La familia

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Le livre de Camille Kouchner (Editions du Seuil), une femme de 45 ans , aujourd’hui avocate, ne manque pas d’interpeller à plus d’un titre.

Sa lecture laisse entrevoir un mode de vie d’une société où les mœurs ne sont pas celles que l’on pourrait imaginer chez des enseignants de faculté, des familles aisées soucieuses de la réussite de leurs enfants, des personnages proches du pouvoir politique, respectés, enviés même, pour ce qu’ils inspirent. 

Mais tout au long de l’œuvre l’auteure s’attache finalement à dénoncer une hypocrisie qui n’est pas le privilège de cette société. 

Elle refuse de continuer à porter seule un secret qui la taraude depuis trente ans et à épargner non seulement, l’époux de sa mère qui aurait imposé à son frère jumeau des pratiques que la morale universelle réprouve, mais aussi sa propre mère qui avait le souci de protéger son mari et de ne pas jeter en pâture toute une vie familiale témoignant d’une apparente sérénité.

L’auteure n’ignorant pas que les faits qu’aurait commis son beau-père ne sont plus pénalement punissables du fait de leur prescription, ses motivations sont multiples. Outre la libération de sa conscience, elle ouvre les yeux de ses lecteurs sur le secret intra-familial qui s’attache fréquemment à ne pas perturber le foyer et finalement à taire l’inceste, surtout dans des familles dont les revers des vestes s’enorgueillissent de la reconnaissance de la république.

Le sujet est sérieux parce que l’inceste qui est aussi fréquent que feutré concerne généralement un enfant jeune et que son auteur est souvent un frère qui s’initie aux plaisirs sexuels. Les parents, censés protéger chacun des leurs, se trouvent alors confrontés à des dilemmes cruels. Doivent-ils dénoncer l’agresseur, modifier les habitudes du foyer, éloigner un adolescent qui n’a pas d’autre havre possible ? Doivent-ils envisager un suivi psychologique de la sœur et du frère. De telles situations sont hélas moins rares qu’on pourrait le souhaiter.

Camille KOUCHNER n’aurait sans doute pas écrit son livre si l’auteur des actes n’était pas son beau-père désormais protégé pénalement par la prescription des poursuites. Son livre est sa façon de le condamner encore plus lourdement qu’une cour d’assises. Certes, la sanction ne sera pas un séjour en maison d’arrêt. Elle sera pire pour un homme habitué aux hommages , aux honneurs , aux premiers rangs. Qui osera désormais l’accompagner publiquement, l’inviter à partager un déjeuner, lui proposer une intervention télévisée ? Il est désormais un homme traqué susceptible d’être agressé même physiquement par des inconnus, un homme qui sera regardé avec mépris par ses voisins.

Il ne connaîtra pas la privation de liberté d’une incarcération, mais il vit désormais un enfer tel un pestiféré qui a dû renoncer à tout ce qui était pour lui source de pouvoirs ou d’honneurs.

A sa façon, Camille KOUCHNER a fait œuvre de justice.

Pierre ESPOSITO

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Un commentaire

  • « Elle sera pire pour un homme habitué aux […] honneurs. »
    Et justement, pas tous ! Curieusement, l’homme n’a jamais été décoré de l’Ordre de la Légion du même nom : honneur. Pourtant, vu ses fonctions, son entregent et son âge, il devrait être au moins officier. On imagine que la Chancellerie de la Légion d’Honneur, pas folle et bien informée, n’a pas voulu en prendre le risque. Comme quoi tout le monde savait. Écœurant. Si le Code pénal avait été appliqué, le Boulevard Saint-Germain se fût trouvé vidé bien avant le Covid et la Santé surpeuplée