Une société écartelée.

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Nous vivons, ce qui n’arrange rien dans le contexte actuel, une véritable dissociation comportementale.

D’un côté nous sommes en quête de règles, de sens, de stabilité, de sécurité, d’assurance, d’autorité aussi ; en d’autres termes nous cherchons, dans tous les domaines, à redéfinir la limite.

D’un autre côté, il y a une volonté de rompre avec le passé par la création, l’invention, le nouveau, la rupture avec des habitudes sclérosantes, quitte à s’aventurer au-delà des normes et, pourquoi pas, faire preuve de désobéissance.

C’est l’alternative «qui oppose le souci de la règle au prurit de la liberté, l’injonction nécessaire de la loi aux vertus de la dissidence, c’est-à-dire, au bout du compte, le concept de limite à celui de transgression.» J-Cl Guillebaud.

Je dépasse aisément toutes les limites quand je commence
Je consomme énormément le but est de ressentir les choses
Alors je dépasse et j’aime en faire des tonnes, ça irrite
Les braves gens plein de raison qui respectent les limites

Julien Doré

Faire apprendre, c’est donner des limites. Mais apprendre, c’est aussi désirer aller au-delà de ce qui est donné, c’est oser, s’autoriser, donc, en quelque sorte transgresser.

«La liberté d’expression implique qu’il faut aussi laisser les élèves s’exprimer, mais après il faut les cadrer, il faut rappeler sans cesse les limites.» dit une enseignante.

Et, on ne peut plus d’actualité : «Les Anglais ne fixent jamais une limite sans l’estomper.» de Gaulle.

«En ces temps de changements politiques et de surprises idéologiques, de ruptures esthétiques et de dictature de l’immédiat, de triomphes éphémères et de gloires vaines, il est temps de comprendre que la source des réussites vraies, des avancées significatives, des vies utiles, est toujours la même, depuis l’aube des temps : la transgression.» J. Attali

Dans cette situation chaotique, l’Etat lui-même recule en officialisant la prévalence de la transgression sur la règle, promouvant ce que le philosophe et juriste Pierre Legendre appelle le «self service normatif». L’Etat renonce à toute fonction vraiment régalienne pour préférer agir en thérapeute indulgent et maternant de l’individu qui désobéit. (d’après J-Cl Guillebaud.)

Ce n’est pas sa fonction, l’Etat doit faire appliquer les lois, donc obliger le respect des limites ; ce renoncement nous a conduit par exemple à tolérer progressivement, depuis trop longtemps, des comportements insidieux mettant notre laïcité en grosse difficulté ; la paralysie scolaire pour enseigner la suprématie de la République sur la religion en est l’exemple cruel.

*Les «frontières» sont conservatrices, elles condamnent tout progrès, tout succès, toute nouveauté, à n’être qu’une apparence, une répétition du même, à quelques variantes dérisoires près. C’est le cas quand :

+ Les chercheurs s’enferment dans un paradigme scientifique fermé.

+ On ne reconnaît comme œuvre d’art que ce qui obéit à certains canons.

+ On impose de ne fréquenter, de ne parler, de ne travailler, de n’entretenir des relations, qu’avec des gens du même milieu ou de même origine.

+ On interdit de faire, de dire, de porter… ce que le sens commun du moment considère comme insensé.

Encadrer l’homme dans des limites, c’est faire resurgir l’obscurantisme, la dictature, la violation des droits de l’homme, l’esclavage ou le travail des enfants, le stalinisme, le nazisme...

*La transgression c’est l’invasion des continents par la mer causée par un affaissement des terres émergées ou une élévation générale du niveau des mers ; c’est la disparition de faunes mais le développement de nouvelles espèces plus adaptées.

C’est ainsi que, par analogie ou au figuré, deux sens de transgression cohabitent : le fait de progresser aux dépens d’autre chose, d’empiéter sur quelque chose, d’envahir ou bien le fait de dépasser une limite (sens qu’on retrouve dans le Petit Robert (Rey-Debove & Rey, 1993).

«la culture dominante met presque toujours en avant la transgression, au point que nous serions modernes dans la mesure où nous nous libèrerions des normes imposées, des morales craintives, des superstitions et des obéissances de jadis… avec une détermination infatigable nous bravons «les tabous qui nous empêchent de vivre», «défions les convenances», «brisons les silences», notre volonté de pourfendre les «hypocrisies» au nom d’une liberté enfin conquise. Quant aux réflexes horrifiés que suscite la moindre allusion à l’idée de limite, ou pire encore à celle de morale, ils sont devenus une routine pour toute parole publique, sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu.» J-Cl Guillebaud

Reconnaissons que la transgression représente l’un des plus puissants moteurs d’innovation. Pour inventer, il faut s’aventurer au-delà des normes ; «Transgresser, c’est César franchissant le Rubicon…, c’est Monet cherchant à peindre des impressions ; c’est Einstein refusant de se contenter des lois de l’électromagnétisme ; c’est Schonberg refusant les lois de la musique tonale ;…, c’est de Gaulle rejetant l’armistice de 1940 ; c’est Gorbatchev décidant de la perestroïka…» J.Attali.

Il y a aussi ceux qui transgressent les normes sociales pour faire avancer la démocratie, ceux qui transgressent les normes familiales, pour rendre possible la liberté des femmes, les mariages non arrangés, les divorces, les unions homosexuelles…

mais c’est aussi prendre des risques !

La biologie de synthèse est une ingénierie qui «re-désigne» le vivant grâce à l’association de la génétique et de l’informatique. D’innombrables vertus sont soulignées : médecine personnalisée, solutions à la crise écologique, amélioration des capacités des êtres vivants. Or, ces innovations techno-scientifiques comportent des dangers potentiels qui pèsent sur la société présente et future : diffusion d’organismes génétiquement modifiés, questions éthiques, brevetabilité et conception réductionniste du vivant, bioterrorisme…

Le fait de « transgresser » des lois de la nature dont l’homme fait partie est une  orientation obscurantiste qui est entrain de mettre l’homme en danger.

La transgression des directives de protection sanitaire par des individus, le refus, par beaucoup, de la vaccination met en péril la vie de la collectivité.

Les anciens grecs avaient la coutume curieuse de célébrer en même temps la loi et la transgression, 

ils avaient raison car la solution durable est la recherche d’un équilibre entre les deux conceptions qui se complètent ; l’humanité se fonde sur le concept de limite qui distingue l’homme de l’animal, mais la réalisation de chaque homme en particulier passe par la transgression.

C’est la limite qui fait homme mais c’est la transgression qui fait individu.

Alors :« le projet humain et l’épanouissement de l’individu passent-ils par l’acceptation d’une limite posée par ses actions, ou au contraire, par l’audace qui fonde la transgression?» J-Cl Guillebaud

Les deux mon général !

Or, ce qui est extrêmement inquiétant actuellement c’est que le déséquilibre devient irréversible sous la pression d’un individualisme qui est entrain de détruire les limites, donc l’homme.

L’individu pourra-t-il survivre sans ce collectif dont il est issu et qui l’entretient?

Signé Georges Vallet

crédits photos:

Estrieplus.com – Le journal Internetm.estrieplus.com

Une société écartelée – CHRONIQUEURS – Deux mots à vous dire

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Un commentaire

  • Devant la masse d’informations …. que rien ne nous oblige à lire, à voir ou à écouter … à moins que d’en prendre plaisir pour s’en alimenter, il est possible de résumer votre propos.

    Pour que tout soit dit, citons le latin « In medio, stat virtus », qui signifie « Au milieu, il y a le courage » et non pas la vertu.

    Charge, ensuite, à chacune, à chacun, de se trouver une ligne de conduite, la plus proche du CIVISME, qui n’est pas une perfection mais la meilleure solution, pour soi-même, en conscience, car chacune, chacun, a la sienne, en fonction de sa culture.