Des réformes institutionnelles ? Nécessaires, mais comment ?

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Dans une interview télévisée du 17 mars 2021 , Jean-Pierre RAFFARIN , ancien premier ministre, a déclaré « sans participation, il n’y a pas de démocratie ». Le propos est judicieux dans la mesure où l’abstention gagne régulièrement du terrain lors des consultations électorales.

Ceux qui sont en mesure d’y porter remède en connaissent les causes, mais bien que dénoncé régulièrement le mal subsiste.

On peut certes imaginer une ouverture des bureaux de vote sur deux jours consécutifs et/ou des plages horaires plus longues, un vote par correspondance comme le propose Jean-Louis DEBRÉ, ancien président du Conseil Constitutionnel ou, comme cela vient d’être imaginé pour la prochaine élection présidentielle, un vote par anticipation déjà en place en Allemagne ou aux États-Unis. En fait, hormis le vote obligatoire pour tout inscrit sur une liste électorale, rien n’assurerait une forte participation de l’électorat. Et pourquoi donc ?

D’abord, parce que bien des électeurs ne croient plus en la sincérité d’un système qui a fait de la politique une activité professionnelle nécessitant de multiples compromis, si ce n’est plus, pour s’assurer une longévité.

Mais qui osera proposer la limitation dans le temps de l’activité représentative tous mandats confondus ? L’électorat est fatigué d’un personnel politique qui se renouvelle peu et semble bénéficier d’une situation matérielle enviable.

Ensuite, parce qu’un système électoral qui ne prend pas en considération toutes les opinions exprimées, décourage de facto l’électeur dont le choix politique se heurte à une stratégie hypocrite consistant à invoquer le front républicain contre tout ce qui n’appartient pas à la gouvernance convenue,  mais dont les pourfendeurs ne demandent pas une dissolution qui serait anticonstitutionnelle.

François BAYROU l’a bien compris. Il faut impérativement assurer la représentation proportionnelle de toutes les opinions. Elle est seule susceptible de mobiliser l’électorat. Le chef de l’Etat, dont le programme électoral prévoyait l’introduction d’une dose de proportionnelle ( une dose, deux mots qui n’engagent à rien ), a même convenu, le 10 février 2021, que le débat était important et devait se poursuivre ( première ambiguïté ). Se poursuivre avec qui ? Avec ceux qui ont seuls le pouvoir de modifier le système électoral, à savoir tout d’abord les parlementaires dont les groupes majoritaires de l’assemblée nationale ont déclaré que les conditions du changement n’étaient pas réunies ! Quand le seront-elles ? Après la prochaine élection présidentielle ont-ils prétendu ! ( deuxième ambiguïté puisque nul ne peut prédire ce que sera la prochaine composition de l’assemblée nationale ).

Mais François Bayrou, dont la ténacité et la lucidité doivent être saluées, vient de déclarer « Tant de Français se sentent écartés de la représentation que c’est un problème de confiance dans notre démocratie. Et c’est aussi le seul moyen de changer les rapports entre l’exécutif et le parlement qui représente le pays ». 

Si donc le débat ne s’impose pas à la représentation parlementaire de la majorité, il ne restera qu’à interroger l’électorat comme le suggère François BAYROU qui est en cela le tendon d’Achille du chef de l’Etat qui a pu penser en obtenir la neutralité en lui confiant la présidence du haut-commissariat au plan. Mais le président qui n’ignore pas que La République En Marche ne sera qu’un soutien fragile à sa prochaine candidature, n’ira pas la contrarier par un référendum qui pourrait en réduire la future composition. La représentation proportionnelle que Jean-Pierre RAFFARIN a appelée de ses vœux en plus d’une déconnexion des élections présidentielle et législatives, s’imposera-t-elle alors par des manifestations dont tout serait à craindre ?

Pierre ESPOSITO 

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4 commentaires

  • . » A chaque circonscription un siège et le candidat qui a réuni le plus de voix est élu »

    A condition que chaque circonscription représente un nombre équivalent de citoyens, ce qui n’est pas le cas. Le magouillage sur la délimitation des espaces pour favoriser ou exclure un tel ou un tel est bien connu.

    « ce sont les partis politiques qui ont formé des coalitions, au lendemain des élections et après d’interminables marchandages et tractations »

    Les marchandages et tractations se font avant ou après;
    *Quand on considère la situation en France en ce moment, les tractations et marchandages se font avant et vont bon train sans se soucier du choix des électeurs potentiels; rien ne prouve qu’un électeur voulant voter Macron soit d’accord pour qu’on lui impose de voter LR, là où des « arrangements » ont eu lieu. L’abstention peut en résulter dans ce cas. C’est pareil à gauche.
    *Quand les tractations se font après, le poids du nombre de votes obtenus pèse dans les discussions.

    « Le scrutin uninominal à deux tours est le scrutin de la République » Charles de Gaulle, 7.10.1958″
    de Gaulle était une valeur à suivre en 1958. Depuis bien des choses ont changé dans une infinité de domaines. Est-il judicieux de suivre les méthodes du passé pour résoudre les problèmes du présent?

    • Monsieur Vallet je ne comprends pas bien vos arguments. Lorsque vous parlez de magouillage, vous n’évoquez pas le système électoral du scrutin uninominal mais les comportements des politiques. Autrement dit ce n’est pas la loi qui est en cause mais ce qu’en font les politiques au moyen des découpages électoraux.
      La différence entre le scrutin uninominal à deux tours et la proportionnelle peut se résumer au fait que dans un cas on vote pour un programme avant l’élection et dans l’autre cas le programme n’est connu qu’après l’élection par le jeu des apparentements et des arrangements. Ensuite, si les candidats changent de programme, il ne faut s’en prendre qu’à eux et pas au mode électoral.
      Les élections où l’abstention est la plus forte sont les régionales et les départementales et pourtant ce sont des votes à la proportionnelle.
      Enfin si bien des choses ont changé depuis de Gaulle, expliquez-moi pourquoi, encore de nos jours et très souvent les politiques le citent. Ils doivent considérer qu’il s’agit d’une référence utile à leur démonstration. Même Bayrou le fait quand il veut appuyer ses démonstrations sur les avantages de la proportionnelle. De Gaulle a conçu une constitution qui nous a sortis de bien des pétrins.

      • « Autrement dit ce n’est pas la loi qui est en cause mais ce qu’en font les politiques au moyen des découpages électoraux. »
        Absolument.

        « Les élections où l’abstention est la plus forte sont les régionales et les départementales et pourtant ce sont des votes à la proportionnelle. »

        Je pense que ce qui intéresse les gens ce sont les deux extrémités de la chaîne:
        *les municipales car elles les concernent directement; la mairie c’est un contact direct.
        *Les législatives car c’est la politique générale du pays qui est concernée.
        Dans la tête des gens les rôles du département et de la région ne sont pas bien connus et trop éloignés de leurs préoccupations personnelles.

        « depuis de Gaulle, expliquez-moi pourquoi, encore de nos jours et très souvent les politiques le citent. Ils doivent considérer qu’il s’agit d’une référence utile à leur démonstration. »
        Ceux qui le citent s’appuient sur deux démarches:
        *Évoquer de Gaulle, sauveur de la France, ce ne peut-être que sécurisant pour l’auditoire.
        *de Gaulle est surtout évoqué par la droite: la patrie, l’honneur, la sécurité……, le premier de cordée par excellence! Effectivement c’est une référence utile pour leur démonstration.

        Personnellement, ce qui me gène dans cette addiction c’est:

        *Ceux qui l’évoquent ne peuvent absolument pas savoir ce que de Gaulle ferait ou déciderait dans la situation actuelle. Ils ne s’en servent que de faire valoir.
        *Depuis ses actions mémorables, l’ensemble de la planète a changé; le « pétrin » devenu « les pétrins » ne sont plus les mêmes. S’il revenait en ce moment, il n’est pas certain que ses idées et actions seraient aussi concluantes; pour que la comparaison soit valable, il faudrait un de Gaulle né 50 ans plus tard; dans la « chienlit » actuelle partirait-il alors comme en mai 1968?

        « le Général est loin de la Haute-Marne : son escadrille a atterri à Baden- Baden, cette ville thermale allemande proche de la frontière alsacienne. Sur place, le président de la République a rencontré plusieurs chefs militaires, parmi lesquels le général de corps d’armée gouverneur militaire de Metz mais surtout le général d’armée Massu, commandant les forces françaises en Allemagne. Abattu, de Gaulle s’est confié à son fidèle compagnon d’armes dès son arrivée : «Tout est foutu Massu !»

        *Nous avoir obligés à nous convertir au nucléaire pour faire la bombe, c’est nous avoir entraînés dans des risques létaux et dans des dépenses démentielles que la génération qui nous suivra va avoir à rembourser et à endosser pour l’entretien et la démolition.

  • La représentation proportionnelle porte la marque indélébile de la IVème République, de ses 23 gouvernements qui ont défrayé la chronique de 1946 à 1958 et mené la France au bord de la faillite. 23 gouvernements en 12 ans, cela fait une durée de vie moyenne des gouvernements d’un peu plus de 6 mois.
    « La recherche d’un représentation exacte de la minorité est la chose au monde la plus vaine et la plus futile » (Colani journaliste dans le journal « La République Française «  en 1919 et collaborateur de Gambetta).
    Ce problème de la proportionnelle et du scrutin majoritaire ne date pas d’hier. Déjà en 1919, cela avait été discuté (voir J.O. rapportant la discussion au Sénat du 21 juin 1919.)
    Chaque parti voit les réformes électorales uniquement sous l’angle de son propre intérêt. Cependant il faut une majorité de soutien au gouvernement pour la durée d’une législature.
    Une règle est restée, une règle simple, qui vient d’Angleterre du tréfonds de son histoire. A chaque circonscription un siège et le candidat qui a réuni le plus de voix est élu. C’est cette règle que les Américains ont hérité des Anglais. La règle majoritaire est comme essentielle à la démocratie.
    Plus près de nous, avec des modes de scrutin qui ne permettent pas de dégager une majorité ou qui sont destinés à faire la part belle aux minorités, l’Allemagne s’est retrouvée entre septembre 2017 et mars 2018 avec un « gouvernement » expédiant les affaires courantes, tandis qu’il aura fallu trois mois à l’Italie, du 4 mars au 1er juin 2018, pour former un ministère. Dans un cas comme dans l’autre, aucune majorité ne résultant des urnes, ce ne sont ni les Allemands, ni les Italiens, qui ont choisi leurs gouvernants, ce sont les partis politiques qui ont formé des coalitions, au lendemain des élections et après d’interminables marchandages et tractations
    L’élection n’est pas seulement le vote pour une idée. C’est aussi, c’est surtout le choix d’une femme ou d’un homme. Et ce choix ne peut pas être fait par le comité d’un parti, il ne peut être fait que par l’électeur.
    Ceci dit quand vous parlez du désintérêt des électeurs pour les élections en général, vous auriez pu dire qu’en Belgique le vote est obligatoire. Une manière de lutter contre l’abstentionnisme. Mais pourquoi cette abstention ? Est-ce parce que le mode de scrutin ne convient pas ou est-ce parce que les politiques se sont discrédités aux yeux des électeurs français ?
    « Le scrutin uninominal à deux tours est le scrutin de la République » Charles de Gaulle, 7.10.1958