La Marseillaise
Mesure-t-on dans les salons de l’Elysée la violence des mesures prises à l’encontre des Marseillais et qui seront en vigueur ce lundi : fermeture pure et simples des bars et des restaurants de la cité phocéennes, arrêt de toutes musiques après 22 heures ? La stigmatisation de cette grande et chaleureuse ville a l’aspect d’une vengeance politique. Les Marseillais ont mal voté aux élections municipales voyez-ce qu’il en coûte. De plus ils ont choisi un gourou, le professeur Raoult, contestataire et iconoclaste, peu crédible il est vrai, sauf pour eux. Enfin ce sont des agités qui multiplient les règlements de compte sur les trottoirs ensanglantés, toujours déchaînés pour défendre l’OM. A ces mauvais élèves de la discipline néo-libérale il fallait une sanction elle est tombée : à bon entendeur salut ; on sait désormais à quoi s’en tenir.
Nous ne discuterons pas de la situation sanitaire qui s’aggrave incontestablement ni de la nécessité absolue du masque et de la distanciation, mais des mesures prises tout au long de ce feuilleton : contradictoires, approximatives et désormais iniques. Une fois encore, les scientifiques se déchirent et leurs points de vue s’opposent durement, ce qui faire dire à un de mes correspondants : « si vous voulez que votre région repasse en vert ne vous faites pas tester ». Il est vrai, c’est le bon sens, que la multiplication des tests, enfin disponibles, fait augmenter automatiquement le taux de gens touchés par l’épidémie.
Les résultats sont là et nous sommes bien dans ce fameux rebond redouté dont la cause principale est l’invitation du pouvoir à faire partir les Français en vacances pour qu’ils dépensent ce qu’ils avaient mis de côté durant le confinement. Les stations balnéaires de la côte Atlantique ont fait ainsi d’excellentes saisons malgré l’absence de clientèle étrangère. Ces mouvements de population massifs ont nécessairement créé de nombreux clusters et largement diffusé le virus. Nous en payons le prix aujourd’hui.
Une fois encore, dans l’affaire marseillaise, c’est la méthode Macron qui est en cause, la dureté de sa main. On l’avait vu lors de sa dure répression du mouvement des gilets jaunes, un mouvement contestable dans son expression mais dont les revendications perdurent, brisé à la matraque. Leurs préoccupations (légitimes pour certaines) ne sont résolues en rien et le soufflet du prétendu Grande Débat est retombé rapidement comme aucune des propositions de la Convention pour le Climat n’a été retenue.
Désormais la communication présidentielle nous parle de territoires ; on nomme un premier ministre qui en est l’expression, mais à l’heure H, au moment décisif, Macron, lui-même, prend des mesures discriminatoires contre certaines régions. C’est le jacobinisme dans ce qu’il a de plus détestable. Ce qui fait écrire à Michel Vauzelle, homme politique modéré, ancien garde des Sceaux de Mitterrand et président respecté de la Région Paca : « Si Paris et ses préfets redevenus préfets d’empire se comportent avec ce mépris pour Marseille, imaginons ce que sera la délicatesse de l’Europe quand elle sera souveraine. Berlin et son agence à Bruxelles traiteront Marseille comme ils ont traité la Grèce. Liberté ! »
Macron prétend s’inspirer de Clemenceau dans son action, le modèle est séduisant certes, mais c’est un poil prétentieux que de s’y référer. Il n’a du « Tigre » que les dents pour déchirer ses proies ; lui manque l’intuition, la vitesse, la souplesse et la sérénité qui sied au roi de la jungle. Le Tigre, inlassable défenseur de la République, entre deux séances musclées à l’Assemblée, prenait le temps de discuter longuement avec son ami Claude Monet, qui peignait les « Nymphéas » à Giverny. Le Père la Victoire avait la main dure lui aussi et sans doute n’a-t-il pas hésité à donner des coups inutiles mais son objectif était la défense d’une République encore fragile.
Macron, dans sa décision marseillaise, a un but bien différent de celui de Clemenceau : il ne défend pas la République il protège un système économique et social -sur lequel beaucoup s’interroge- où l’individu est transformé en producteur/consommateur. Car même si le virus peut se transmettre dans les bars et les restaurants, ne risque-t-il pas de le faire dans les transports en commun, à l’intérieur des grandes surfaces et sur leurs lieux de travail ? Par ailleurs, c’est tout un pan d’une économie que l’on détruit avec ces fermetures avec des liquidations par centaines et des chômeurs par milliers à la clé.
Mais le plus triste dans ces mesures ce sont leurs conséquences sociales : la fermeture des bars, restaurants et salles de sports, l’interdiction des manifestations organisées par les associations, la réduction drastique du public aux rencontres sportives (la télé y supplée il est vrai) ce sont des menaces sur notre mode de vie, sur la convivialité, le dialogue ; c’est une invitation au repliement sur soi.
Ne nous ne faisons pas d’illusions rien ne reviendra comme avant, à part dans les salons de l’Elysée où rien ne change jamais. Nous serons pour toujours amputés –pour partie au moins- de la meilleur part de nous-mêmes : celle qui est tournée vers l’Autre. Tout cela est franchement antirépublicain et avec la Marseillaise nous avons envie de dire « Aux armes citoyens ! »
Pierre-Michel Vidal
Je constate ce lundi que le gouvernement a pris des mesures restrictives rigoureuses à Paris et dans d’autres métropoles en raison de la dégradation de la situation sanitaire. Ces mesures sont moins drastiques que les précédentes puisque les restaurants pourront rester ouverts en respectant un protocole strict. Les bars, eux, seront fermés. Ces mesures ont été discutées avec les élus et les professionnels et annoncées quelques jours avant d’entrer en vigueur. Marseille va voir ses restaurants ouvrir à nouveau. Tout cela s’inscrit dans un processus de dialogue et de concertation beaucoup plus raisonnable et montre que l’on pouvait faire autrement dès le début.
Si nous voulons gagner la guerre contre le virus ne faut-il pas prendre désormais des mesures autoritaires, contraignantes, solides ? Cf. https://alternatives-pyrenees.com/2020/03/16/indispensable-confinement/
«Si nous voulons gagner la guerre contre le virus ne faut-il pas prendre désormais des mesures autoritaires, contraignantes, solides ?»
Bonne résolution mais lesquelles?
Vous faites référence à un texte dont je tire quelques propos:
«On connaît la solution pour lutter contre le virus,il n’y en a pas deux il n’y en a qu’une: Rester chez soi……..Il faut donc imposer le confinement de l’ensemble du pays………..Sanctionner ceux qui dérogent aux règles sanitaires édictées par l’État. Il faut infliger, comme en Italie, des amendes aux habitants qui se déplacent sans autorisation et des peines de prison à ceux qui se baladent et qui sont porteurs du virus»
«Nous avons besoin d’un chef à poigne, inflexible»
Voilà qui est définitif!
Maintenant il faut se poser la question: est-ce possible et efficace?
+Le confinement, on a maintenant l’expérience, cela freine la contamination mais n’enraie pas le mal qui revient au galop lors du dé-confinement.
+ C’est impossible de maintenir un confinement éternellement, psychiquement, matériellement, financièrement…
+ Infliger des amendes, de la prison à des gens qui ne pourront pas payer et les prisons sont pleines! Il faudra embaucher du personnel pour verbaliser, juger et surveiller en prison!
+ Ceux qui se baladent et sont porteurs? Les asymptomatiques sont contaminants et ne le savent pas puisqu’on ne teste, et encore toujours très tardivement, ceux qui ont des symptômes, par manque de moyens!
+«Nous avons besoin d’un chef à poigne, inflexible». Vous oubliez d’ajouter «compétent pour mener une politique globale»
Le confinement est décidé, non pas pour lutter contre le virus, mais pour étaler sa contamination, ne pas saturer les hôpitaux!
On dépense beaucoup d’argent pour aider l’aéronautique, les entreprises polluantes…le tourisme….mais, pendant le répit de cet été on n’a absolument pas multiplié l’ensemble des besoins des hôpitaux en lits, personnels… pour faire face à une saturation rapide prévisible dès la reprise.
Je vous renvoie à mon texte du 1er octobre pour une autre approche.
M Vallet : je pense que Larouture voulait souligner le changement de discours de l’auteur de l’article.
En mars : « Si nous voulons gagner la guerre contre le virus il faut prendre désormais des mesures autoritaires, contraignantes, solides. Nous avons besoin d’un chef à poigne, inflexible,… »
Aujourd’hui : « Une fois encore, dans l’affaire marseillaise, c’est la méthode Macron qui est en cause, la dureté de sa main. «
Il n’y a que imbéciles qui ne changent pas d’avis.
Bien qu’à y regarder de plus prêt, sur le fond, je n’ai pas changé de point de vue; seulement trop c’est trop. Des mesures fortes ne signifient pas des mesures iniques. L’absence d’efficience du pouvoir dans cette crise nous mène dans une impasse et conduit à des décisions ahurissantes. Je vois que désormais on prend plus de précautions pour annoncer les choses à Paris. Tant mieux. Que dirons nous quand cela viendra à Pau (ce qu’à dieu ne plaise!)?
Par ailleurs il est plus intéressant -de mon point de vue- d’apporter des idées nouvelles plutôt que de chercher des contradictions chez les auteurs de ce blog: vous en trouverez toujours chez moi car ce qui est vrai aujourd’hui ne l’est pas forcément demain…
« mesures iniques »
Mais enfin, quelles mesures iniques ? Il avait été défini des critères sur les taux de positivité des tests et sur l’occupation des lits de réanimation pour classer les départements et appliquer des mesures en fonction.
Marseille a été le premier territoire (métropolitain) à atteindre le niveau devant entraîner la fermeture des bars, ce qui a été appliqué. L’annonce a peut-être été trop soudaine, mais sur le fond cela n’aurait rien changé.
Mais maintenant que la même mesure est appliquée à Paris, parlez-vous là aussi de « stigmatisation » et de « vengeance politique » ?
Pour le reste, si mes commentaires ne sont pas les bienvenus il suffit de me le dire clairement et je me retirerai.
Il y a aussi une approche complémentaire à évoquer.
Tout cela c’était prévisible du fait de la reprise des activités économiques souhaitées et souhaitables, mais il fallait s’adapter à la suite évidente; il ne fallait pas s’attendre à faire «obéir» les jeunes. Nos gouvernants ne doivent pas avoir le souvenir du comportement des jeunes et moins jeunes ados et des jeunes adultes (milieu scolaire et universitaire); ils ne doivent pas non plus savoir que pour se rendre au travail, à Bordeaux par exemple, en prenant le Ter puis le bus, les pannes, les suppressions de trains..génèrent des transports où les gens sont serrés comme dans des boîtes de sardines! Les masques, sans doute, mais les contacts physiques!
Donc, ce qu’il fallait faire, c’était, pendant la période d’étiage, de le prévoir et d’augmenter le nombre de lits, de personnels, de matériel, de produits ..dans les hôpitaux, en vue de ce rebondissement prévisible, or, on a repris le rythme de croisière, le moins onéreux, en transférant les lits aux patients atteints de pathologies en attente de traitement, et on se retrouve maintenant comme avant, avec le risque d’un manque de lits, un personnel insuffisant, épuisé, souvent contaminé donc en arrêt de travail, même s’il est mieux informé donc plus efficace.
C’est bien beau, comme sur les ondes, de glorifier le personnel soignant mais la gloire ne suffit pas, il faut l’entretenir! On devrait en parallèle, s’élever vigoureusement contre cette carence prévisionnelle continuelle!
De plus, on ne prend pas de mesures pour contrecarrer «l’argent roi» en surveillant et sanctionnant, au besoin, par des amendes, les Ehpads business privés(ils n’aiment pas avoir à payer!) où les protections élémentaires ne sont pas respectées car non respectables par manque du strict nécessaire organisationnel et pratique (à regarder pas loin de Pau!)
Facile à dire, moins à faire. On ne forme pas du personnel médical en 4 mois, surtout que là on parle du personnel spécialisé pour intervenir en soins intensifs et en réanimation (car c’est là que ça coince, ce ne sont pas les lits standards qui manque, mais les places en réanimation). Il faut 5 soignants par lit en réanimation, je vous laisse faire le calcul si on veut doubler le nombre de lits : actuellement il n’y a pas d’autre moyen de le faire qu’en déshabillant d’autres services.
« Il n’est donc plus question seulement que de Marseille »
Ah, donc il n’est plus question non plus de « stigmatisation de Marseille » ?
A moins que le gouvernement stigmatise également Lyon, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Lille, et même Paris ? Toutes ces villes ont reçu également une injection de fermer leurs bars à 22h : stigmatisation ? Vengeance politique ? Mauvais élèves de la discipline néo-libérale ?
Apparemment personne parmi les élus locaux n’a bien envie de prendre ce genre de décisions impopulaires, donc le gouvernement est bien obligé de s’y coller. Et ensuite les élus locaux se donnent le beau rôle face à brutalité du méchant gouvernement. Classique.
Etes-vous allé dans une grand ville étudiante récemment ? Il y a 3 semaines à Toulouse les bars étaient bondés de jeunes, et ne leur parlez pas de masques ou de gestes barrières… Les protocoles sanitaires dans les bars des villes étudiantes c’est de la rigolade, inappliqués et inapplicables ! Je ne les condamne pas, ils veulent vivre, s’amuser un peu, et pour la plupart ils n’auront que des formes bénignes (*). Mais le résultat est là : dans les grandes villes le virus recommence à galoper et finit par toucher les gens plus âgés. A un moment il faut prendre des mesures.
(*) à ceci près qu’ils n’ont pas bien conscience que même les formes dites bénignes semblent pouvoir entraîner des séquelles qui ne sont pas forcément réversibles, cardiaques et neurologiques notamment.
« Personne parmi les élus locaux n’a bien envie de prendre ce genre de décision impopulaire » D’autant que nous approchons d’échéances électorales : départementales, régionales. L’hypocrisie de la décentralisation : revendiquer d’être consulté et surtout ne pas être impopulaire.
« La stigmatisation de cette grande et chaleureuse ville a l’aspect d’une vengeance politique. Les Marseillais ont mal voté aux élections municipales voyez-ce qu’il en coûte. »
Mais enfin… Bordeaux, Lyon -et même Paris !- ont tout autant « mal voté » que Marseille, à ce compte là.
Marseille est actuellement la zone où le virus circule le plus et où les services hospitaliers se rapprochent de la saturation, au point qu’il est envisagé de transférer les patients vers d’autres régions. Les chiffres ne sont pas inventés.
« Car même si le virus peut se transmettre dans les bars et les restaurants, ne risque-t-il pas de le faire dans les transports en commun, à l’intérieur des grandes surfaces et sur leurs lieux de travail ? »
Donc ce n’est pas suffisant comme mesure ? Vous préféreriez que Marseille soit complètement reconfinée ?
Justement en ce qui concerne Lyon et Bordeaux in « Le Monde » de ce lundi soir : »Le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, a regretté lundi l’annonce « sans concertation » par le gouvernement de la fermeture des bars dans sa ville dès 22 heures, évoquant un « changement brutal de méthode ». Son homologue de Bordeaux, le maire EELV Pierre Hurmic, a, lui aussi, dénoncé le manque de « concertation » et assuré sur Franceinfo avoir « du mal » à comprendre les nouvelles restrictions dans la métropole, « en raison de leur sévérité. J’ai même envie de dire, leur brutalité ».
Il n’est donc plus question seulement que de Marseille, je ne conteste absolument pas les chiffres, très graves en effet, mais « ce changement brutal de méthode » comme le dit maire de Lyon et « leur brutalité » comme l’ajoute celui de Bordeaux.