Frustrations nouvelles
Récemment, sur France Culture, l’émission d’Emmanuel Laurentin « Le temps du débat », analysait « Les traces que laisse sur nous la période si étrange que nous traversons sont multiples : matérielles ou immatérielles, visibles ou invisibles, intimes ou collectives… puisqu’elle-même s’est promise de garder trace de cet événement ». https://podcasts.apple.com/fr/podcast/coronavirus-une-conversation-mondiale-quelles-traces/id209089492?i=1000505539412
Dans ce cadre, un philosophe italien, Maurizio Ferraris, professeur de Philosophie théorique à l’université de Turin, envisageait le moment que l’humanité dans son entier traverse, du point de vue de son « historicité ». Il constatait l‘énormité de l’événement et pointait que l’épidémie, par son développement et ses conséquences humaines et sociales, achevait le siècle précédent plus encore que la destruction des Twin Towers, en 2001, comme les commentateurs l’avaient annoncé alors.
Les conséquences de l’attentat sur New York ont en fait peu touché la France. On le doit, pour une bonne part, aux positions du président Jacques Chirac, très gaullien sur cette affaire, relayées avec brio, à l’ONU, par son premier ministre De Villepin. Associons avant eux, Jean Pierre Chevénément le premier, il s’opposa à la vulgate américaine qui tourna en eau de boudin comme on le sait. En fait, c’est surtout le Proche et Moyen Orient qui furent affectés par ce bouleversement. Pour le reste, et au premier chef pour les pays européens, la route de la prospérité continua à s’imposer même si cela ne fut pas un chemin semé de rose.
Là, en effet, avec l’épidémie, catastrophe inattendue, « impensée », le siècle précédent se conclut réellement. Nous passons à autre chose, nous vivons une sorte de coupure radicale, une rupture universelle, inopinée. Fatalement, elle débouchera sur des changements dans les mentalités mais aussi dans les organisations sociales appelées à se développer de manière absolument nouvelle. Il est illusoire -puéril- de croire que nous retrouverons, au moment –encore lointain- de l’éradication de la pandémie un monde nouveau qui ressemblera à l’ancien – qui avait ses avantages.
Personne, en théorie, ne peut échapper à la maladie elle-même et le fait que le Président et sa femme ont été eux-mêmes touchés en est l’exemple. Sans noircir le tableau, on sait désormais qu’il n’y a pas d’impunité : riches comme pauvres, jeunes comme vieux et désormais, les enfants eux-mêmes y sont exposés. Il n’y a pas d’impunité face à la maladie. Le Virus développe ainsi une sorte de justice de la terreur entre tous et tous les pays. D’une certaine manière il renforcera indubitablement les doutes qui commençaient à poindre sur la mondialisation présentée comme heureuse.
Pour ce qui concerne la France, les conséquences terribles sont déjà visibles bien loin de la « gripette » annoncée par certains. Ainsi dans le Figaro de mardi: « L’épidémie de Covid-19 a réduit de plusieurs mois l’espérance de vie en France, a également indiqué mardi l’Insee dans son bilan démographique 2020. L’espérance de vie à la naissance atteint 85,2 ans pour les femmes (en baisse de quasiment cinq mois) et 79,2 ans pour les hommes (en baisse de six mois), soit un recul bien plus net que celui observé en 2015, année marquée par une forte grippe hivernale ».
Face au tsunami du Covid, le génie humain a trouvé une parade. Fait inattendu lui aussi. Il s’agit du vaccin, bien sûr, dans lequel la grande majorité de l’humanité met ses espoirs. Les Français, dans leur majorité, entendent la voix de la Raison eux aussi, désormais. La problématique n’est donc plus de convaincre de la nécessité du vaccin mais d’y accéder le plus rapidement possible pour sortir du bourbier mortel. Qui peut penser que les confinements successifs seraient supportables par tout un chacun et d’abord pour notre propre économie ? Cette stratégie -si c’en est une- a un fondement défensif mais ne permettra pas de gagner la guerre.
La frustration des populations va donc naturellement se déplacer. L’aspiration à la vaccination va devenir de de plus en plus forte et ce qui n’est que reproches pour le moment qualifiés trop vite de « polémiques » par Jean Castex, sera dans un avenir proche une véritable exaspération.
Comment en effet supporter les effets de la maladie plus longtemps alors que l’on connaît la solution pour s’en défaire ? C’est un défi terrible pour le gouvernement et pour les administrations concernées car aux problèmes technologiques, liés au transport, à la chaîne du froid, s’ajoutent les capacités industrielles entièrement indépendantes de nos volontés puisque la France ne produit pas le vaccin et s’en est remis entièrement à la signature de l’Europe pour son acquisition. Etait-ce le bon choix ? Personne, ni élus, ni journalistes, n’ont eu accès aux contrats passés par l’Union avec les producteurs du vaccin. Personne ne sait non plus de manière précise dans quelles conditions et comment il est réparti entre les Etats membres. Cette omerta – attitude coutumière de la Commission-, dans ce moment de gravité, ne rapprochera pas le citoyen de l’idéal européen auquel chacun aspire. Il ne fait qu’entretenir les suspicions, les doutes et le complotisme surfe sur ces mauvaises manières.
Pierre-Michel Vidal
+ «Les conséquences de l’attentat sur New York ont en fait peu touché la France.»
Les conséquences du 11 septembre sur les relations …
http://www.sciencespo.fr › rechercher › dossiers-documentaires
11 sept. 2020 — – Série de réflexions sur le déséquilibre local et planétaire qui a entraîné les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre le World Trade …
+ «l’épidémie, catastrophe inattendue, «impensée»
Inattendue quant à la date, certainement, mais prévue et pensée depuis pas mal de temps, par beaucoup, du fait de l’évolution de l’économie et des modes de vie. C’était impensé par ceux qui ne pensent pas autrement que croissance!
+«Il est illusoire -puéril- de croire que nous retrouverons, au moment –encore lointain- de l’éradication de la pandémie un monde nouveau qui ressemblera à l’ancien»
Pourtant ce n’est pas ce qui est prévu pour la suite par les gouvernements, le nôtre entre autres.
Bruno Le Maire déclarait, il y a peu «Nous avons prévu une croissance de 6% pour 2021, soit le chiffre le plus élevé depuis les 50 dernières années.»
et Macron ne prévoit pas un monde nouveau d’un point de vue environnemental.
+«Face au tsunami du Covid, le génie humain a trouvé une parade. Fait inattendu lui aussi. Il s’agit du vaccin»
Le vaccin est loin d’être inattendu, la première vaccination fut la vaccination d’un troupeau de moutons contre le charbon le 5 mai 1881 . La première vaccination humaine (hormis la vaccination au sens originel de Jenner) fut celle d’un enfant contre la rage le 6 juillet 1885.
+«Comment en effet supporter les effets de la maladie plus longtemps alors que l’on connaît la solution pour s’en défaire?»
La vaccination actuelle, qui entraine une protection de quelques mois, est destinée à freiner la transmission pour soulager l’hôpital, elle n’est pas la solution. Les mutations de plus en plus nombreuses, du fait de l’amplification des vitesses de transmissions, vont nécessiter des mises au point régulières, la création d’autres vaccins à protection plus longue, de traitements par sérothérapie…..
La solution pour l’avenir est aussi de freiner les nouveaux arrivants potentiels en partant de nouveaux paradigmes de vie et d’économie.
Merci de cette sévère exégèse. En réponse voici un extrait le dernier article d’Axel Khan président de la Ligue contre le cancer, dernier scientifique censé et modéré dans se prises de positions:
(…) Quoi qu’il en soit (…) le monde doit s’organiser pour vivre avec le virus et le risques de poussées épidémiques de Covid-19. Dans ce scénario, les humains adaptent leur style de vie et leurs activités à cette menace. Ils se vaccinent tous les ans au début de l’automne pour rester protégés contre les souches virales émergentes. Ils « mettent le paquet » pour trouver des médicaments curatifs actifs. Des pans entiers entiers des activités humaines sont impactées, dans les croisières, le tourisme, l’aéronautique, la culture, le commerce, la santé. Des emplois disparaissent, d’autres sont créés. Le style de vie est bien entendu modifié, le masque devient un objet familier hors des pays d’Asie ».
Autrement dit évitons le déni, l’optimisme béat ou le charlatanisme; regardons l’avenir en face: nous ne serons pas déçus. Comme disait De Gaulle: « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté ».