C’est grave Docteur ?

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Je ne sais pas ce que nous trouverons quand nous aurons franchi le seuil de notre domicile. Les prévisions économiques de l’Union Européennes sont ahurissantes tant elles montrent l’ampleur de la crise et tout particulièrement le désastre social sans précédent qui s’annonce. J’entends certains, pour ce faire, réclamer, à cor et à cri, un déconfinement absolu et salvateur, et d’autres, aussi nombreux, exprimer leur crainte de cette « fausse libération », gage d’une nouvelle contamination.

La communauté scientifique qu’on croyait capable de laver son linge sale en famille n’a jamais cessé de se déchirer, confrontée qu’elle est, sans doute, à son incapacité — sans doute conjoncturelle ; il faut l’espérer — à comprendre et surtout à maîtriser ce virus capable de tout et de son contraire. Les chaînes d’information en continu s’emploient, elles aussi, à souffler le froid et le chaud, suivant en cela le bréviaire des experts et autres médecins de toute nature, venant sur leurs plateaux discourir de la possibilité d’une deuxième vague. Sans compter, avec les interventions d’Olivier Véran, d’Edouard Philippe et de notre jeune président qui traînent comme un boulet ce triste et détestable mensonge sur les masques et les tests. À les entendre, lorsqu’on leur prête une oreille attentive, on se dit que nous sommes tous en voie d’infantilisation, en soupirant l’éternelle phrase que j’ai souvent prononcée les dents serrées devant mon médecin : « C’est grave Docteur ? » Là aussi, l’optimisme béat des uns et le pessimisme des autres — on y retrouve les clans et courants habituels de la politique française —, dans une dialectique devenue pour le moins névrotique, nous plongent dans un océan de doutes et peut-être au repli, en attendant non pas Godot mais la vie d’après qu’on espère normale. Les maires de la côte basque et landaise n’y tiennent plus, ils réclament l’accès unilatéral aux plages, aux sommets. Donc, aux vacances qui s’approchent à grand pas et qui sont toujours mises entre parenthèses. Peut-être que le Covid-19 les mettra tous d’accord. Qui sait quel tour dramatique est-il prêt à nous jouer dans les semaines et mois à venir ? Qui le sait ? « Vè-te saber ? » comme on dit en Béarn.

Souvent, le soir venu quand dans le calme admirable d’un piémont que je n’ai jamais connu aussi apaisé — la circulation automobile est décidément peu supportable, et pourtant… — j’ai l’impression que l’étrange pays du confinement que nous fréquentons depuis le 14 mars, sera le 11 mai et suivants, ordinaire comme il n’a jamais cessé de paraître depuis que je suis en âge de le regarder. Hélas, ce satané virus a contaminé des foules de citoyens qui, pour la plupart, sont restés cloîtrés dans leur chambre, affaiblis quand ils n’étaient pas abattus par une fatigue extrême qu’ils n’avaient jamais connue jusqu’alors. Nombre d’amis et connaissances profitant de ces longues semaines m’ont téléphoné pour s’enquérir de ma santé. J’en ai fait de même, en retour. C’est au détour d’un échange avec l’un d’eux, tournant autour de ce tueur-né qu’est le Covid19, que j’apprenais que sa fille et son fils étaient toujours alités et épuisés ; un autre me confiant, car on ne crie par sur les toits cette « chose là », que son frère, sa sœur, son beau-frère et compagne avaient été eux aussi touchés par l’épidémie. Notre virus a circulé et circule encore dans notre cher Béarn que l’on ne cesse, pourtant, de dire épargné, eu égard à d’autres régions durement frappées par la pandémie. Il n’en demeure pas moins, qu’il se promène ici ou là sans que nous sachions s’il a fini son œuvre destructrice.

Emmanuel Valenti

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Un commentaire

  • Pierre-Michel Vidal

    Mais oui ,beaucoup de béarnais mesurent mal la gravité de la situation car nous avons été épargnés. Heureusement! Nous nous sommes confinés plus tôt, alors que le virus frappait l’Est puis la région parisienne. C’est ce qui explique qu’il y a eu moins de cas et que nous n’avons pas vu la pression sur l’hôpital comme dans les régions plus exposés. Maintenant ce qu’il faut réussir c’est le déconfinement: cela ne veut pas dire n’importe quoi. Le port du masque et le maintien de la distanciation sociale doivent être rigoureux. En serons-nous capable, nous qui n’avons pas connu de manière concrète la violence d’un choc équivalent à celui vécu par nos concitoyens de l’Est ou de la région parisienne? Serons nous capable de résister au laisser-aller ?