Racisme social

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« On ne vous propose pas souvent, surtout quand on est le fils d’une institutrice, du département du Gers, issue de l’école républicaine. J’ai ressenti cela avec beaucoup d’émotion, beaucoup d’humilité. » C’est ainsi que le nouveau premier ministre, Jean Castex, a présenté sa nomination, vendredi soir aux Français par l’intermédiaire de TF1. Cela devrait plaire : l’ascenseur social, celui qui est en panne depuis plusieurs générations, aurait-il fonctionné pour une fois ? Un fils de paysan, un voisin, natif du Gers, de la petite ville de Vic-Fézensac qui lutte pour sa survie : le maintien de ses services publics, la conservation de ses traditions, l’avenir d’une population qui subit les avanies du monde rural. Le maire d’une petite commune, Prades, élu par 75% des suffrages et donc capable de faire l’unanimité derrière lui, cela devrait rassurer.

Oui mais voilà, Castex a l’accent et c’est la première chose qu’on lui reproche comme on le reproche dans les bonnes familles de la bourgeoise de province aux enfants prodigues et son maintien n’est pas conforme : n’avez-vous pas vu comme il s’accroche au micro lors de la cérémonie de passage avec Edouard Philippe, devenu la figure idéale après avoir été voué aux gémonies ? Avant d’être un grand commis de l’Etat, un gaulliste social qui a quitté LR en raison du soutien de ce parti au candidat du Rassemblement National Louis Aliot, pour les plus radicaux, Jean Castex est « blanc » tout simplement.

Ainsi ce tweet de Danièle Obbodo députée  LFI : « Nom : Jean #Castex Profil : homme blanc de droite bien techno & gros cumulard Fonction : gérer l’intendance de fin de règne de la #Macronie comme il a préparé le déconfinement, en mode « Démerdez-vous, c’est chacun·e pour sa gueule, Jupiter reconnaîtra les sien·nes » La LICRA, ligue contre le racisme et l’antisémitisme lui répond ainsi : « Désigner un adversaire politique en raison de la couleur de sa peau est une honte absolue ! Il n’existe pas de pensée « blanche » ni de pensée « noire ». Vos propos sont inqualifiables »

C’est devenu un sport national de critiquer a priori et de louer a posteriori. On adule désormais Edouard Philippe que l’on a détesté lors de la réforme des retraites, des 80 kilomètres/heures, ou de la violente répression des Gilets Jaunes pour ne prendre que quelques exemples d’un bilan contrasté. On ne retient de son action contre la pandémie que sa communication, modeste et élégante, mais on oublie la pénurie de masques, de vaccins et les polémiques sur l’hôpital. On ne voit en lui que le concurrent putatif du Président avec lequel il n’y avait pas « le quart de la moitié d’une feuille de cigarettes » de différence. Bref, on en fait un saint…

Je me range derrière ce point de vue de Dominique de Montvalon, journaliste-éditorialiste politique (Le Point, L’Express, Le Parisien, L’Opinion, Le JDD) : «Libération et Eric Ciotti sur la même ligne : avec la nomination de Jean Castex, « Macron dissout Matignon ». Castex est tellement peu l’homme qu’aurait voulu et choisi la nomenklatura parisienne que l’idée qu’il se révèle singulier et à la hauteur est d’emblée évacuée. »

En réalité Castex est considéré comme un « bouseux » par cette intelligentsia parisienne, qui pense avoir triomphé aux dernières élections municipales avec EELV. Ce succès, orchestré par les médias reste très limité, moins de 10% de la population et circonscrit aux grandes villes Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux où vit une population fortunée quand elle n’est pas dans l’île de Ré sur son vélo électrique.

La robe d’opprobre dont beaucoup des commentateurs ont recouvert Jean Castex s’appuie aussi sur ses premières déclarations en faveur de la laïcité, de son attachement au gaullisme et au gaullisme social pour être plus précis. Tout cela fait tâche, vieille France, popu… On attendait un jeune cadre dynamique, anti-nucléaire, végan, sans cravate et sans accent surtout. On a un « notaire de province », un « homme de la quatrième », « un nouveau Guy Mollet »,  » un haut fonctionnaire « du midi moins le quart » (selon JM Le Pen) alors que l’on a rien vu de son action. Ce racisme social évoque les violentes critiques contre Edith Cresson parce que première femme nommée chef du gouvernement. Commentaires a priori quelles valeurs ont-ils ? La critique viendra fatale et nécessaire face aux défis qui nous attendent : Laissons le temps au temps.  

Pierre-Michel Vidal

Photo Midi Libre

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6 commentaires

  • M. Castex se présente comme bénéficiaire de l’ascenseur social et comme un homme des territoires.

    Il me semble que la proportion de fils d’’instituteurs ou d’enseignants à l’ENA n’est pas négligeable.

    De plus un Enarque sait très bien que la territorialité est une vue nostalgique d’une société dépassée.
    Le retour des valeurs d’un monde perdu est un frein à la construction des valeurs du monde de demain.

    « Je vous ai compris » aurait-il pu ajouter.

  • Je suis d’accord de A à Z avec l’analyse de Pierre Vidal sur les excès de langage des médias à partir de la nomination de Castex qui tranche un peu avec le convenu et la consanguinité entre la presse et certains hommes politiques.
    Personne ne sait ce que fera le nouveau premier ministre dans un contexte inédit avec des enjeux que l’on a de la peine à mesurer.
    Peut-être ne sera-t-il pas à la hauteur….voire….mais pourquoi le décréter par avance.
    Il faut que la presse cesse d’agir selon la loi de Lynch en commençant par un verdict…puis en menant ensuite son enquête, en général, à charge ou en tout cas dans la logique du verdict.
    Je rêve d’un journalisme « au regard neuf » qui informe en fonction de ce qu’il découvre et non pas de ce qu’il croit…ou qu’il voudrait faire croire…

    • 1°) « Personne ne sait ce que fera le nouveau premier ministre  »

      Ce que Macron lui dira de faire!

      S’appuyer sur les origines, les convictions du passé, la sensibilité, l’habilité,…tout cela c’est pour parler, car lui, comme les ministres, ne sont que des courroies de transmission.
      Si tu es là, c’est pour fermer ta gueule ou tu t’en vas!

      D’ailleurs, les convictions du passé ne perdurent pas toujours, loin de là. Souvent homme politique varie, pour des raisons multiples, parfois très louables, parfois pas très avouables.
      La capture d’une écologiste, dit-on, Barbara Pompili, n’est que de la communication, car, passée des verts aux socialistes puis à LREM ce n’est pas une marque de fidélité à des principes; c’est soit un changement de conviction, soit l’illusion qu’elle pourra faire faire les très petits pas jugés suffisants, soit évoluer en fonction d’intérêts personnels.

      2°) »Je rêve d’un journalisme « au regard neuf » qui informe en fonction de ce qu’il découvre et non pas de ce qu’il croit…ou qu’il voudrait faire croire »

      Moi aussi!

  • Le choix de TF1, chaîne privée, pour se présenter aux Français, est, pour le moins malheureux, pour le plus, la marque d’une orientation politique.
    Il me semble que ce serait beaucoup plus républicain qu’un représentant de l’État s’adresse à la nation sur une ou deux chaines publiques, la 2 et la 3.

    « où vit une population fortunée quand elle n’est pas dans l’île de Ré sur son vélo électrique. »

    Je pense qu’il ne serait pas inutile de reconsidérer cette vision péjorative du vote écologiste.
    +Je ne vois pas en quoi le fait de circuler en vélo électrique soit un signe de richesse? La population fortunée utilise la voiture haut de gamme.

    +Que les grandes villes votent pour diminuer la pollution, les embouteillages, les maladies respiratoires…on peut les comprendre car ils sont confrontés de près à ces problèmes, riches ou pauvres.
    Il n’y a pas d’ailleurs que les grandes villes, bien des campagnes, pour d’autres raisons(nocivité de l’agriculture ou de l’élevage industriels) ont vu une poussée écologiste sensible.

    Les enquêtes d’opinion montrent que les des électeurs sont plus sensibles que jamais aux préoccupations environnementales. Leur légitimité est renforcée par le fait qu’ils font partie de ceux qui ont décidé de se déplacer pour remplir leur rôle de citoyen et donc jouer le jeu de la démocratie, ce qui n’a pas été le cas de beaucoup d’autres.

    La crise actuelle du Covid-19, en lien étroit avec un modèle économique mondialisé, a aussi pu favoriser cette vague verte.

    +Fortunés, c’est aussi une vue erronée, regardez les résultats de Neuilly!
    Pourquoi les Verts sont forts dans les grandes villes ?( Jérôme Fourquet)
    Le profil socio-économique des habitants des grandes villes influe également sur le vote écologiste, avec une variable en fonction niveau de diplôme et du statut social.
    « Plus on est diplômé, plus on est cadre, plus le vote écolo est important avec une concurrence féroce entre LREM et EELV. Si on prend le cas de Paris et de la petite couronne, on a l’Ouest parisien (XVIe, XIIe, Neuilly, Boulogne…) traditionnellement bourgeois, qui vote très massivement LREM. Alors que l’Est parisien mais aussi ses villes de la petite ceinture où le prix de l’immobilier est en train de grimper fortement comme à Montreuil, Pantin ou aux Lilas, ce sont les Verts qui sont en pointe. Il y a donc une bataille serrée au cœur de ces grandes métropoles. »

    «considéré comme un «bouseux» par cette intelligentsia parisienne.»

    Voilà bien longtemps que je n’avais pas lu ou entendu cette expression, jadis si employée en effet, alors qu’arrivant au lycée, à Bordeaux, on me disait «Parigot, tête de veau!»
    Je n’ai plus entendu ce terme depuis longtemps, peut-être parce que la plupart des parisiens sont des «bouseux». C’est le cas de la plupart des membres du gouvernement, maires de province ou expatriés dans la capitale comme Macron par exemple!

    • Pierre-Michel Vidal

      Je ne considère pas qu’être « fortuné » soit un défaut -c’est un état- mais les préoccupations des citadins des grandes villes ne sont pas les mêmes que ceux des ruraux ou des citoyens des villes moyennes. Cela me semble naturel.
      De même je suis un fervent défenseur du vélo que je pratique en ville (malgré les risques) et j’espère avoir un de ces fameux vélos électriques loués par Idélis. Pas avant un an m’a-t-on dit. Je m’étonne que les défenseurs de l’environnement (je parle d’EELV) n’évoquent jamais la démographie et le contrôle des naissances qui seraient – à l’évidence- le moyen le plus efficace pour lutter contre la surexploitation de nos ressources et contre le réchauffement climatique.
      Nous verrons de toutes manières dans le gros temps qui nous attend au mois de septembre -chômage de masse, réformes des retraites et rebond de la pandémie- à quelle place les Français dans leur ensemble mettront les questions environnementales…
      Nécessité fait loi mon cher Vallet.

      • « n’évoquent jamais la démographie et le contrôle des naissances qui seraient – à l’évidence- le moyen le plus efficace »

        Pratiquement, le problème ne se pose pas en France mais la hausse de la démographie est un problème actuellement au niveau mondial, c’est vrai.
        La Chine,( que vous aimez bien!!!!!) a pratiqué le contrôle des naissances, elle en revient.
        Comment voulez-vous imposer une baisse de la démographie en Inde ou en Indonésie? C’est bien beau de le souhaiter, de reprocher de ne pas le faire, mais il faudrait pouvoir! Par contre, les solutions indirectes existent et les écologistes les suggèrent.
        Le constat est qu’avec le développement de l’instruction, des femmes surtout, avec l’élévation du niveau de vie…on assiste dans le monde à une baisse sensible de la démographie. Les pays qui répondent à ces normes ont même des problèmes démographiques, en Europe par exemple.
        La limitation des naissances passe, dans les pays à haute natalité, par un changement de la politique qui entretient:
        + la pauvreté par la guerre,
        + la soumission de la femme par tradition religieuse,
        + la pauvreté et la famine du fait de l’exploitation par les pays occidentaux qui imposent des cultures dont les autochtones ne profitent pas,
        +par l’abandon du critère économique qui considère que la richesse potentielle d’un pays est mesurée par l’âge moyen de sa population; plus il y a de jeunes, plus l’avenir est assuré (peu importe s’ils n’ont pas de travail, s’ils doivent s’expatrier, se faire tuer souvent…!)

        S’il y a un seul critère vraiment prioritaire à tenter d’imposer, ce n’est pas la réduction de la procréation, pour une baisse démographique, mais le développement de l’instruction pour tous.

        «à quelle place les Français dans leur ensemble mettront les questions environnementales…
        Nécessité fait loi mon cher Vallet.»

        Expliquez-moi car je n’arrive pas à comprendre que «la nécessité» du réchauffement climatique ou les guerres, comme la femme, soient l’avenir de l’homme, ni les cancers, le diabète, les catastrophes naturelles, la pollution et les maladies cardiovasculaires..
        Pour moi, c’est une nécessité que l’économie libérale nous impose par la loi et sa politique.
        La solution est de changer de nécessité donc de loi.!