depardieu » et « Geonpi » que tout le monde semble avoir oublié, « boite à outil » économique et CICE ou loi sociale dite « El Khomri) qui ont fini par disloquer la majorité socialiste et disqualifier la candidature de M. Hollande ainsi que le parti socialiste d’ailleurs.

    Après le fiasco de la candidature de M. Fillon qui paraissait pourtant imbattable et dont la proposition de suppression de l’ISF était devenue une nécessité évidente, M. Macron s’est retrouvé Président avec une proposition de version édulcorée de l’ISF qui ne satisfait personne.
    Les classes populaires bien sûr mais également le secteur de l’immobilier qui se considère comme un acteur économique équivalent aux autres.

    Or je viens de suive sur France 5 le documentaire « Rêve pavillonnaire, les dessous d’un modèle » dans l’émission « Le monde en face » présentée par Marina Carrère d’Encausse : « https://www.france.tv/france-5/le-monde-en-face/1138467-reve-pavillonnaire-les-dessous-d-un-modele.html »
    Il n’y a pas que la mondialisation ou l’Europe qui ont créé la France périphérique.

  • Ainsi on pourrait croire que le scepticisme le doute…etc est due au comportement des politiques.
    Hélas non, cela voudrait dire que tous les français sont des gens ouverts, sans préjugés, prêts à débattre sérieusement des problèmes politiques.
    Il n’en est rien ! La moitié des citoyens sont déjà embrigadés dans leurs parti pris politiques.
    De la France insoumise au PC, PS jusqu’au RN ces électeurs n’écouteront même pas le sujet proposé, c’est de l’opposition systématique quoi que fasse ou dise Macron
    Une connerie bien française…

  • « Un politique, pour être efficace doit se soucier de l’opinion publique, de son image auprès des citoyens, autrement dit savoir convaincre ». Oh que oui. Et c’est comme ça que l’Allemagne s’est retrouvé avec un certain Hitler comma chancelier.

    • Quel rapport ?

    • « Un politique, pour être efficace doit se soucier de l’opinion publique, de son image auprès des citoyens, autrement dit savoir convaincre ». Oh que oui. Et c’est comme ça que l’Allemagne s’est retrouvé avec un certain Hitler comme chancelier.

      Consternant !!! : comment osez-vous faire une telle comparaison alors que le contexte politique et économique était totalement différent !
      La nomination en janvier 1933 d’Hitler comme chancelier par le président Hindenburg, a été le début de la dictature nazie avec les conséquences funestes que nous savons tous…
      Rappel : l’émergence de l’antisémitisme allemand avait déjà précédé cette nomination…

  • J’ai du mal à voir la similitude entre une donnée objective et une théorie subjective.

    M. Macron a démarré son quinquennat avec moins d’un quart de confiance de la part des électeurs au premier tour alors que les extrêmes totalisaient plus de 40%. Il me semble qu’on en est toujours là.

    Pour être vraiment efficace, une Présidence devrait bénéficier de l’ordre du tiers des suffrages dès le premier tour.

    • C’est vrai que se pose, comme vous le soulignez M. Larouture, un problème de confiance. Pour réussir une réforme il est essentiel de ne pas susciter le doute. Actuellement les grévistes, les syndicats, ne croient pas en l’honnêteté des propositions qui sont faites pour réformer les retraites. Ce manque de confiance, c’est ce que j’essaie de démontrer, résulte de l’attitude des politiques, un Bayrou qui n’interprète les résultats de l’INSEE, organe pourtant réputé sérieux, qu’à son seul avantage, induit le doute du public parce que ses prises de positions sont jugées partisanes. Et conduit ses inconditionnels, à son exemple, à mettre en cause le sérieux même de l’INSEE. Macron de son côté a acquis une posture de président des riches. Cette image qui lui colle à la peau, est définitive. Tout ce qu’il pourra entreprendre sera entaché de ce manque de confiance. Il empêche toute réforme. Que va-t-il advenir de ce projet de réforme qui provoque une paralysie du pays ?
      Je rejoins votre dernière phrase qui dit que pour être vraiment efficace, autrement dit pour réussir à réformer un pays qui en a bien besoin, il faut bénéficier d’au moins un tiers d’opinions favorables. A mon avis d’ailleurs cela devrait être au moins la moitié. Un politique, pour être efficace doit se soucier de l’opinion publique, de son image auprès des citoyens, autrement dit savoir convaincre.