Conférence de BANDUNG

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Conférence de BANDUNG Afro-Asiatique* du 18 au 24 avril 1955 :

pourquoi pas une commémoration de la Conférence de Bandung ?

Avant propos

2021 : en France, l’heure est souvent aux commémorations quand elle n’est pas aux excuses… Récemment, l’histoire coloniale de l’Algérie française, revisitée des deux côtés de la Méditerranée s’est trouvée ainsi définie par le Président de la République : « crime contre l’humanité« .

Cependant, c’est peut-être rapidement oublier les 2 000 ans qui ont marqué l’histoire des pays du bassin méditerranéen, tour à tour terres de conquêtes multiples et successives : Grecs, Romains, Byzantins, Turcs devenu Ottomans, Wisigoths, Musulmans, Maures etc…des Balkans jusqu’à l’Espagne…

Un peu d’histoire

En 1952, Alfred Sauvy économiste et démographe français initiait la notion de « tiers-monde« , en référence au Tiers Etat sous l’ancien Régime : « Car enfin ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers Etat, veut lui aussi être quelque chose« . C’étaient les prémices qui allaient dénoncer le colonialisme et le faire sombrer.

En avril 1954 à Colombo, afin d’accélérer la paix en Indochine, les représentants des pays anciennement colonisés : Birmanie, Ceylan, Inde, Indonésie et Pakistan ainsi que d’autres encore colonisés se réunissaient.

Le 20 juillet 1954, les accords de Genève mettaient un terme au conflit avec l’Indochine française suite à la défaite militaire française de Diên Biên Phu, conduisant ainsi à l’indépendance du Viêtnam,

En décembre 1954, nouvelle réunion à Bogor – Indonésie – au cours de laquelle les représentants décidaient d’organiser la conférence à Bandung, du 18 au 24 avril 1955.

La Conférence de Bandung des pays Afro-Asiatiques*

Léopold Sédar Senghor* alors écrivain décrit cette conférence comme une gigantesque « levée d’écrou », précipitant la fin de l’ère coloniale visant la France et la Grande Bretagne et imposant la notion de « tiers-monde« .

Mille participants, représentant vingt-neuf pays d’Afrique et d’Asie, soit un milliard deux cent cinquante millions d’habitants, rejoignaient la conférence.

« Prendre part à la création d’une zone de paix fondée sur les principes de la coexistence pacifique« , tel fut le thème général de la Conférence soutenue par :

– Soekarno, Président de la République d’Indonésie,

– Jawaharlal Nehru, Premier ministre de l’Inde,

– Zhou Enlai, Premier ministre de la République populaire de Chine,

– Gamal Abdel Nasser, Président de la République d’Egypte.

Etaient aussi invités :

  • Hocine Ait Ahmed, représentant le FLN algérien,
  • Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge,
  • Kwame Nkrumah, chef du gouvernement local de Côte de l’Or futur président de la

République du Ghana.

Extrait des minutes de la Conférence de Bandung (1955) :

«  Il n’y a plus d’Asie soumise, elle est vivante, dynamique. Nous sommes résolus à n’être d’aucune façon dominés par aucun pays du monde et nous voulons vivre libres sans recevoir d’ordres de personne. Nous attachons de l’importance à l’amitié des grandes puissances mais (…), à l’avenir, nous ne coopérerons avec elles que sur un pied d’égalité. C’est pourquoi nous élevons notre voix contre l’hégémonie et le colonialisme dont beaucoup d’entre nous ont souffert pendant longtemps. Et c’est pourquoi nous devons veiller à ce qu’aucune autre forme de domination ne nous menace. Nous voulons être amis avec l’Ouest, avec l’Est, avec tout le monde. »

En 1955, la Chine participait à cette Conférence, alors qu’en 1949 son Armée Populaire de Libération venait d’envahir les trois provinces du Tibet, la Mongolie Intérieure et le Turkestan Oriental nouvellement dénommé en mandarin Xinjiang – « nouvelle frontière » -. Trois pays bien distincts de la Chine par leurs cultures, leurs langues, leurs écritures et leurs religions.

Depuis 1949, le gouvernement central de Pékin n’a cessé de diriger d’une main de fer ses colonies, en dépit des résolutions de l’ONU.

En 1959, au Tibet colonisé, l’APL passait par les armes 87 000 Tibétains, civils et guerriers Kampas alors qu’ils s’étaient rendus pour protéger la fuite du XIVème Dalaï Lama vers l’Inde. Dans les années 60, 20% de la population tibétaine, soit un million deux cent mille Tibétains, disparaissaient des suites des différentes politiques centrales du Parti Communiste Chinois.

Tout en s’activant à faire disparaître les idées indépendantistes des Tibétains, Ouïghours et Mongols, au Tibet, au Turkestan Oriental et en Mongolie, dans le même temps, en 1958, la Chine finançait et soutenait les actions du FLN contre la France coloniale, reconnaissant dans le même temps le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne berbérophone (GPRA), aboutissant ainsi à l’indépendance en 1962.

Que reste-t-il de « l’esprit de Bandung de 1955 » qui dénonçait le colonialisme ?

Nous, défenseurs des droits fondamentaux des Peuples opprimés et de leurs droits à l’autodétermination, sommes en droit de nous poser la question.

Gardons en mémoire l’essentiel de Bandung : « …nous élevons notre voix contre l’hégémonie et le colonialisme dont beaucoup d’entre nous ont souffert pendant longtemps. Et c’est pourquoi nous devons veiller à ce qu’aucune autre forme de domination ne nous menace… »

Tibet, Mongolie Intérieure et Turkestan Oriental subissent depuis maintenant 72 ans une véritable politique ethnocide coloniale, voire un véritable apartheid de la part de Pékin.

La fuite du Dalaï Lama vers l’Inde en 1959 a permis l’établissement du Gouvernement Tibétain en exil installé à Dharamsala.

Le Tibet et le Turkestan Oriental restent des colonies trop longtemps oubliées par la communauté internationale. …?

Sous le régime actuel, l’existence même des Peuples ouïghour et tibétain est désormais menacée.

En dépit de toutes les campagnes brutales et destructives du gouvernement chinois ces populations refusent d’être subjuguées par Pékin et tentent de résister, de génération en génération, contre l’occupation chinoise.

Les nouvelles directives drastiques de Pékin brutalement appliquées sont symptomatiques d’une recrudescence des processus de colonisation. Parmi les plus récents notons la rééducation patriotique et le travail forcé à grande échelle à l’encontre des Ouïghours ainsi que la sédentarisation obligée des pasteurs du Plateau tibétain ; tout récemment, c’est l’enrôlement des Tibétains dans l’Armée Populaire de Libération aux fins de poursuivre le combat à la frontière indienne, en Himalaya. 

Pour d’autres peuples, en Afrique notamment, c’est par le développement des Routes de la Soie que Pékin poursuit ses objectifs, assimilables à la colonisation de nouveaux territoires dans le seul but de poursuivre et consolider l’ hégémonie de Pékin sur les ressources planétaires …

HongKong, mers de Chine, Taïwan, … sont-elles les irrésistibles futures conquêtes coloniales du XXIème siècle, conquêtes que l’on croyait définitivement enterrées ?

le 18 avril 2021

Pécé

Notre façon de commémorer la Conférence de Bandung

* Pays participants :

  • Quinze pays d’Asie : Afghanistan, Birmanie, Royaume du Cambodge, Ceylan, République populaire de Chine, Inde, Indonésie, Japon, Royaume du Laos, Népal, Pakistan, Philippines,  Thaïlande, République démocratique du Viêt Nam, Etat du Viêt Nam.
  • Neuf du Moyen Orient : Arabie saoudite, Égypte, Iran, Royaume d’Irak, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie et Yémen.
  • Six pays africains : Côte de l’Or (actuel Ghana), Ethiopie, Libéria, Soudan, Somalie et Libye dont une grande partie est encore colonisée.
  • Le Japon est le seul pays industrialisé à assister à la conférence. Pour l’Afrique, une délégation du FLN algérien est aussi présente ainsi que le Destour tunisien.

* Léopold Sédar Senghor : Agrégé, professeur de lettres classiques, est fait prisonnier de guerre en juin 40, interné dans divers camps, échappe à un massacre. Homme d’Etat français, député de l’Assemblée nationale française, représentant de la circonscription du Sénégal et de la Mauritanie, fonde le Bloc démocratique sénégalais en 1948, partisan d’un modèle associatif d’Union des Etats confédérés des territoires africains, secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil dans le gouvernement d’Edgar Faure, Ministre conseiller du gouvernement de Michel Debré, membre de la commission chargé d’élaborer la constitution de la Cinquième République, conseiller général du Sénégal, membre du Grand Conseil de l’Afrique occidentale française, fondateur de la fédération du Mali, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Président de la République du Sénégal, écrivain, membre de l’Académie française.

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Un commentaire

  • Jean-Louis Fullsack

    La Chine est de loin le plus gros investisseur en Afrique. En Afrique sub-saharienne ses entreprises réalisent 70% des infrastructures (routes, chemins de fer, électricité, télécommunications) qui sont financées pour la plus grande partie par des prêts de l’Eximbank of China, gagés par des terres cultivables.
    Les entreprises forestières chinoises sont responsables de 20% de déboisement dans le massif forestier du bassin du Congo, le deuxième massif forestier mondial après l’Amazonie. En outre ces entreprises sont en train de faire disparaître la plus grande forêt de bois de rose dans le sud du Sénégal et exportent illégalement les grumes via la Gambie, car ce bois est protégé.
    La quasi totalité des réalisations d’infrastructures est attribuée de gré-à-gré et non par appels d’offres. Ce qui résulte en une surfacturation entre 30 et 120% qui alimente la corruption (voir Rapport de la Banque Mondiale). Ainsi, en RD Congo, le câble à fibres optiques reliant la Station d’atterrissement de câbles sous-marins de Muanda à Kinshasa (mal) posé par un consortium chinois autour de Huawei, a coûté près de dix fois sa valeur
    réelle, selon la Commission d’enquête parlementaire de la RDC. Les réalisations dans le secteur des télécoms sont largement dominées par Huawei ; elles sont soit surdimensionnées soit non conformes aux règles d’ingénierie en vigueur. Par ailleurs -comme pour les autres infrastructures- la main d’oeuvre est essentiellement chinoise.
    Enfin, l’Union africaine (UA) a signé un Mémorandum of Understanding avec Huawei, confiant à ce géant des télécoms instrumentalisé par l’Etat-Parti chinois, l’élaboration et la définition de la stratégie de déploiement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans l’ensemble du continent pendant les cinq ans à venir. Une véritable première mondiale qui interpelle fortement quant à la souveraineté des 54 Etats membres de l’UA.

    Ancien Expert Principal de l’Union Internationale des Télécommunications, Agence spécialisée des Nations unies