Nous sommes en guerre… des mots !

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J’ai hésité dans le choix du titre ; je l’ai choisi pour rester dans l’air du temps. J’avais pensé à :

«Des mots qui fâchent aux mots qui tuent».

ou

«Il faut rendre à César seulement ce qui lui appartient».

Le monde politique, les médias, les réseaux sociaux, les écrivains engagés, parfois, soit par ignorance, soit volontairement pour des motifs pas toujours avouables, utilisent des mots dont le sens est ambigu et susceptible d’engendrer, pour le moins, la confusion, les débats, pour le pire les oppositions violentes.

Les exemples pourraient remplir des pages ; citons la croissance ou la décroissance, la nécessité, le développement durable, les produits phytosanitaires, dire la vérité, la transparence, la confiance, les riches, les pauvres…, la dette… l’économie.., la violence même.

La langue française est particulièrement riche, elle s’est construite au cours de l’histoire par l’ajout d’un grand nombre de mots au fur et à mesure des migrations, des guerres, des conquêtes, des découvertes, des avancées scientifiques et technologiques… de l’économie.

Un dictionnaire récent devrait constituer l’outil privilégié de celui qui s’exprime.

Il définit le ou les sens d’un mot et il convient d’y rester fidèle pour que le raisonnement ait de la valeur.

«Il faut rendre à César seulement ce qui lui appartient»

Malheureusement ce n’est pas le cas, nous vivons dans une société où il faut faire court avec des mots clés, des codes, des jeux…, qui, en simplifiant, déforment ou multiplient les interprétations possibles ; le manque de formation à l’esprit critique permet l’exploitation intellectuelle, psychologique, monétaire …

«A partir du moment où l’on cesse de croire que les mots ont un sens, la question de la vérité perd toute pertinence. La vérité, à tous moments, devient ce que décide le plus fort, parce que la représentation du réel imposée est celle qui sert le mieux ses intérêts.»

Pour le pouvoir totalitaire, briser les liens qui attachent les mots à leur sens, c’est empêcher, mieux qu’avec la censure, mieux qu’avec les lois les plus liberticides, l’exercice de la pensée, instrument par excellence de la liberté.

La pauvreté du vocabulaire, les violences urbaines et familiales, politiques même sont associées.

«Des mots qui fâchent aux mots qui tuent»

L’objet de ce texte a été inspiré par un débat récent où cette confusion des sens a engendré un faux débat et finalement un non sens culturel. Je ne reviendrai pas sur la notion d’idéologie ni de «la viande, un choix aberrant d’un point de vue nutritionnel» mais je tenais à revenir sur une expression employée :

«supprimer, pendant un temps, la viande, c’est de l’écologie punitive».

Le terme d’écologie est galvaudé, exploité, il s’emploie à toutes les sauces pour des raisons politiques et économiques ou de convenances personnelles. Le vert est écologique, la pub ne cesse de revendiquer des lotions, maquillages, les repas, les vêtements, les produits divers… écologiques. Les voitures électriques seraient écologiques.

L’écoblanchiment fait recette.

Manger de la viande serait donc écologique !

Remettons les pendules à l’heure.

L’écologie est une science ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants.

*Si j’évoque le danger des stupéfiants, du tabac, de l’alcool, de l’excès de sel, sucre, de viande rouge, des plats préparés industriellement…, du virus. Si j’évoque les carences en…, les bienfaits d’une alimentation variée, de l’exercice, des activités intellectuelles… je ne me base pas sur l’écologie ; je ne fais que donner des directives pour le bon équilibre de l’organisme ; c’est le domaine de toutes les branches de la physiologie en général, la psychologie… Je convoque les nutritionnistes.

Doctissimo en somme !!

Suivre les conseils ci-dessus n’est pas écologique, c’est faire preuve d’une volonté d’assurer le bien être, les scientifiques parlent d’homéostasie, des individus.

*L’écologie pointe son nez quand on évoque les relations de notre corps avec sa microfaune et flore de la peau et de l’intérieur de son corps, c’est-à-dire le microbiote.

*Par contre, je passe à 100% dans l’écologie quand j’évoque les retombées climatiques que l’élevage intensif provoque (GES), que je cite les déforestations et la faim dans le monde qui résultent de l’occupation des terres agricoles pour la production de nourriture animale et non humaine, quand je m’élève contre les dangers de la pollution ou des pêches industrielles qui détruisent les fonds marins, la biodiversité, le patrimoine piscicole indispensable pour la nourriture des humains,

là, je fais de l’écologie,

car j’évoque, au niveau global, le résultat des relations que les excès engendrent. L’évocation des causes de la pandémie liée au mode de vie est un exemple on ne peut plus pédagogique.

L’écologie est-elle punitive ?

L’écologie est une science, elle ne punit personne, elle fournit seulement des informations objectives sur l’état des lieux et fait des prospectives pour l’avenir si rien ne change ou s’il y a amplification.

Par contre, la gestion, par l’homme, des prospectives, peut nécessiter des changements de comportements.

Changer d’habitude, est-ce une punition ?

Lorsque l’on dit “ceci est de l’écologie punitive”, on dit simplement “telle mesure me contraint, je n’en veux pas”. Mais dans un cadre collectif, ce n’est pas, en soit, un argument, puisqu’il serait alors applicable à n’importe quel domaine où la contrainte collective agit.

L’obligation du port du masque, le respect des gestes barrière, le couvre-feu, voire le confinement, sont-ils de la “santé punitive” ? L’obligation pour les producteurs alimentaires d’afficher clairement leurs ingrédients sur les étiquettes de leurs produits est-elle de la “transparence punitive” ?

Ce sont en effet des mesures “punitives” dans le sens où elles limitent les libertés individuelles et s’accompagnent de sanctions. Mais en même temps, ce sont des règles collectives décidées pour l’intérêt général et acceptées collectivement pour cette raison (sauf par les égoïstes !).

Certains utopistes parlent d’écologie positive. Plutôt que de contraindre les individus, il faudrait donc les “inciter” à prendre leurs responsabilités individuelles et à agir d’eux-mêmes sans que l’Etat s’en mêle à coups d’amendes jugées “infantilisantes”. L’écologie serait alors une sorte d’exception au cœur de la société, le seul domaine où l’on attend des individus et des entreprises qu’ils se comportent spontanément “comme il faut” pour l’intérêt général, sans qu’aucune contrainte légale ou sanction ne soit décidée !!!!!

La grande majorité des citoyens savent que la voiture fait partie des principales causes de nos émissions de CO2 et qu’il faut donc réduire l’usage de la voiture. Cela fait plus de 30 ans qu’on le sait et qu’on le rabâche à longueur d’articles, d’appels de scientifiques ou de tribunes pour l’action climatique. On peut même se risquer à dire que ceux qui ne savent pas aujourd’hui n’ont probablement pas envie de savoir.

Malgré ça, la tendance va dans le sens exactement opposé : l’usage de la voiture ne faiblit pas et même il se renforce en se déplaçant vers des véhicules toujours plus gros et toujours plus polluants. Pour l’avion, c’est la même chose.

Faut-il attendre encore plusieurs dizaines d’années que chacun (entreprises, citoyens…) “prenne ses responsabilités”, sans garantie que ça arrive un jour ?

Pendant ce temps la vraie punition arrive !

Signé Georges Vallet

crédits photos:environnement : Tous les messages sur environnement – Page 4 – Strips Journal

Langue appauvrie, pensée pauvre – France Culture

www.franceculture.fr › Émissions › Les Idées claires

L’écologie punitive n’est pas un gros mot : c’est une nécessité

youmatter.world › ecologie-punitive-necessite-crise

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3 commentaires

  • Ci-après le commentaire écrit ainsi que la video (7’11’’), accessibles via le lien ci-après, résument bien le contenu du livre :
    https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/il-faut-inventer-une-economie-qui-structurellement-soit-sobre-estime-le-sociologue-pierre-veltz_4271841.html

  • Je suis vos articles et commentaires régulièrement, toujours enrichissants. Le tournant écologique est indispensable mais difficile à prendre. A@P en est le reflet.

    Personnellement j’essaye de me rassurer en pensant qu’un saut technologique, comme l’ont été l’imprimerie, la machine vapeur, l’électricité ou l’informatique, viendra relancer la machine économique à condition qu’il ne soit pas étranger à la nature (cf. leçon du covid).
    Mais je me méfie des extrémistes et autres patriotes auto-patentés.

    Je viens de terminer la lecture de « L’économie désirable- Sortir du monde thermo-fossile », Seuil, 2021, par Pierre Veltz.
    Je suis cet auteur et sa vision de la mondialisation (la société hyper-industrielle, le nouveau capitalisme productif, l’aménagement territorial), depuis quelques années.

    Dans ce dernier livre il considère que le « capitalisme vert » ou le capitalisme trouvant en lui-même les ressources pour dépasser ses propres crises ne sont pas des solutions.
    Il rappelle le rôle de l’Etat américain (via le Pentagone) dans la naissance de la Silicon Valley (cf. révolution numérique) et considère qu’une démarche similaire est nécessaire pour l’écologie.
    Je cite : « Il n’est pas d’exemple historique où un tel changement –une bifurcation plutôt qu’une transition- se soit réalisé autrement que par une forme d’intervention politique de grande ampleur, des investissements publics massifs et un cadrage de type « planification ». Nos Etats, qui ont tellement intériorisé le fait d’être d’abord les garants des marchés, en sont-ils encore capable ? Et comment réinventer ce cadrage sans retomber dans des formes centralisées d’un autre temps. »

    Je trouve cette approche intéressante. J’ai l’impression de progresser et/ou que le sujet progresse.

    • N’ayant pas lu ce livre, je viens de consulter sur internet
      L’économie désirable : entretien avec Pierre Veltz – Nonfiction …
      http://www.nonfiction.fr › article-10653-leconomie-desirable..

      J’ai retenu favorablement:
      +«L’idée de régler les problèmes du climat ou de l’épuisement des ressources minérales par la seule efficacité est donc une illusion. Il faut absolument activer l’autre volet, c’est-à-dire la sobriété: consommer moins, et surtout consommer autrement.»
      On utilise des voitures qui consomment moins et polluent moins mais on en fabrique et utilise plus!
      On développe les énergies renouvelables non pas pour diminuer le nucléaire mais pour consommer plus d’énergie.
      +«La sobriété ne peut pas se concevoir comme la réduction homothétique de nos paniers de consommation, ou d’investissements. En fait, on pourrait distinguer trois niveaux: sobriété individuelle (manger moins de viande, être plus mesuré dans ses achats de vêtements, etc.); sobriété systémique, liée aux contextes d’organisation de nos sociétés, infrastructures, règlements, etc. (pour développer le vélo il faut des pistes cyclables…); mais aussi sobriété globale, jouant sur les priorités même de nos économies, la répartition sectorielle de nos activités».
      La sobriété heureuse de Rahbi!

      +Il faut rester conscient des interdépendances qui nous relient et qui traversent les territoires; et il faut valoriser davantage les coopérations inter-territoriales, à toutes les échelles. Le climat et la biodiversité sont des biens publics mondiaux, et nous avons plus que jamais besoin d’une approche globale.»

      L’approche globale, la complexité des relations nature-culture-économie, le fer de lance de ma réflexion intellectuelle nourrie par Edgar Morin!
      Tant qu’on voudra résoudre les problèmes séparément et non en réfléchissant globalement, on ira dans le mur.

      +«une bifurcation plutôt qu’une transition autrement que par une forme d’intervention politique de grande ampleur, des investissements publics massifs et un cadrage de type « planification..»

      Edgar Morin préfère le terme de métamorphose c’est-à-dire qu’on utilise les composants qui existent mais on les combine autrement pour faire une nouvelle politique humano-centrée.
      Investissements publics alors que la politique libérale demande de moins en moins d’État, que les privatisations ont appauvri cet État, c’est difficile à obtenir! Maintenant, il faut s’endetter pour soutenir le privé.
      Quant à la planification, F.Bayrou n’est pas du genre à globaliser d’une part et à envisager la«planification» à court et moyen terme d’une transition écologique!