Du « Jardin de la sérénité » au « Jardin partagé »…

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Il est maintenant évident que le monde d’après ne sera plus le monde d’avant: 13 mois déjà d’épidémie, à quoi sert d’envisager un avenir incertain ? Les spéculations puériles sur notre futur ressemblent à des discussions de café du commerce où les prêches, prétendument vertueux, s’appuient sur des données incertaines et des vérités discutables mais délivrées comme vérités vraies, pour aboutir à des conclusions apocalyptiques. Libre à chacun de croire ou de douter de ces prophéties. Il temps, puisqu’il est acquis que la situation va durer et que le monde d’après n’est pas pour demain, de réfléchir au monde du pendant. Celui qui nous préoccupe, en fait.

Nous sommes, en Béarn, des privilégiés, car l’épidémie nous a peu atteints, mais jusqu’à quand ? Les chiffres de la Nouvelle Aquitaine ne s’arrangent pas. Serons-nous, alors, victimes nous aussi d’un nouveau tour de vis ? Que vont devenir nos parents, nos amis, dont les opérations sont déprogrammées ? Les écoles vont elles fermer ? Comment feront les parents ? Partirons-nous en vacances ? Les aides qui permettent de tenir, pour beaucoup d’entre nous, sont-elles inépuisables ? Allons-nous vers un burn-out collectif ? La guerre des vaccins aura-t-elle lieu ? Et l’opprobre lancée sur les Britanniques est-elle légitime ? Après tout, Pau n’est-elle pas ville anglaise ? Que va dire le président celui qui s’est autobaptisé « maître des horloges »? Et les vaccinés sont loin d’être aussi nombreux que ce qu’on nous avait annoncé. Pourquoi cette multiplication de promesses non tenues? Que croire désormais? Etc., etc…

La marche à pied, très pratiquée en ce moment, permet de réfléchir à ces problèmes urgents, qui nous laissent perplexes, et que, naturellement, nous ruminons. Mes pas, ainsi, m’ont mené vers le jardin japonais palois, le « jardin Kofu », un lieu unique, serein où la spiritualité, si nécessaire dans cette crise, est stimulée. Il est ainsi présenté : « Le jardin de Kofu, ou Jardin de la Sérénité, a été réalisé à partir de plans fournis par l’architecte de la ville du même nom, jumelée avec Pau depuis 1977, en respectant les principes de l’art des jardins nippons. En plein cœur de la ville de Pau, le jardin abrite une grande diversité d’azalées, de camélias, de petits hêtres, de cyprès et d’épicéas taillés en bonsaï, ainsi que de grands séquoias ».

 Ce lieu propice à la réflexion, voulu par André Labarrère (il en était très fier), est aujourd’hui fermé « pour travaux ». Des travaux que l’on ne perçoit pas de l’extérieur. Quels sont-ils, réalité ? Seraient-ils imaginaires ? La ville change, souvent en bien, mais son patrimoine doit-il faire les frais de ces bouleversements ? Le « Jardin de la Sérénité » si nécessaire en ce moment, va-t-il rouvrir ses grilles ? Ses azalées, ses camélias, ses arbres nains, seront-ils abandonnés ; ses allées de gravier blanc que vont-elles devenir ? Est-ce là un plan de la mairie ? Un abandon serait bien dommage…

De ces grilles fermées, partons plus loin ; quelques centaines de mètres à parcourir, avec, en toile de fond, la lumière brillante des neiges pyrénéennes. Nous arrivons alors sur un bout de terrain caché par les arbres, une petite forêt de bambous épais, qu’il faut traverser empruntant un sentier. C’est un jardin partagé : Une tâche de vert dans l’univers urbain. Un endroit insoupçonné où quelques citoyens vaquent courbés, en silence, les mains dans le limon, arrachant les mauvaises herbes.

Avec eux le contact est facile. Ils cultivent, en ce moment, les haricots ou les fèves ; bientôt, me disent-ils, « ce seront les tomates, les courgettes et les salades« . Il y a un figuier, un poirier en fleur et des pruniers. La « contrée » a été meublée -par les soins de la mairie- dans un ton adapté, avec des bancs en bois, une large table et quelques abris pour ranger les outils. Ainsi, à sa manière, le jardin incline, par le travail qu’il demande et par le calme qu’il impose, à la spiritualité lui aussi. Il évoque une sorte d’ordre monastique régit par la fameuse devise « Ora et labore ». Prie et travaille. Le contact avec ces agriculteurs du dimanche qui gratte la terre avec ardeur est facile et cordial.

Ici, une vingtaine de nos concitoyens se confrontent aux réalités des contraintes du monde rural : l’effort physique, la persévérance, l’attention à la nature. Tout est bio bien sûr et les résultats modestes. Ces jardiniers citadins sont victimes de vols ou de dégradations, mais cela ne les décourage pas. Chacun possède une parcelle personnelle mais ils se doivent aussi d’entretenir un espace commun et bien-sûr, me dit-on : « ce n’est pas évident de travailler en commun ». Ainsi se développent l’esprit de responsabilité, l’idée de partage et en définitive la sociabilité.

Puisque nous sommes « en thérapie », malaxer la glaise, planter ses carottes, les observer et les soigner il y a là des valeurs élémentaires, concrètes qui aident à relativiser ces moments si durs et contribuent à l’équilibre individuel. Nous sommes loin, dans ce coin modeste mais heureux, des prétentions brutales de la Deep Ecology qui veut nous contraindre à changer le monde de manière autoritaire. A l’inverse, dans ce jardin partagé, une petite pierre indispensable est ajoutée à la construction d’un monde meilleur, plus écologique et plus fraternel.

Des grilles mystérieusement closes du « Jardin de la Sérénité » à l’accueil bienveillant du « Jardin partagé » il y a seulement quelques pas à faire. Tout un symbole dont je laisse l’interprétation à la sagacité du lecteur.

Pierre-Michel Vidal

Photo : « Jardin de Kofu » ou « Jardin de la sérénité », Pau.

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4 commentaires

  • «à quoi sert d’envisager un avenir incertain»

    Étonnant, parce que cela a toujours été la réalité de notre avenir. Maintenant on veut tout savoir avant que cela se produise! C’est impossible.
    C’est indispensable de l’envisager car c’est comme cela que l’homme a toujours avancé et progressé.
    La vie est un slalom dont bien des portes surgissent sans qu’on s’y attende: chômage, santé, catastrophes environnementales…
    «Devenir adulte, c’est apprendre à vivre dans le doute et l’incertitude» (Hubert Reeves).
    Ceci implique l’utilisation du principe de précaution (réfléchir avant d’agir), ce que l’on se refuse de faire pour permettre la croissance.
    La biodiversité au niveau général, l’immunité au niveau individuel, sont les deux principes de précaution, «les réserves» que la nature a développé pour survivre dans l’incertitude; cela lui avait pas mal réussi pendant des millions d’années; ce n’est plus le cas.
    Le résultat est que la certitude des politiques, des experts, et des financiers, nous a menés à une catastrophe sociétale et même civilisationnelle.

  • Pierre-Michel Vidal

    Je ne me doutais pas en écrivant ce papier au ton mélancolique et volontairement retenu que nous serions accablés ce soir de mesures injustes par notre Président au regard de l’état de l’épidémie dans notre département. Mesures autoritaires qui ne résoudront rien ou si peu. J’attendais sans surprise d’être accablé de promesses impossibles à tenir sur la vaccination. Ce fut le cas. Il n’y a qu’a consulter le site https://www.google.com/search?q=covid+tracker+vaccination&rlz=1C1CHBD_frFR936FR936&oq=covid&aqs=chrome.0.69i59l2j69i57j69i59j69i60l4.5360j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8 pour voir combien on patine dans la choucroute sur ce point.
    Quel mépris pour le « bon peuple ». Comme disait Chirac : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ».
    Pour mémoire, le 5 janvier sur ce même site: https://alternatives-pyrenees.com/?s=Pour+des+vaccinodromes+%C3%A0+pau
    Quel temps perdu!

    • Indirectement, en évoquant la beauté du jardin Kofu, jardin de la sérénité, vous parlez de la villa Beit Rahat. Cette demeure qui a été un temps un centre thérapeutique était propriété de la ville, témoigne de la splendeur de la « ville anglaise ». Elle a alimenté l’actualité il y a peu. La municipalité avait formé le projet de l’échanger contre un terrain de la friche industrielle vers le stade d’eau vive. Cet échange aurait permis à Heid de récupérer cette très belle villa et de céder à la ville un terrain pollué nécessitant des travaux importants de nettoyage. Devant le tollé soulevé par ce projet la municipalité avait fini, fort heureusement par renoncer. Il faut savoir que le jardin Kofu est sur un terrain attenant à la villa Beit Rahat et est dépendant du bâtiment. Ce jardin est fermé et la villa est en travaux. Le citoyen palois ne sait pas si cette villa et le jardin ont été vendus, mais cela est probable. L’avenir est sans aucun doute comme vous le laissez entendre. La villa sera vraisemblablement privatisée et le jardin de la sérénité disparaîtra… ?

      • Pierre-Michel Vidal

        Si cela se vérifie, quel mépris du passé et de la beauté. Merci de ces précisions cher Joël que j’ignorais et qui en disent long sur la politique de notre maire. MAIS QUE FAIT L’OPPOSITION?