Tristes spectacles.

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L’actualité politique nous offre de ces spectacles qu’on aimerait bien ne pas connaître. La proximité des élections, qu’elles soient régionales, départementales et même présidentielle ou législatives, donne l’occasion aux politiques de montrer ce qu’ils sont réellement : des candidats sans idéal, sans véritable conviction. Ce qui importe c’est d’être élu même si l’on doit en passer par des arrangements et des menaces.

Certaines échéances électorales comme les départementales et les régionales sont très proches. Actuellement dans la région PACA (Provence Alpes Côte d’Azur), un certain Renaud Muselier, candidat et encarté LR (Les Républicains), président sortant de cette collectivité territoriale, se sentant menacé par un parti d’extrême droite, cherche des alliances. Pour arriver à ses fins, il sollicite le Premier ministre qui est, en théorie, le chef de la majorité présidentielle, afin d’obtenir que, sur sa liste, puissent figurer des membres du parti LREM (La République en Marche). Il dit lui que c’est le premier ministre qui lui a proposé cette alliance (Il y en a forcément un qui ment, mais nous sommes habitués, nous les citoyens). Aussitôt certains membres du parti LR, parti de Muselier, rappelons-le, crient au scandale car ils estiment qu’il s’agit d’une trahison. Pour eux le parti présidentiel est l’ennemi à abattre et cette alliance est contre nature. Ces affirmations, notons le bien, sont aussi péremptoires que dénuées d’arguments ; c’est comme ça, c’est l’ennemi, donc pas d’alliance possible ! Et ainsi démarre ce nous aimons bien nous les Français un échange entre des politiques qui veulent nous faire croire qu’ils agissent dans l’intérêt général. Les électeurs, dont je suis, n’y comprennent rien. D’autant plus que cette alliance n’apporte aucune modification aux sondages, le parti d’extrême droite reste en tête. Néanmoins devant ce déferlement de haine entre partis on peut s’interroger pour savoir si, dans l’hypothèse où le scrutin n’avait pas été à la proportionnelle, on aurait assisté à ce même triste spectacle.

Autre événement tout aussi significatif de la « grandeur » de nos politiques. Dans la nuit de lundi à mardi 11 mai, les députés ont rejeté un projet de loi présenté par le gouvernement. Ce projet concernait la sortie progressive de l’état d’urgence et le « passe sanitaire (1)». Contrairement à toute attente, le MoDem (Mouvement Démocratique, parti de François Bayrou) se désolidarisait du LREM (parti du président) et était à l’origine du rejet. Plus tard, le Premier ministre chercha un accord et proposa une nouvelle délibération à l’issue de laquelle le projet fut enfin adopté. Comment comprendre l’attitude du MoDem dans cette affaire. L’argument selon lequel le texte était flou, est pour le moins peu crédible, d’autant que les 45 députés du MoDem et les 9 apparentés ont voté d’un même élan. Alors rappelons qu’actuellement François Bayrou qui n’est pas député, mais président du MoDem est en froid avec le président de la République. Il n’a pas été entendu lorsqu’il a proposé un scrutin proportionnel pour les prochaines législatives et il n’a pas été davantage écouté lorsqu’il a proposé le report des élections régionales et départementales. Il se sent blessé dans son ego et trouve là le moyen de se rappeler au bon souvenir de certains en faisant comprendre qu’il existe. Cela tombe dans une période pré-électorale et est de nature à influer sur le jeu des alliances.

Parce qu’il est bien là le problème : le jeu des alliances entre partis politiques. Nous sommes à une période où se constituent les listes électorales des régionales à la proportionnelle et des départementales au scrutin majoritaire. Tandis que toutes les listes ne sont pas constituées, certains poids lourds, parmi les sortants, n’ont pas l’assurance d’être réélus. N’oublions pas non plus que l’élection présidentielle et les élections législatives se dérouleront dans un an. Actuellement se négocient les investitures. Lors des dernières législatives, dans certains endroits, comme Pau par exemple, les candidats MoDem n’avaient pas trouvé en face d’eux de candidats LREM. Une alliance avait été conclue. On peut penser que par ce refus de voter un projet de loi, le MoDem de François Bayrou cherche à éviter qu’on l’oublie et donne un coup de semonce. Une analyse partagée par de nombreux commentateurs de presse (2).

Ainsi va la politique dans notre pays où l’intérêt général est largement oublié au profit d’intérêts électoraux. Le spectacle que nous offrent ces politiques est non seulement bien triste mais encore lamentable. C’est aussi, s’il en était besoin, l’occasion de souligner les dangers de la proportionnelle en faveur de laquelle plaide sans relâche François Bayrou. Celle-ci favorise le jeu des alliances et des ententes d’arrière boutique qui ne reposent pas sur des convictions mais qui ont pour objet essentiel de draguer des électeurs. Où sont donc passées les idéologies politiques ?

Pau, le 17 mai 2021

par Joël Braud

(1) Passe plutôt que pass.

(2) Sud Ouest du 13/05/2021. Article « Le temps de la fronde au MoDem » par Bruno Dive.

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3 commentaires

  • Le problème, même au niveau local, lorsqu’on « fréquente » certains élus et qu’on a droit aux « off », on s’aperçoit qu’il y a un gros décalage entre ce qu’ils disent « en privé » et ce qu’ils déclarent dans les médias. La plupart des journalistes « institutionnels » le savent mais ne disent rien et à l’arrivée les électeurs sont pris pour des … L’électeur est vu par certains uniquement comme le moyen d’asseoir leurs ambitions personnelles, d’obtenir un mandat leur donnant des avantages financiers et autres … Il s’agit là d’une minorité, certes, mais c’est la plus visible (forcément). Oui le taux d’abstention est de plus en plus haut et le jour ou les abstentionnistes non entendus décideront de renverser la table alors le cataclysme annoncé deviendra réalité.

  • Pierre-Michel Vidal

    Même si nous avons beaucoup de réticences sur nos hommes politiques, nous avons la chance de vivre dans une démocratie ce qui est un privilège dans le monde d’aujourd’hui. Ne l’oublions pas. Par ailleurs, s’en prendre à François Bayrou de manière systématique me semble inique. Il a été élu démocratiquement et ses réalisations et ses idées ne sont pas toutes condamnables. Il en est de même de Macron. Mesurons nos critiques, qu’elles ne soient pas systématiques. Que voulons-nous ? Marine Le Pen? Mélenchon? « Ce quarteron de généraux en pantoufles » qui vient de publier une tribune dans la presse? Le pays irait-il mieux avec ceux-là aux commandes? Le monde est à l’intolérance essayons de garder la mesure.

  • Michel LACANETTE.

    Avec de telles situations l’ abstention a de beaux jours devant elle. Une fois de plus, on est parti la fleur au canon pour avoir des Elus qui seront élus à la majorité avec 20% ou moins de voix exprimées.
    Quand nos hommes politiques ouvriront’ ils les yeux et auront du courage? Faudra t’il qu’ il soit trop tard pour se rendre compte qu’ ils sont en train d’ assassiner la démocratie qu’ ils adjurent de défendre la main sur le coeur.