Un nouveau lexique chinois versus Xi Jinping !
A Pau… » nous avons pointé la présence malsaine de cet Institut (Confucius) au centre de la » Capitale Humaine » « .
Ce commentaire du 3 mai 2021 par Pierre-Michel Vidal, nous a interpellés et incités à repérer les nouvelles formulations que les internautes chinois imaginent afin d’échanger sur leurs réseaux sociaux étroitement surveillés.
Dans une volonté de faire taire toute contestation, le PCC oblige à bannir des publications, et ce depuis de nombreuses années, un nombre impressionnant de formules (1) : chiffres, mots, expressions, noms de personnalités ou de lieux qui seraient autant de référence à des événements dont Pékin fait toujours l’impasse, puisque trop connotés dans un passé récent.
Dans le domaine purement historique, il est politiquement incorrect d’utiliser certains chiffres et certains noms, pouvant rappeler de funestes événements. Les adhérents de l’Institut Confucius qui souhaiteraient se cultiver pourraient ainsi demander à leurs « professeurs » certains éclaircissements en espérant que le terme « histoire (2)« ne soit pas lui-même considéré comme « subversif » par le superviseur Hanban.
Voici donc quelques exemples de chiffres à éviter absolument en Chine:
« 4-6 » rappellent le sinistre « 4 juin » : massacre de Tiananmen, tout comme « 89 » qui ne peut qu’évoquer Tiananmen …voire la Révolution française !
« 709 » : la vague de répression du 9 juillet 2015 à travers toute la Chine ; de même « 9 juillet ou 9/7″ : la répression visant 200 avocats, défenseurs des droits fondamentaux. D’abord incarcérés, la plupart furent libérés après quelques semaines de détention ; depuis, arrêtés les uns après les autres, comme dans une partie de jeu de go.
Beaucoup ont perdu leur licence d’avocat, d’autres ont sagement et préventivement renoncé à exercer leur fonction, compte tenu des tortures et des humiliations subies en détention, dans l’absolu silence de nos démocraties.
« 1984« , « la Ferme des animaux » : référence au roman de Georges Orwell, publié en 1949, critique du stalinisme et du nazisme, idéologies totalitaires faisant fi de la liberté d’expression et surveillant tout un chacun dans ses faits et gestes, voire ses pensées.
Des noms de lieux ou de personnalités n’échappent pas à la vigilance de 200 000 agents affectés à la surveillance des réseaux chinois :
« Tiananmen » et son « tank man » ou « l’homme de Tiananmen » : rendus tristement célèbres par la photo qui fit le tour du monde, photo absolument interdite en Chine.
« Dalaï Lama » : symbole absolu pour les Tibétains et donc, « indépendance du Tibet » tout aussi dangereux.
« Liu » : rappelle Liu Xiaobo, prix Nobel de la Paix 2010, arrêté en 2010, « assassiné » en prison en 2017.
« Zhao », « zzy » : Zhao Ziyang, ancien Secrétaire Général du PCC, soutien des manifestants de Tiananmen. Son autobiographie est aussi censurée.
« TTT » : une règle quasi absolue : à bannir, puisque symbole de « Tiananmen, Taïwan Tibet ».
Un vocabulaire qui pourrait paraître ordinaire réserve aussi son lot de mauvaises surprises :
« go Hongkong » : soutien aux pro-démocrates de Hongkong.
« jasmin » : « révolution de Jasmin le printemps arabe à Tunis.
« persécution » : référence aux minorités opprimées, tibétaine, ouïghoure, mongole ainsi qu’aux défenseurs des droits qu’ils soient enseignants, journalistes arrêtés, avocats…etc
« blagues soviétiques » : se moquer de l’Union soviétique revient à se moquer du communisme.
« dictature » : pourrait sous-entendre que la Chine est une dictature ; idem pour « Laogaï », camps de rééducation, secret d’Etat ; révélation passible de peine de mort.
« Deauville » : le festival annuel français du film asiatique, mal perçu par les autorités puisqu’il aborde de très larges problématiques sur la Chine.
« millions » -en idéogramme – symbole de la pratique de Falun Gong.
« aphrodisiaque » : la pornographie, bien sûr interdite.
« Armagedon » : pour catastrophe, suivant le moment et les humeurs du PCC !
« tsunami » – « nécrologie » : référence aux morts du Covid19.
« Winnie l’ourson« , « roi autoproclamé » , « je m’oppose« , « Disney« , « baozi » , « sosie » : tous ces termes concernent évidement Xi Jinping.
« Misérables » : la chanson de Michel Sardou (1980) (3) inspirée du roman de Victor Hugo, hymne des pro-démocrates de Hong Kong en 2019 (4) et 2020.
« Big River, Big sea 1949 » : recueil de nouvelles sur la guerre civile chinoise de 1927 à 1950.
« féministes (5) » mouvements féministes : rejet du mariage, de la procréation, remise en question de la gouvernance du PCC sur la natalité, le mariage et la stabilité de la famille.
» 6B4T » : mouvement féministe sud-coréen, « 6B » signifie : « pas de mari, pas d’enfants, pas de petit ami, pas de partenaire sexuel masculin, pas d’achat de produits hostiles aux femmes célibataires« . « 4T » signifie « le rejet des corsets, de la religion, des idoles … »
Nous sommes aussi curieux de savoir ce qu’il en est des références aux dissidents les plus connus ? :
« Hu » : Hu Yaobang, réformateur, ancien Secrétaire Général du Parti Communiste Chinois : auteur de « Auto critique de la politique chinoise au Tibet« . Mémorable tournée d’inspection au Tibet, du 22 au 31 mai 1980 : » Mais qu’avez-vous fait au Tibet, ceci c’est du colonialisme à l’état pur« . Malheureusement décédé d’une « crise cardiaque » le 15 avril 1989, le premier jour des manifestations de Tiananmen.
« Wen » : Wen Jiabao ancien premier ministre réformiste, surnommé par les médias nationaux et étrangers : « premier ministre du peuple« .
« Wei » : Wei Jingsheng le fameux dissident réfugié aux Etats-Unis, déclarait en 1998 que « les politiciens occidentaux renoncent à leurs principes pour gagner le marché chinois« , c’est aussi ce que disaient les responsables communistes : » les démocraties n’ont que faire des droits de l’homme ». Ne le constatons-nous pas là, encore et encore ?
« Rebel Pepper » : alias Wang Liming, talentueux caricaturiste réfugié en Occident.
« L.R.F » ou « Harry » : Laogaï Reasearch Foundation et son président Harry Wu devenu citoyen américain ayant recensé un grand nombre de camps de rééducation et de travaux forcés ainsi que leurs productions destinées à l’export. Voulant entrer en Chine en 1995, pour une troisième fois par un poste frontière au Xinjiang, il fut arrêté et condamné à mort « pour avoir dévoilé des secrets d’Etat dont les prélèvements d’organes sur les condamnés à mort« . Libéré presque aussitôt en raison de pressions internationales.
L’observateur français ne peut-être qu’admiratif devant tant d’inventivité pour contourner l’interdit.
En conclusion, l’Institut Confucius qui se fait une spécialité de l’enseignement des subtilités de la langue et de la culture chinoises, pourrait-il : « pourquoi pas, par exemple, organiser un débat contradictoire sur la démocratie ? Ou la liberté en Chine ? », comme le suggère Pierre-Michel Vidal que nous remercions pour son analyse.
PéCé pour France-Tibet le 08 mai 2021
Illustration : Wang Liming alias Rebel Pepper 28 avril 2021
(1) 236 mots interdits :
https://chinadigitaltimes.net/2018/02/sensitive-words-emperor-xi-jinping-ascend-throne/
(2) A Hong Kong, il suffit d’appuyer sur la touche « effacer » pour réécrire l’histoire. Chronique de Pierre Haski du 05/05/2021 :
https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-05-mai-2021
(3) Un certain jeudi 13 août 1942 :
Hong Kong Protesters sing Les Misérables « do you hear the people sing«
(4) Aéroport de Hong Kong le 10 août 2019 :
J’avais oublié dans ce lexique : « chaise vide » ou « Kong Yisi » en chinois pour ne parler que de LIU XIAOBO Prix Nobel de la Paix 2010, assassiné dans une prison chinoise en 2017, qui n’a pas pu aller chercher son prix à Oslo comme l’allemand Karl Von Ossietzky , prix Nobel de la paix 1935, assassiné en prison en 1937 qui dénoncait la politique de réarmement de l’Allemagne .