« Point de Pigeon pour une obole »
Connaissez-vous un seul député européen, d’origine française ? En avez-vous rencontré un déambulant dans les rues de Pau ? Avez-vous assisté à un seul compte-rendu de mandat d’un seul député européen ? A part trois ou quatre (Brice Hortefeux, Manon Aubry, Yannick Jadot, Rafaël Gluskmann), nos députés européens sont strictement inconnus, ne rendent aucuns comptes à ceux qui les ont élus. En fait, à ce niveau, toutes les décisions importantes sont prises par la commission qui, elle-même, se détermine en fonction des souhaits d’une superstructure qui est le bunker imprenable de la plus stricte orthodoxie libérale.
Rien que pour rire je vais vous donner les noms des députés européens de la Nouvelle Aquitaine : Benoît Biteau, Hélène Laporte, Jean-Paul Garraud, Stéphane Séjourné et Laurence Farreng ; le saviez-vous ? Et pourtant ils sont élus à la proportionnelle, ce système dont François Bayrou veut doter l’Assemblée Nationale car pour lui : « La proportionnelle est un changement de culture politique qui encouragerait les différents courants politiques, chaque fois que possible, à travailler dans le dialogue et la coresponsabilité. »
Ce mode de scrutin, au niveau Européen, a des effets très concrets : il laisse les mains libres aux pontes de la commission avec les échecs que l’on sait : le retard pris sur les vaccins (reconnu par la présidente Von der Leyen, elle-même) ou le départ de nos amis anglais (que Michel Barnier présente comme un succès !). Le citoyen européen est complétement déconnecté des décisions et, ainsi, ceux qui tiennent les manettes (les administratifs essentiellement) agissent comme ils veulent. Ainsi, l’Institution, par exemple, met en avant les Droits de l’Homme pour contrer la Russie tout en passant des accords juteux avec la Chine sans avoir un mot pour les Oïghours, les Tibétains ou les habitants de Hong-Konk… Nous avons besoin de plus d’Europe c’est vrai, mais certainement pas de cette Europe-là : une Europe fondée sur un mode de scrutin proportionnel qui écarte le citoyen des centres de pouvoir. Pour ceux qui dirigent le Moloch européen il n’y a pas de comptes à rendre. Costa Gavras l’a très bien mis en évidence dans son film sur la crise Grecque ‘Adults in the Room’.
Si la proportionnelle en réalité éloigne le citoyen de la décision politique, elle a aussi un effet de fragmentation sociale comme en Espagne où le régime de Pedro Sanchez oscille entre la démagogie gauchiste et l’idéologie indépendantiste -qui vient de marquer un point supplémentaire aux récentes élections Catalanes. Tantôt le socialiste espagnol s’appuie sur « Podemos » tantôt, ou en même temps, il s’appuie sur les petits partis indépendantistes au prix de concessions coûteuses. Cette recherche permanente du compromis, paralyse l’action gouvernementale liée à ce mode de scrutin. Ce sont de partis comme le Parti Gallicien, ou le Mouvement Canarien (par exemple) qui font souvent la différence et Sanchez, victime consentante de ces arrangements (est-ce cela une coalition ?) est seulement préoccupé de colmater les brèches, pour sauver l’essentiel : sa majorité. Les barons du PSOE, n’approuvent pas…
La proposition du maire de Pau, qui avait promis de s’engager dans sa cité à 100% (« mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient » comme le disait Jacques Chirac), aura pour conséquence le détricotage de l’édifice gaulliste dont la constitution de la Vème République est le grand œuvre. Ce legs du Général nous a assuré une stabilité imparfaite certes, mais précieuse par les temps qui courent. Songeons que vingt-quatre cabinets se sont succédés sous la quatrième république… On objectera que le système ne suscite plus une adhésion citoyenne suffisante. Il faut se demander pourquoi ce diagnostic amer ?
Le vote blanc devrait d’abord d’urgence être pris considération. Il y aurait un retour aux urnes immédiat. Je vote blanc, c’est comme si je n’avais pas voté. Est-ce bien normal ? Il serait facile de comptabiliser ce désaveu électoral. Voilà une réforme simple sur laquelle tout le monde s’accorderait.
La vraie raison de ce rejet massif de la vie politique tient à la médiocrité de la classe politique, dans son ensemble, son manque de perspectives, son absence d’empathie pour les aspirations populaires, accentuée par l’arrivée du président Macron qui s’est entouré de personnages falots. Une génération nouvelle a été propulsée brutalement au pouvoir ; on voit qu’elle n’est pas à la hauteur ce qui oblige le président à descendre dans l’arène pour un oui, pour un non. Jupiter est au four et au moulin alors qu’il ne devrait intervenir qu’en dernier recours. La proportionnelle aura-t-elle raison de cette médiocrité ?
Les premières projections montrent qu’en cas de proportionnelle -ou de dose de proportionnelle-, pour assurer sa majorité, la REM aurait besoin du Modem -qui renforcerait ses troupes-, pour garder la majorité et que le Rassemblement National, meilleur ennemi du macronisme, multiplierait sa représentation nationale. Après la présidentielle qui fait l’objet de tous les fantasmes (en plein Covid !), il faudra gouverner et en cas de proportionnelle faire des alliances. Le maire de Pau aurait alors de belles cartouches à tirer… Car comme l’écrivait notre grand fabuliste Jean de La Fontaine dans « La colombe et la fourmi » : « point de Pigeon pour une obole ».
Pierre-Michel Vidal
Pour compléter le tableau, il n’échappe à personne que le poste de député européen est une sinécure douillette offerte aux recalés de la politique nationale, dont certains ne mettent jamais les pieds au dit parlementaire
Avec la prise en compte des votes blancs au Royaume-Uni, le Brexit aurait-il eu la majorité ?
Aussi la comptabilisation des votes blancs ne me semble pas une solution miracle. Comme la proportionnelle ou le RIC d’ailleurs. Ce seraient plutôt des mirages et pourraient même apporter davantage de confusion.
Je me demande s’il y a beaucoup d’autres démocraties qui tricotent et détricotent autant leurs règles électorales.
L’élection présidentielle m’interpelle quand même :
Il y a pléthore de candidats au premier tour de l’élection présidentielle. Ils ne fédèrent pas grand monde. Mais surtout les candidats de deuxième tour ne rassemblent pas plus que le quart des votants chacun au premier tour. C’est trop peu.
Le raccourcissement du mandat présidentiel de 7 à 5 ans est également considéré comme une erreur. Eventuellement faut-il le ramener à 7 ans pour dissocier le temps long (prérogative présidentielle) et le temps court (prérogative parlementaire) ? …
Pour certains, le monde politique, actuellement aux affaires, n’est pas à la hauteur et le repli sur la Nation est nécessaire (postulat habituel de l’auteur de l’article).
Mais le nationalisme ne s’accommode-t-il pas du néolibéralisme et ne désigne-t-il pas, in fine, des minorités comme boucs émissaires (émigrés, musulmans en Inde ou en Birmanie voire en Chine sans oublier l’holocauste) ?
Pour d’autres, les évolutions techniques (Internet), sociales et sociétales que nous vivons n’ont jamais été aussi rapides. Aussi en démocratie, il serait difficile de gérer le court terme et « en même temps » le long terme. Et pourtant…
Je pense (j’espère) que nous sommes dans cette situation et qu’une nouvelle ère de « croissance » finira par éclore.
Car sans croissance, pas de progrès social significatif. Mais les trente glorieuses ont été une exception de l’histoire.
Je ne suis pas un adepte du « repli » sur la nation. Je considère que le Président et le Haut Commissaire au Plan ont raison de vouloir agir pour récupérer nos capacités industrielles assurant notre indépendance. Je constate aussi avec le Brexit, la gestion du Covid et la sortie calamiteuse de J.Borell en Russie que l’Europe a besoin d’un logiciel nouveau qui doit se bâtir dans le respect des spécificités nationales. Tout cela n’a rien à voir avec le nationalisme dont je suis un adversaire résolu.
Pour ce qui est de la durée du mandat présidentiel, je partage votre avis: 7 plutôt que 5. J’ajoute que je partage votre dernière phrase sans croissance pas de progrès social.
Le vote blanc devrait en effet être compté parmi les exprimés, il suffit d’une loi. Sauf pour la présidentielle, où la Constitution exige la majorité absolue des votants : compter le vote blanc avec des scores souvent serrés au second tour, c’est parti pour revoter. Et changer la Constitution est plus compliqué, mais on peut déjà voter une loi pour toutes les autres élections.
Le problème souligné pour les européennes vient d’une circonscription France entière, avec de longues listes : les têtes de liste ont fait activement campagne, les autres beaucoup moins. Et beaucoup sont inconnu(e)s. Avec des dimensions plus réduites, comme l’était la circonscription Sud-Ouest aux européennes (2004, 2009, 2014) il y a seulement quelques élus par liste (une douzaine au total dans la circonscription) et tous doivent se bouger.
Pour les législatives, l’horreur intégrale serait une circonscription France entière : une ou deux têtes de liste connues qui tirent 575 Mr et Ms Nobody. Le remède peut être une circonscription de la taille de quelques départements, correspondant à une douzaine de députés par exemple. Là aussi, tout le monde devrait être sur le pont.
Pour garder un effet majoritaire, il n’est pas interdit de prévoir une prime majoritaire comme c’est le cas pour les régionales (25% des sièges) ou les municipales (50% mais c’est trop important).
Effectivement, les représentants Régionaux cités sont parfaitement transparents et bien plus occupés à gérer leur carrière , leur communication que d’assurer une présence régulière auprès de leurs administrés. Il est tout de même permis d’espérer qu’ils se battent pour quelques dossiers de financement de projets sur nos territoires , tâches obscures et invisibles pour les citoyens tant les règles et circuits de paperasseries sont complexes . Ceci dit il est bon de rappeler que l’instruction des dossiers Européens est confiée aux Régions et non aux dits députés … qui sont censés se battre pour une autre Europe … Mais comme les Français ne semblent pas encore avoir compris qu’aussitôt élus certains de ces représentants se rangent dans la majorité ultra libérale qui casse depuis 30 ans nos services publics à la Française auxquels ils sont pourtant si attachés… impose ses modèles économiques qui permettent les paradis fiscaux au sein même du périmètre Européen .
Bref … Il en est un qui se bat et est venu à PAU , en Béarn et Pays Basque, plusieurs fois, fin connaisseur des filières agricoles , c’est Eric Andrieu , originaire du Sud Occitanie . Celui là est de réelle proximité et accessible dans sa relation aux citoyens.
Le vote blanc devrait d’abord d’urgence être pris considération. Il y aurait un retour aux urnes immédiat. Je vote blanc, c’est comme si je n’avais pas voté. Est-ce bien normal ? Il serait facile de comptabiliser ce désaveu électoral. Voilà une réforme simple sur laquelle tout le monde s’accorderait.
Plutôt que la proportionnelle qui risque plus de détruire que de construire, exigeons de la part de tous les partis politiques que les votes blancs soient pris en compte. Cela obligera les partis et leaders politiques à se remettre en cause. Quel sera le parti qui osera se dire satisfait d’ une élection avec 30% ou plus de votes blancs : Aucun si ce
n’ est les démagogues. Au moins ça aura le mérite d’ être clair et rapide afin, de faire ouvrir les yeux aux hommes politiques.
Tout à fait d’accord sur les dangers de l’élection des députés à la proportionnelle. Si cette réforme est votée, il en sera fini de l’esprit de la Vème République. Dans les arguments que l’on peut également développer, il faut rappeler que sous la IVème, le durée de vie moyenne d’un gouvernement était de 7 mois. La chambre pouvait obliger le gouvernement à démissionner. On votera pour un ou une inconnue. De ce fait, il n’y aura plus de proximité. Cette forme d’élection nourrira les ambitions des chefs de partis.
Il faut aussi se souvenir de 1986 où Mitterrand avait institué la proportionnelle pour les législatives. Il l’avait fait par tactique politique afin d’empêcher le parti de Chirac d’avoir la majorité absolue. On sait ce que cela avait donné.
Rappelons également qu’actuellement, Bayrou est allié avec les formations RN, avec les écolos et avec la France Insoumise. Les petits partis voient là la possibilité d’augmenter leurs effectifs à l’Assemblée nationale. Il ne faut pas chercher l’intérêt général.