Émotions sans calculs et calculs sans émotion.
Ou réflexions sur la fracture sociale.
L’actualité tonitruante montre que nous baignons dans un monde où ruissellent les émotions. Les médias font vibrer la corde sensible en évoquant, souvent, détails à l’appui, les actes pédophiles, la mort d’enfants, d’adolescents, de femmes ; harcèlements et viols sont à la une ; les attaques politiques, les fausses nouvelles, se chargent d’amplifier le climat général délétère. Les animaux ne sont pas exclus, certains ajoutent les plantes ; ils font l’objet de toutes les attentions pour leur «bien-être», même à l’abattoir ! Les politiques cherchent les points «sensibles» pour se faire élire. Cela devient une explosion dans les réseaux sociaux et les démarches médiatiques exploitent, dans leur intérêt, l’hypersensibilité ambiante.
La volonté affichée du pouvoir pour une numérisation généralisée le plus rapidement possible, dans tous les domaines, ouvre de larges plaies dans notre société ; comme le néolibéralisme, c’est la pire des évolutions pour «la liberté» quand, comme c’est le cas, ce n’est pas régulé pour humaniser. Déjà, le commerce, l’administration… savent tout de nous, plus que nous-même ! Cette philosophie individualiste cible de plus en plus les personnes et leur vie privée et non, comme avant, les idées qu’elles expriment.
Ces idées qui mènent le monde sont des émotions primaires : peur, colère, dégoût, tristesse, joie, et les émotions sociales : la sympathie, l’embarras, la honte, la culpabilité, l’orgueil, l’envie, la gratitude, l’admiration et le mépris. Qu’elles soient non quantifiées ni même non quantifiables n’a aucune importance, c’est le ressenti qui compte. Elles ne sont pas le résultat de la culture, elles appartiennent à un processus biologique, inconscient, irréfléchi, spontané, sans calcul préalable, visant à protéger l’organisme d’un déséquilibre fonctionnel (homéostasie) et à fournir les informations nécessaires à la synthèse du néocortex, centre des sentiments intellectualisés et des décisions réfléchies.
C’est à ce niveau seulement que l’on passe de l’homme biologique à l’homme culturel.
Leur fragilité et les manipulations sont exploitées par ceux qui y ont intérêt, parfois avec une utilité sociale, souvent, avec une volonté de créer le désordre et le mal à autrui : de la transparence «utile» universelle à la transparence «malsaine» ciblée.
Les propos de Daniel S : «Il n’y a pas un citoyen sur 100 qui a lu le budget de sa commune, interco, département ou Région et qui soit capable de porter un jugement objectif.» sont exacts, en dehors du fait qu’un jugement n’est jamais objectif et que la part de l’émotionnel, de la passion, là aussi, n’est pas exclue ! Dans l’immédiat, ce constat est sans avenir car cela ne touche pas les émotions ; c’est froid et basé sur des chiffres forcément partiels et partiaux, y compris surtout, les chiffres officiels délivrés à profusion sur le site. Le citoyen ne réagit pas au % de hausse ou de baisse mais à «un climat»(émotion), ensemble complexe de nombreux paramètres qui interréagissent et dont la politique générale est un catalyseur prioritaire.
« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées « .
disait Winston Churchill.
«L’air du temps est colonisé par les chiffres, c’est-à-dire par des quantités mesurables. On n’éprouve plus la valeur d’une société humaine ou d’une situation, on la mesure… De ces chiffres secs on nous invite à attendre notre bonheur, pour ne pas dire notre salut. Nous sommes englués dans le quantitatif comme des oiseaux de mer dans le mazout.» (Vous avez dit «valeurs» ? Jean-Claude Guillebaud).
L’idée de réduire Pau à des chiffres m’affole !
L’incarcération déshumanise en transformant l’Homme en numéro, disait un ancien détenu.
Ce démon des chiffres est le plus fort dès que l’on parle gros sous ; le danger est de laisser imaginer que l’utilisation de chiffres est scientifique, garantie de rigueur, une confrontation efficace et précise au réel,… ce qui est complètement faux.
Les chiffres ne sont pas en cause, c’est la façon de les obtenir et de les utiliser.
C’est le nerf de la guerre politique car les références ne manquent pas ! Le débat est largement ouvert et la moindre dépense en plus devient un argument de valeur «incontestable» dans la critique de l’auteur de ce «gaspillage».
Par exemple, pour Agnès Verdier-Molinier «La capitale du Béarn occupe la 14 ème place des villes les mieux gérées, avec une note de 10,4/20. En 2014, année de comparaison, sa note était de 11/20. Une régression donc. »
J’avoue n’avoir jamais noté une copie 10,4/20, n’étant pas capable d’apprécier la différence entre 10,4/20 et10,5 voire 11/20, sauf, en classant, par ordre de valeurs, des moyennes ou des résultats de ces exercices «super intelligents !» appelés QCM, afin de faire des sélections !
Au fait, on gère dans quel but ? La définition dit : «satisfaire les besoins de la population ; les attributions sont multiples : état-civil, urbanisme et logement, écoles et équipements, activités culturelles, santé et aide sociale, police …»
D’après l’esprit du texte c’est toujours dépenser moins pour diminuer les impôts.
«aux humains qui s’entassent dans le train de l’actualité, on parle de la vitesse du convoi, de la quantité des wagons ou des kilowatts dépensés pour la traction. Ce qu’ils préféreraient connaître un peu mieux, c’est la destination finale, le but du voyage, le dessein partagé.»( Vous avez dit «valeurs» ?J ean-Claude Guillebaud).
En dehors de faire des économies, je cherche en vain le «but du voyage et le dessein partagé» dans les propos de ceux qui veulent toujours réduire les dépenses, sans s’occuper des besoins.
Ce «jugement dit objectif n’est pas le même pour tous les contribuables ! Ce qui est un scandale déficitaire pour les uns est une bonne chose pour les autres ; ainsi, le grand prix automobile, la fête des lumières et le feu d’artifice du 14 décembre sont une dépense énorme et une injure aux économies d’énergie vantées par la municipalité ; et pourtant cela attire un public très nombreux qui fait marcher le commerce ! Les dépenses pour stimuler et entretenir les sports, professionnels aussi ! (nombreux à Pau !) et la culture (orchestre de Pau, Temps libre…) sièges des émotions par excellence, ont un retentissement important auprès de la population. Le stade d’eaux vives, l’équitation avec le centre équestre de Sers et les 5 étoiles de Pau reçoivent les champions et les meilleurs cavaliers et chevaux ; la renommée est mondiale. A la longue liste de ces dépenses utiles mais dont la rentabilité est à prouver, ajoutons le skate-park du quartier de la gare : 660.000 euros HT pour l’extérieur (1800 m²). Sport olympique, il pourrait accueillir de grands événements et générer un véritable business ( expansion future prévue à l’est et au sud).
Pau, c’est tout cela aussi !
Mais voilà, pour remplir les caisses, les collectivités peuvent s’appuyer sur deux sources principales : les dotations de l’Etat et les recettes fiscales, or, ces dotations s’amenuisent et les recettes aussi (taxe d’habitation, 7000 électeurs en moins) ; deux solutions : augmenter les impôts, diminuer les prestations offertes en jouant sur le mot «besoins» ;
le choix communal et national devient politique, dans les urnes.
Au niveau national, les chiffres déclinent, sans émotion, des épreuves de plus en plus drastiques que les non-responsables doivent subir pour satisfaire un néolibéralisme mettant en danger le système de santé et d’éducation, l’ordre public, la sécurité, le respect des générations, l’égalité et la fraternité entre les Français.
Souffrir est devenu archaïque écrit Barbara Stiegler.
Ce néolibéralisme est un colosse aux pieds d’argile, il est en train de montrer sa vulnérabilité à bien plus petit (ordre du micron) que lui, du fait des retombées économiques provoquées par le coronavirus. L’avenir sera peut-être encore plus redoutable sur les personnes et les activités mondiales frénétiques de production, consommation, transport, concurrence…, du fait des politiques environnementales, et des budgets qui restreignent les moyens octroyés aux hôpitaux et aux instituts de recherche, à la formation…
De bouche en bouche il est porté
……….
Et l’on voit le pauvre diable
Menacé comme un coupable
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé
Notre ex-ministre hématologue enfermée dans ses chiffres, abandonne le bateau. Ce n’est pas très conforme au code de déontologie médicale qui stipule :
«Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.»
Avec tous les dossiers mettant en danger la santé des Français : retraites de plus en plus tardives, pollutions et cancers…, alimentation diabète et obésité, urgences, traitements humains dans les EHPAD, drame des hôpitaux publics, vigilance de tous les instants dans l’évolution du virus…, le Président a choisi d’abandonner le N°1 de ses préoccupations, la compétence, pour l’engagement sacrificiel à son service.
Un classement impose :
+ De définir des limites entre « les classes » or, les limites sont arbitraires.
+ De définir des critères. Ils sont innombrables, ceux qui sont choisis sont forcément incomplets, arbitraires, subjectifs et évolutifs ; avec d’autres, on a d’autres résultats (décompte du nombre des chômeurs, des manifestants, de la délinquance, des dépenses prévues… !). Comme on multiplie les critères pour paraître plus précis, on renforce l‘arbitraire en définissant des moyennes qui faussent tout.
Quant aux statistiques, par exemple sur les violences, la délinquance…, c’est toujours parcellaire, partiel et partial, toujours adaptées aux «besoins» ; comme dit A.Bauer.
Les chiffres deviennent un outil de sélection au service d’une idéologie, d’un commerce, d’une politique, d’une volonté de dominance.
La plaque biologique chaude et sensible est en subduction sous la plaque économique néolibérale froide et déterminée d’où les manifestations explosives volcaniques, les nombreux tremblements de terre et surtout les failles.
signé Georges Vallet
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