Le calvaire de Betharram
Puisque la vie nouvelle nous le permet, que nous pouvons en partie retrouver nos libertés sans prendre un excès de risques, où les faire prendre à autrui, puisque la vie politique déclenche des passions excessives, pourquoi ne pas sortir des sentiers battus et découvrir notre « Béarn profond » en ce qu’il a de plus original ? C’est le cas de cet extraordinaire ensemble dont la restauration est largement entamée et qui est désormais pour partie rénové : le calvaire de Bétharram. Un monument qui se situe à côté du fameux collège qui a abrité tant de « fortes têtes », à la limite de la Bigorre et du Béarn (côté Pyrénées Atlantiques), proche du Gave et qui prend son départ dès la sortie du sanctuaire, magnifique exemple du baroque Pyrénéen que le photographe Michel Dieuzaide a su capter dans plusieurs de ses livres indispensables aux amateurs.
Le « Calvaire » est une sorte de parcours qui serpente au-dessus du Gave offrant au marcheur des paysages superbes sur la chaîne encore brillante de neiges éternelles. Mais c’est l’ampleur de l’ensemble ; son originalité qui séduit le promeneur. Porté par son caractère sacré, le monument s’adresse à tous, car personne, croyant ou non, amateur d’art ou pas, ne peut rester insensible à la majesté de ces quinze édifices, des chapelles en fait, représentant les ultimes moments du Christ, ses souffrances et sa rédemption. Les stations, dans leur ensemble, sont classées Monuments Historiques depuis 2002.
Le site internet local de la commune de Lestelle Bétharram http://www.lestelle-betharram.fr/betharram-histoire/patrimoine/le-calvaire , présente ainsi les quinze stations du « Calvaire »: 1ère station: Le Jardin des Oliviers, 2e station : Judas, 3e station : Le Tribunal de Caïphe, 4e station : La Flagellation, 5e station : Livré à l’amusement d’un corps de garde, 6e station : Ecce homo. Voici l’homme, 7e station : Sous Ponce Pilate, 8e station : La mère de Jésus était là, 9e station : Un groupe de femmes passait, 10e station : La crucifixion, 11e station : Mort sur la croix, 12e station : Descendu de la croix, 13e station : La Mère des douleur, 14e station : La mise au tombeau, 15e station : Ressuscité des morts. « l’ensemble fait de quinze chapelles étagées sur la colline, a été conçu entre 1867 et 1873 par un architecte de 25 ans, le Père Basilide Bourdenne, aidé d’un dessinateur remarquable, le Frère Joseph Pujo et d’un sculpteur-décorateur de Pau, Joseph Delcour.
Il est intéressant que d’ajouter que le frère d’Auguste Renoir, le sculpteur Alexandre Renoir, participa à l’édification de cet ensemble et son travail qui dura plusieurs années, très marqué par le style pictural de cette fin du XIXème, est particulièrement saisissant. Il mêle à une note symboliste, une certaine grâce, une naïveté touchante. Huit oratoires abritent ses bas-reliefs. Des œuvres de Butay, peintre palois, ornent les dernières chapelles.
C’est au fond une œuvre hétéroclite, marginale qui évoque la naissance d’un courant nouveau, artisanal, une iconographie délibérément populaire et réaliste, réalisée avec les « moyens du bord » et les compétences locales, n’obéissant à aucunes règles établies, qui s’inscrit à rebours de toutes les avancées artistiques ou technique de l’époque. Un monument qui s’inspire du passé par ses décorations, ses volumes et ses thèmes, mais qui n’est pas le passé. Il a donc un côté énigmatique dans son ampleur, ses matériaux, ses ornements extérieurs et la simplicité de l’intérieur de chacune de ces chapelles rappelant le supplice du Christ.
Le calvaire de Betharram (« le beau rameau » selon la légende miraculeuse) aurait pu disparaître sous les tempêtes ou rongé pat l’humidité. Il était en piteux état, d’ailleurs, encore récemment, et ces chapelles mystérieuses faisaient peine à voir pour le curieux qui pressentait la disparition des chapelles envahies par les frondaisons ; minées par les eaux qui ne cessent de couler de la montagne dans cet endroit pluvieux. Comment les sauver ? L’ampleur de l’ouvrage semblait le principal obstacle et la cause perdue..
Comme une sorte de miracle, succédant aux efforts de la commune et à ceux de la communauté du Pays de Nay, apportant de premières contributions, la Fondation du patrimoine avec Stéphane Bern à sa tête a entrepris la restauration de l’ensemble -tranches par tranches- et en a ainsi, probablement, évité une dégradation définitive. https://soutenir.fondation-patrimoine.org/projects/chemin-de-croix-de-lestelle-betharram-fr : La première tranche des travaux concerne la restauration des quatre stations de départ et du cheminement pédestre. Il est aussi prévu le nettoyage des abords (élagage,…), des canaux naturels des écoulements des eaux pluviales, des couvertures ainsi qu’un remplacement de l’ensemble des zingueries. L’ensemble des éléments décoratifs : peintures, sculptures, vitraux, bas–reliefs, voûtes, grilles, vont nécessiter un traitement particulier, pour certains une dépose en atelier, pour une restauration, remise en peinture et ajout des protections, traitement anti-corrosion et décapage. La Communauté de Communes du Pays de Nay est maître d’ouvrage de l’opération par délégation de la commune de Lestelle Bétharram ».
Ainsi les premières stations sont entièrement rénovées et on peut admirer les œuvres -des bas-reliefs- d’Alexandre Renoir dans toute leur beauté spirituelle. On peut désormais gravir lentement le long chemin escarpé, sans être gêné par les éboulis ou les troncs couchés par les tempêtes et admirer chaque élément de l’ensemble qui sont à la fois différends chacun mais cohérents aussi car on y retrouve une facture, un style où se mêlent naïveté et ambition avec un résultat inattendu qui vaut le détour, car il sort des sentiers battus.
Il y a, dans notre quotidien, tant de motifs de déceptions ou de colères, on trouve là motif d’espérance : notre patrimoine artistique, même méconnu, n’est pas abandonné. On doit ces efforts à la Fondation du Patrimoine dirigée avec passion par Stéphane Bern, relayée par les élus locaux (la commune et la communauté du pays de Nay). C’est le legs que nous laisserons aux générations futures et le souhait de ces hommes qui patiemment, avec les moyens dérisoires de l’époque, bâtirent cette œuvre peu banale pour qu’elle dure le plus longtemps possible.
Pierre-Michel Vidal
Le cimetière des Pères de Betharram situé en haut du Calvaire derrière les 3 croix de la 13ieme station, associe l’oeuvre d’art des 14 stations du Calvaire aux vies de ces hommes données pour Dieu et pour leurs frères. Ce lieu où une nature, presque jungle, on pense aux temples d’Angkor et aux missions asiatiques des Betharramites, qui accueille ces 15 temples minéraux et où reposent tous ces hommes qui ont vécu pour Dieu constitue sinon le, tout au moins un lieu majeur de la spiritualité du Béarn.
Il faut préciser que la municipalité de Lestelle Bétharram a acquis le Calvaire il y a 5 ans. Elle est donc à l’origine de ces travaux qui se poursuivent et qui sont financés pour partie par la Drac, le Conseil Départemental, le Conseil Régional et la communauté de communes du pays de Nay. Les amis de Bétharram contribuent eux aussi à cet effort. Stéphane Bern a eu le mérite de l’inscrire sur sa liste des 10 monuments Aquitains à rénover et l’a fait ainsi mieux connaître.
A noter enfin qu’une station du Calvaire est consacrée à Marie Madeleine, en ce sens aussi, il est unique.