Le Tour de France de Christian Laborde

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Le Tour de France est désormais vilipendé par les mêmes qui vouent aux gémonies les arbres de Noël, la navigation à voile, l’aviation légère, la culture (parce que trop chère), et les rêves d’enfants en général… Ils reprochent au Tour d’être trop polluant et aussi sexiste. Ainsi la cérémonie du podium et du bouquet offert par des belles ne sera plus ce cadeau fait aux « géants de la route » ; un rituel populaire qui aura disparu. Populaire c’est au fond ce que ces fâcheux reprochent au Tour, en oubliant que sa fonction première est de donner du bonheur aux gens. Bien sûr, le Tour coûte cher mais il rapporte beaucoup en notoriété et en retombées économiques.

La manifestation sportive la plus médiatisée au monde, mêle toutes les générations et toutes les classes sociales dans une même ferveur de bords de routes. Dans le moment que nous traversons, nous voyons que l’homme est un animal social et combien il est important de se presser, s’embrasser, communier, en fait, dans la même foi : L’effort, l’héroïsme, le don de soi. Cela nous frustre de ne pas le faire. Car nous ne sommes pas seulement ces producteurs/consommateurs auxquels nous a réduit la conjoncture.

Heureusement, Pau, n’a jamais lâché le Tour. Ville phare de la compétition, elle l’a célébrée par ce monument circulaire consacré aux vainqueurs de la Grande Boucle, situé au pied du Boulevard des Pyrénées, à un jet de pierre de la gare. Lieu idoine car les Pyrénées sont là, menaçants à l’horizon, et feront la différence entre les champions.    

L’écrivain palois Christian Laborde avec brio décrit les exploits de ces champions dans ses écrits et ses chroniques du Figaro ont un succès renouvelé dans le Figaro. Cet ancien proche du sulfureux  Edern Hallier (ex Idiot International) use (et abuse parfois) du pamphlet, il est aussi poète et comme son ami, le regretté Claude Nougaro, il fait sonner les mots et n’hésite pas à monter sur scène pour les dire, comme il monte sur son vélo. Bref il s’inscrit dans la lignée des bardes du Tour comme le furent Blondin, Cormier, Freddy Thomelin et tant d’autres pointures, car le journalisme sportif est un genre à part entière, un peu trop méprisé par les intellos.

Laborde vient donc de publier aux Editions du Rocher, « Le Tour de France », qui est une sorte de dictionnaire original de l’épreuve qui stimule nos mémoires ravivant les souvenirs. Il en est ainsi du « Coup de Pau » qui évoque les malheurs de Bernard Hinault le 26 juin 1980 (déjà !). Le blaireau abandonne dans des circonstances rocambolesques avec la complicité de son coéquipier bigourdan Hubert Arbés (et de son épouse). On voit alors comment le rusé, Bernard, souvent peu amène, échappe à la presse : « C’est dans son canapé, le magazine « Cheval » à la main, que Bernard Hinault assiste à la victoire de Joop Zoetemelk dans ce 67ème Tour » .    

Ainsi, dans la rubrique Pyrénées, sous la plume de Laborde : « En juillet, dans les Pyrénées, le grimpeur met « le feu » aux pentes et se fraie « un passage » parmi un public qui compte dans ses rangs, à deux ou trois bornes du sommet, une « princesse » en maillot, coiffée d’un chapeau de paille ».

Cette anecdote aussi concernant Lourdes et une visite des coureurs à la « grotte de Massabielle » en 1948. Monseigneur Théas l’évêque de Lourdes (« Juste parmi les nations ») s’adresse à eux : « Messieurs les coureurs dans la compétition, comme dans la vie, songez à vous élever toujours plus haut, toujours plus haut ».  Et Raoul Rémy de souffler à l’oreille de Paul Néri : « tu vois même dans leurs discours, il n’y en a que pour les grimpeurs ».

A toutes ces belles anecdotes contées par Laborde, on pourrait en ajouter une autre : le 19 juillet 1939, la 9ème étape du Tour de France passe devant le camp de Gurs. Le futur vainqueur, René Vietto, lève le poing pour saluer les internés, groupés derrière les barbelés, qui déploient une grande banderole : « Les forçats de la terre saluent les forçats de la route ».

Pierre-Michel Vidal

« Le tour de France ». Christian Laborde. « Le Rocher Poche », 8 euros 90.

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6 commentaires

  • Personnellement, j’aurais été triste d’avoir un fils qui rêve de tour de France. C’est la quintessence de la triche. La compétition,ici,c’est tuer l’autre symboliquement quoiqu’il en coûte. La compétition, en général, met l’exploit devant tout. A ce sujet, on pourrait parler de l’état de l’Himalaya… puisqu’on parle de montagne. Il ne suffit pas de la gravir pour l’aimer. L’amour du sport met en oeuvre le respect pour l’homme et pour la nature.

  • Je pense que l’auteur de l’article mis en lien ne me tiendra pas rigueur de déterrer une vision du tour de France qui n’est pas le prétexte à clivages :
    https://alternatives-pyrenees.com/2018/08/01/sur-le-bord-de-la-route-du-tour-de-france/

    • Aucune rigueur bien évidemment d’autant que je ne renie rien de ce que j’ai écrit ce 1 août 2018.

  • « les mêmes qui vouent aux gémonies les arbres de noël, la navigation à voile, l’aviation légère, la culture (parce que trop chère), et les rêves d’enfants en général »

    Attribuer tous ces jugements aux mêmes c’est faire un amalgame qui n’est pas sérieux et montre un parti pris dès le début du texte.
    Les mâts des navires modernes ne sont même pas en bois mais en acier, en aluminium ou fibre de carbone! Rien à voir donc avec l’arbre de Noël!!!!

    Quant au Tour de France, reconnaissez que c’est un spectacle où le fric est roi, où les « stimulants »! imprègnent tous les participants.
    Soyez sérieux, il n’est pas possible, physiologiquement parlant, de faire tous ces efforts, même entrainé (plusieurs cols par jour!) sans un « accompagnement » préalable. Rien que cet aspect est un très mauvais exemple pour les jeunes, pour leur santé et pour la gloire du sport!

    « sa fonction première est de donner du bonheur aux gens. Bien sûr, le Tour coûte cher mais il rapporte beaucoup en notoriété et en retombées économiques. »

    Sous votre plume je n’ai trouvé qu’une fois le terme de « manifestation sportive », la preuve sans doute que les vertus du sport ne sont pas à l’ordre du jour des préoccupations des gens et des organisateurs; les retombées économiques, comme vous le dîtes , sont prioritaires!

    En ce qui me concerne, mon bonheur n’est pas dans les hurlements de la caravane et des cadeaux publicitaires, des gestes dangereux des spectateurs délirants, ni la respiration des échappements des motos et voitures,ni le passage en quelques minutes d’une cinquantaine de têtes baissées, mais la vision somptueuse, dans le calme, de la montagne environnante, ses chants, ses clochettes, ses vols, ses lacs…ses fleurs d’une intense coloration qui s’ouvrent au printemps…le cri de la marmotte, le gypaète, la Marie Blanque ou le vautour fauve qui nous débarrasse des carcasses polluantes…
    et de l’air pur que l’on peut respirer à pleins poumons!

    • Pierre-Michel Vidal

      Chacun ses choix. Un peu de tolérance. Le gypaète et la marmotte n’appartiennent à personne en propre c’est ce qui fait leur charme. Je goûte leurs présences comme vous mais je n’affecte pas votre misanthropie (j’exècre le racisme anti-social d’ailleurs) ainsi j’apprécie aussi les joies collectives des « manifestations sportives ». Les cris des supporters n’ont rien de « délirants », ce sont des manifestations d’enthousiasme et de joie. Réjouissons-nous de ces moments de bonheur. Jouissons-en, car comme vous ne cesser de le prêcher, ils seront sans lendemain…
      Enfin, le mat de mon 420 est en bois. Il en est de même de mon vieux canoë d’indien. Ils ont nourrit mes rêves d’enfants au pied du sapin. Est-ce pêché ?

      • « Le gypaète et la marmotte n’appartiennent à personne en propre »
        Ils appartiennent à tous, donc au bien commun. Les préserver c’est permettre de continuer longtemps la manifestation des « joies collectives » que vous appréciez comme moi d’ailleurs.

        « je n’affecte pas votre misanthropie »
        Si vous avez présent à l’esprit tous mes textes où je ne fais que défendre les atteintes au genre humain par la politique ultralibérale triomphante, vous ne devriez pas écrire ce jugement en vous permettant même d’évoquer mon racisme antisocial!!!!!
        Il faut lire complètement les textes pour se faire une opinion la plus objective possible.
        Je prétends que reconnaître qu’un spectacle où le fric est roi, où les «stimulants» imprègnent tous les participants, pour devenir le premier de cordée, ce n’est pas de la misanthropie, c’est au contraire une défense de la santé morale et physique de ces hommes.

        « Les cris des supporters n’ont rien de « délirants » »
        Traverser la route en hurlant ou suivre et pousser les coureurs en risquant des accidents graves , qui ont eu lieu d’ailleurs, c’est vraiment de l’enthousiasme et de joie proches du délire!

        « Est-ce pêché ? »
        Il n’est pas question d’aller réciter des « Avé » et des « Pater »pour être pardonné; c’est le passé; il est question par contre d’une lutte contre la déforestation dramatique depuis quelques années.
        L’Europe est selon un rapport dévoilé par le WWF le « deuxième destructeur mondial de forêts tropicales derrière la Chine et devant les États-Unis ». L’explication est simple : les importations de l’UE représentent 16 % de la déforestation liée au commerce mondial.