Les combats de François Bayrou

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François Bayrou est sorti gagnant de son récent « grand jury RTL-LCI ». Pour ce genre d’émission, « c’est un bon client » comme on dit dans le jargon professionnel. Il a été brillant et surtout avec une liberté de ton que lui donne sa nouvelle stature de Haut-Commissaire au Plan. Il démontre ainsi que ce n’est pas seulement un titre honorifique mais une position qui lui permet d’aiguillonner le gouvernement. Celui-ci en a-t-il vraiment besoin ? Sans doute pas dans la situation sanitaire inextricable qu’il traverse avec tant de difficultés. Les insuffisances de Bruxelles, la lourdeur de l’appareil administratif et les avis contradictoires des représentants du corps médical suffisent à son malheur. Le maire de Pau doit agacer au Château comme à Matignon, cela ne semble pas le déranger…

Cette liberté de parole a permis à François Bayrou d’aborder avec franchise de nombreux sujets. Nous ne reviendrons pas sur la question des revenus des classes moyennes ou de ceux des « riches ». c’est un tabou français et, comme il le dit une polémique de plus qui ne mérite pas qu’on s’y arrête d’autant que l’intéressé y a amené une réponse complète :   https://www.facebook.com/bayrou/videos/426796301994294/

Nous retiendrons trois éléments de cette émission ; trois moments moins polémiques et plus intéressants parce que caractéristiques de la vision du Haut-Commissaire au Plan. D’abord François Bayrou s’est posé en supporter du passeport vaccinal qui fait tant débat. On a vu que la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, y est radicalement opposée au nom des libertés individuelles. Pourtant on peut se demander où seront ces fameuses libertés quand tout le monde aura eu la possibilité d’accéder aux vaccins. Ceux qui alors ne voudront pas se faire administrer la précieuse dose devront assumer les conséquences de leurs refus. Leurs voyages seront limités et si, on veut relancer les secteurs les plus affectés par l’épidémie : le commerce, la culture, la restauration, ils devront accepter de s’en priver.

Liberté de choix : vaccination ou non doit avoir comme corollaire d’en assumer les conséquences. Bayrou dit bien les choses : « du moment où le vaccin est efficace et sûr, alors la vérification auprès de chaque citoyen qui a pu être vacciné s’il le souhaite, doit ouvrir des possibilités de réouverture des universités, de réouverture des lieux de culture ». Un détail aura surpris l’auditeur : le maire de Pau a assuré qu’il avait reçu un courrier nombreux et violent, critiquant cette position. Il y a là une inquiétude pour l’avenir. Disons que la chose est pourtant déjà tranchée dans son sens dans un pays comme le Danemark ou dans certaines régions d’Espagne comme l’Andalousie et il est probable que la majorité des pays et des citoyens -les vaccinés d’abord évidemment- s’y ralliera rapidement ; comme elle s’est ralliée au vaccin.

Autre point qui n’est pas vraiment nouveau dans la bouche du Haut-Commissaire : la nécessité de doter la France à nouveau d’un appareil de production qui soit à la hauteur de ses ambitions et qui assure son ainsi son indépendance économique. On voit bien avec la pandémie qu’il s’agit d’une question cruciale. Voulons-nous être dépendants de puissances comme la Chine ou les Etats Unis ou sommes-nous capables d’assurer notre souveraineté industrielle ?  Comme le dit Bayrou : « Nous sommes devant une obligation économique sociale et morale de reconquête de l’appareil productif du pays. Il est vital qu’on mesure que la France a des obligations qui sont plus importantes que celles de ses voisins ».

En même temps, en bon héritier du courant démocrate-chrétien, le chef du Modem s’est fait depuis toujours l’apôtre d’une Europe libérale, appuyée sur une orthodoxie économique, aux aspirations supranationales et, en réalité, dominée par l’Allemagne. L’articulation entre ce credo et cette nouvelle et louable aspiration au renouveau de l’appareil industriel national, en premier lieu à la renaissance d’une  recherche en perdition –« 2 laboratoires sur 3 qui ont gagné la course au vaccin sont dirigés par des Français. Nos chercheurs partent à l’étranger. Reconstruisons les capacités de notre appareil de recherche ! »- est bien difficile à saisir. Faut-il déléguer toujours plus à l’Europe ou au contraire rapatrier (au sens plein du terme) les décisions, les objectifs concrets dans le but de consolider notre autonomie ? A cette question il faudra une fois pour toute donner une réponse nette. Un journaliste lui fit remarquer au cours de l’émission : « Vous parlez comme Montebourg ». Il ne releva pas…

Last but not least, le maire de Pau aborda dans la deuxième partie de l’émission son grand combat : la proportionnelle. C’était une des promesses du candidat Macron et il entend bien qu’elle ne passe pas à la trappe au prétexte d’un agenda politique chargé. Il a été rejoint par les partis extrémes le Parti Communiste et le Rassemblement national qui s’estiment lésés par le système actuel. Le projet  de loi déposé par le Modem qui propose une dose de proportionnelle ne corrigerait que modérément la sous-représentation de ces formations.  Pour Paul Cébille Analyste Opinion Senior Ifop Opinion  «avec une première projection en siège avec la dose de proportionnelle proposée par le MoDem, LREM n’aurait pas la majorité absolue seule. Avec le MoDem, ils totaliseraient 312 sièges (…) L’effet d’une dose de proportionnelle ne sera que marginal sur la représentation des partis, notamment ceux les plus pénalisés actuellement. Le RN n’aurait que 21 sièges (contre 80/90 avec une proportionnelle intégrale) et l’extrême-gauche que 37 sièges (contre ~80) ».

Est-ce opportun de poser cette question dans le moment tragique que nous traversons ? C’est une sorte de tabou constitutif de la cinquième république auquel on s’attaque ; quelles en seront les conséquences ? L’avantage c’est une représentation plus juste du pays et un renouveau démocratique (qui reste hypothétique) l’inconvénient c’est une instabilité probable et le risque d’affaiblissement de l’Etat assujetti à des coalitions politiques boiteuses. On voit chez nos voisins espagnols le mal qu’il y a à gouverner quand une majorité ne tient qu’au bon vouloir d’un parti minuscule et souvent radical dans ses options. Mais François Bayrou n’en démord pas, il l’a répété au Parisien : « Des millions d’électeurs ne sont pas représentés au Parlement parce que leur vote va à des partis minoritaires. C’est une injustice inacceptable. »   

C’est désormais son combat…

Pierre-Michel Vidal

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6 commentaires

  • Bonsoir
    Que pensez-vous du temps réel que consacre notre maire à gérer et remplir son mandat de maire…..
    Si je suis élu,je consacrerai 100% de mon temps à ma ville……
    C’était pendant sa première campagne électorale…….
    Quelle Arnaque……

  • Constat, Bayrou est une bonne médication palliative pour le court terme, afin de finir » tranquille  » la législature et la présidence en cours. Mais pour l’ avenir, une infâme potion à fragmentation, dont son usage détruira tout .
    J’ espère que le Président en est conscient

  • Plutôt que d’aller mener des combats qui n’ont d’autre but que de se mettre en valeur au plan national, il ferait mieux de répondre aux lettres que lui adressent les citoyens palois. Ainsi il tiendrait son engagement d’être cent pour cent pour Pau.
    Ceci dit, la proportionnelle sera un brillant retour à la IV ème république. Le retour à la politique des partis. Le retour aux petits arrangements d’arrière boutique entre les différentes composantes de l’Assemblée nationale.

    • Pierre-Michel Vidal

      Je souscris à ces remarques, cher Joël. J’ajouterais que je trouve choquant l’investissement de la municipalité et de son maire au côté de l’Institut Confucius qui est le bras armé du Parti Communiste Chinois. On peut voir aux Halles de Pau en ce moment, une exposition fort couteuse de cet Institut avec distribution de tracts. La mairie a-t-elle contribuée financièrement à cette opération ? Ne devrions-nous pas célébrer plutôt la lutte de la population de Honk-Kong pour la démocratie, la douleur de dizaines de millions d’Oighours dans leurs camps de concentration et se souvenir du Tibet colonisé. Le communisme chinois est le pire des systèmes, car il nie l’individu au profit d’une caste de vieillards cruels. Nos impôts ne doivent pas être utilisés pour servir ces desseins. Le maire de Pau cautionne-t-il la politique du gouvernement chinois ?

    •  » Le retour aux petits arrangements d’arrière boutique entre les différentes composantes de l’Assemblée nationale. »
      Mr Bayrou n’ est ‘ il pas lui même la représentation parfaite de ces petits arrangements. Que serait’ il sans cela, pas grand chose. Un parmi tant d’ autres, comme son ex ami Mr Lassalle, 1,5 ou 2 % de voix à la prochaine présidentielle. De son perchoir de Haut Commissaire au Plan, il est bien loin de la réalité du terrain.
      Son ingéniosité a été de savoir se rendre indispensable au gouvernement actuel et de créer une cage, ou peut être une bulle, qui l’ épargne des coups que le gouvernement prend, tout en se donnant le rôle de donneur de leçon et de redresseur de torts à son égard. A l’ approche de l’ élection, il lui faudra je pense tomber le masque et sortir de sa bulle.

      • Bien d’accord avec vous M.Lacanette. D’ailleurs, je prépare un article que je vais planifier pour le 21 février qui illustrera, je l’espère, ce que vous écrivez. Mais chut !!!