La justice, encore et encore injustement mise en cause.
Deux décisions judiciaires récentes alimentent l’amertume des victimes et de leurs proches.
La première concerne un arrêt de la cour de cassation qui a rejeté le pourvoi contre une décision de non-lieu d’une juridiction d’appel au profit de l’auteur du meurtre à l’odeur antisémite d’une voisine.
La cour de cassation a fondé sa décision sur l’article 122-1 du code pénal qui dispose que « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuro psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
Elle a rappelé que « la loi ne fait pas de distinction selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ces actes ».
Et à partir de là, ce sont finalement les experts qui font et fondent la décision qui est obligatoirement motivée. C’est en fonction de leurs conclusions que les juges décident et en l’espèce, la justice n’a pas failli car tous les experts psychiatres ont conclu que l’auteur des faits, avait agi sous l’effet d’une bouffée délirante aiguë consécutive à une consommation excessive de cannabis.
Des critiques se sont élevées en soutenant que l’auteur des faits était seul responsable de son état et en rappelant que l’alcoolémie ou l’usage de stupéfiants constituent des causes d’aggravation des infractions automobiles.
L’objection est de bon sens et le chef de l’Etat a souhaité une modification de la loi sur la responsabilité pénale en cas de prise de drogue. Un nouveau texte interviendra sans doute très vite mais à ce stade de la législation française, les magistrats ne peuvent être incriminés.
La seconde est relative à la décision de la cour d’assises des mineurs de Paris dans l’attaque de policiers brûlés au cocktail Molotov.
Alors que treize personnes étaient poursuivies, huit acquittements ont été prononcées. Là encore « la justice » a été fustigée pour son indulgence et des voix se sont élevées pour incriminer les magistrats qui l’ont rendue.
Mais pas plus que précédemment ces derniers ne peuvent être accusés de bienveillance face à des faits particulièrement graves.
Il convient de rappeler ici :
- d’une part que la juridiction qui a statué était composée de trois juges professionnels seulement et de neuf citoyens tirés au sort pour en former le jury ;
- d’autre part que la sanction n’est acquise qu’à huit voix sur douze donc nécessairement à la majorité de la représentation populaire.
Il ne peut ainsi être question de bienveillance et encore moins de complicité morale des juges professionnels.
Mais en France, il est de bon ton de mettre en cause les fondements de la société, outre les juges, les forces de l’ordre, les enseignants, les élus et surtout le fisc que beaucoup voient, tel grippeminaud, le diable qui croque tout le monde, sans se préoccuper comment peuvent fonctionner tous les services de l’Etat et, de plus en plus, sa générosité sociale.
Un peu plus d’éducation civique ne ferait pas de mal.
Pierre ESPOSITO
un joint t’es relax, dix joints t’es relaxé.
Sur la forme c’est de la plaisanterie, j’en conviens ;
Sur le fond, c’est Non!
Kobili Traoré est actuellement en hôpital psychiatrique. Il est astreint à des mesures de sûreté pendant 20 ans.
Dans les hôpitaux psychiatriques pour personnes détenues, les patients ont beaucoup moins de liberté que les détenus classiques, avec notamment la contrainte du traitement, administré de force si nécessaire.
Merci à Pierre Esposito de rappeler des fondamentaux que les commentateurs patentés, faiseurs d’opinion devraient connaître et donc se garder de crier haro sur la justice. Car comme il le rappelle si opportunément, la crise des institutions se nourrit de leur mise en cause.
S’agissant de Sarah Halimi, les juges de la cour de cassation n’ont fait que dire le droit…et si le droit est mauvais il appartient au législateur de le changer.
Pour ma part je pense que le poids et le rôle des expertises doit être revu sinon on en arrive à ce que la justice ne soit pas rendue par les juges mais par les experts….
Il est donc tout à fait opportun que le président de la république ait appelé à une modification de la loi, dans le respect de la séparation des pouvoirs et en évitant la précipitation qui verrait les élus de la nation délibérer à partir de l’émotion actuelle dont il faut à tout prix s’extraire pour éviter une loi de circonstance…
Il est utile, voire indispensable de prendre la défense de la justice en rappelant que ses décisions s’appuient sur des textes de loi. Les lois, est-il besoin de le rappeler, sont l’expression de la volonté populaire puisqu’elles sont votées par la représentation nationale.
Egalement faire reposer sur les seuls magistrats une sentence qui est rendue par un jury populaire où, en nombre, les magistrats ne sont pas majoritaires est évidemment un contresens.
D’ailleurs rien n’est figé et comme le souligne l’auteur de cet article, un jugement de cette nature sera l’occasion de réfléchir sur la responsabilité pénale.
Enfin des policiers manifestent dans la rue et critiquent une décision de justice. Il ne faut pas oublier qu’ils sont eux-mêmes des collaborateurs de cette justice qu’ils dénigrent puisqu’ils établissent des procédures qui servent de base à tout procès pénal.
Critiquer les décisions de la justice ne conduit qu’à l’affaiblir. Est-ce cela que l’on veut ? En mesure-t-on les conséquences ?
Au sujet de la justice, j’ai beaucoup apprécié les propos d’Alain Bauer à C dans l’air où certains dénonçaient la clémence des magistrats. Il a dit que la justice s’appuyait sur des textes et qu’elle était particulièrement sévère au contraire; la seule chose dramatique est qu’elle est bien trop lente et on sait pourquoi!
Comme vous, M. Vallet, j’ai entendu ces propos d’Alain Bauer. Comme vous, je partage l’opinion de ce grand spécialiste de la sécurité. Le fait que la justice soit lente, très lente, trop lente, conduit à un décalage entre les faits et la sanction. Ainsi il n’y a plus de corrélation et l’aspect dissuasif, voire son exemplarité, perd en efficacité. La justice par ses décision possède également une mission éducative.
France Info – 24 avril 2021
L’un des plus hauts magistrats français sort de sa réserve. François Molins a vigoureusement rejeté, samedi 24 avril, le procès en « laxisme » fait à la justice. Le procureur général près la Cour de cassation a réagi dans une interview au Monde face à la polémique suscitée par la décision de déclarer pénalement irresponsable le meurtrier de la sexagénaire juive Sarah Halimi.
« Evidemment que la justice ne délivre aucun permis de tuer ! », a-t-il lancé. Pour lui, assimiler cette décision, prise « conformément à la règle de droit », à « un permis de tuer les juifs en France est insupportable ».
« Rien ne permet d’affirmer de façon générale et sans nuance que la justice serait laxiste. »
François Molins, procureur général près la Cour de cassation dans un entretien au « Monde ».
La Cour de cassation a entériné, mi-avril, le caractère antisémite de ce crime, commis en 2017 à Paris, mais elle a confirmé l’impossibilité d’organiser un procès du meurtrier, grand consommateur de cannabis, compte tenu de l’abolition de son discernement lors des faits. Selon les sept experts psychiatriques qui l’ont examiné, Kobili Traoré était en proie à une « bouffée délirante » lorsqu’il a tué sa voisine de 65 ans, Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi.
« L’émotion suscitée par cette décision révèle sans doute que la loi n’est pas adaptée », a reconnu François Molins, tout en mettant en garde le Parlement contre la tentation de « légiférer dans l’urgence et sous le coup de l’émotion ».
Le magistrat s’est également élevé contre le « raccourci erroné », selon lequel la consommation de stupéfiants du meurtrier serait la cause de son irresponsabilité pénale. « C’est l’abolition du discernement lors du passage à l’acte et elle seule, qui induit l’irresponsabilité pénale », a insisté François Molins. « Or, toute personne qui consomme de l’alcool ou du cannabis n’a pas une bouffée délirante et ne voit pas son discernement aboli. »
L’amalgame entre ces deux faits est déplacé. Dans le premier cas il s’agit d’une vieille dame torturée et tuée pour des raisons antisémites clairement démontrées. L’assassin assumait ces idées de manière avérée et s’est jeté sur sa victime en criant Allah Akbar!. Ce crime qui ne sera pas puni car son exécuteur avait pris des stupéfiants ne touche pas seulement la communauté juive comme l’a dit Julien Bayou (porte parole EELV), dans un premier temps, il touche les français dans leur ensemble. Dans ce sens le travail de mémoire entrepris à Gurs est indispensable. Car même si l’histoire ne se répète pas nous ne devrions pas oublier les leçons du passé. C’est aussi un attentat à la vieillesse que la drogue aura blanchi.
Comme le dit Luc Ferry: «Sarah Halimi et le chichon de l’impunité».