«Les thuriféraires de la technique» s’imaginent sauver le monde !

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Jean qui rit, Bruno Le Maire, était sur France Inter jeudi matin. Tout va pour le mieux, les vaccinations s’intensifient, le nombre de malades diminue, l’économie repart vite et fort (5% de croissance), les bas de laine se vident, les français consomment, la confiance des entrepreneurs est au plus haut, les nouvelles technologies vont s’intensifier et résoudre bien des problèmes…

Jean qui pleure n’est pas souvent consulté. Les variants nouveaux apparaissent, inquiétants parfois, la pollution repart, le chômage sans doute, les maladies liées à l’hyperconsommation, la malbouffe, l’addiction, l’individualisme, aussi ; la hausse climatique ne sera pas enrayée car les mesures ne sont pas prises, d’autres pandémies sont à prévoir, les nouvelles technologies, catastrophe écologique, vont créer plein de problèmes ….; qui devra subir les contrecoups de la dette ?

On nous vend l’idée que les technologies sont capables d’intégrer le risque. Non seulement de l’intégrer, mais d’y répondre. Voyons ce qu’en pensent certains.

«Chaque fois qu’une nouvelle possibilité technologique se présente, ce sont deux logiques, presque deux métaphysiques, qui s’affrontent : l’une se réduit au calcul comparatif des coûts et des bénéfices (c’est celle des opérateurs, incités à innover pour être compétitifs) ; l’autre, attentive aux dommages que pourrait provoquer une telle réduction, cherche à reconstruire une approche du monde où la rationalité, comprise comme ce qui est raisonnable, imposerait des limites aux conclusions des calculs pour prendre en compte d’autres considérations, plus éthiques, plus qualitatives ou plus indirectes.» France culture.

«Nous considérons toujours la technologie comme une sorte de magie qui va nous sauver de tout. »

« Penser la technologie comme LA solution, c’est oublier la question sociale, la question politique. Et même la question écologique. Beaucoup d’entreprises, de décideurs, poussent en direction de la géoingénierie pour ne pas affronter les causes du changement climatique. La technologie, c’est comme une sorte de voile idéologique que l’on vient jeter sur quelque chose qui bouillonne et qu’on ne veut pas voir. Et ce quelque chose, c’est la société elle-même. » Frédéric Neyrat.

L’ingénieur Philippe Bihouix, publie «Le Bonheur était pour demain» (Seuil, 2019). Ces rêveries d’un ingénieur solitaire reviennent sur une promesse devenue croyance politique, d’un progrès qui sauverait l’humanité en repoussant les limites du possible, par des technologies capables de corriger les erreurs humaines et d’inventer un monde de bonheur pour tous.

«toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort ». […] S’ajoutent aujourd’hui les rêves d’une économie réparatrice: nettoyer les océans, ressusciter le mamouth.»

«Nous pensons que les technologies vont nous permettre de résoudre la question sociale. Alors que c’est à partir de la question sociale que les technologies devraient être abordées. » C’est ce que proposait le philosophe allemand Walter Benjamin (1892-1940).

Les technologies ne sont pas un moyen de médiation entre les Hommes et la nature, mais un moyen de maîtriser le rapport entre les individus et la société.

Pour réussir notre transition écologique, il faudrait abandonner un certain nombre de croyances, ce qui semble plus facile à dire qu’à faire, dans un monde formaté à l’idée que la technologie et la géo-ingénierie, qui sont pour beaucoup dans l’état actuel de la planète, pourraient aussi la sauver.

Frédéric Neyrat nous donne un exemple parlant dans le contexte actuel « C’est comme ceux qui voudraient penser qu’un vaccin nous permettra d’éviter la prolifération du virus. Un vaccin, bien sûr, c’est localement et momentanément utile, mais ça ne change rien au fond. Ça ne change rien aux raisons qui font que les virus prolifèrent. Tant qu’on n’interroge pas notre rapport à la nourriture, à l’agriculture, à la nature, on ne changera rien. On ne proposera rien de plus que des placebos».

Tant qu’on ne solutionnera pas les causes, il est utopique de croire solutionner les conséquences !

Dans l’édition de mars 2021 des Actes de l’Académie nationale des sciences des États-Unis (PNAS), un groupe international de scientifiques rappelle la complexité des systèmes écologiques et leur fragilité face aux interventions climatiques. Ils rappellent l’importance des travaux pluridisciplinaires afin d’éclairer les effets que cela pourrait avoir sur le monde naturel, sur les espèces et les écosystèmes.

« La réflexion doit être encore plus globale », estime Frédéric Neyrat. « Il faudrait réintégrer ces technologies dans un questionnement social et politique. Le véritable enjeu est là. Sans ça, il y aura forcément des effets négatifs. Des perturbations de la mousson. Des dégâts sur le Sahara. Mais en plus, il faut bien comprendre que la géoingénierie ne changera rien. Au contraire, elle va entretenir le désastre. »

Je laisse, en la partageant, le soin de faire la conclusion, à Frédéric Neyrat.

« Je crois que nous nous orientons vers un : « on n’a pas le choix ». . On nous expliquera simplement que le plan A ne marche pas. […], que nos sociétés évoluent trop vite…des avancées technologiques vont concourir à une augmentation de la température. […] nous sommes dans la contrainte absolue, pour sauver l’humanité, de nous lancer dans ces techniques de géoingénierie. Lorsque l’état d’urgence climatique sera déclaré, on nous dira simplement : il faut passer au plan B. C’est pourquoi, en tant que citoyens, nous devrions tous insister dès aujourd’hui sur la nécessité de modifier en profondeur, d’une part nos institutions politiques, et d’autre part, nos représentations de la nature pour éviter de tomber dans ce piège de cet état d’urgence climatique »

Demandons-nous d’abord quelle société nous voulons. Et à partir de la réponse, nous pourrons établir quels types de technologies pourront nous aider à y arriver.

Signé Georges Vallet

crédits photos:14 : Non, la technologie ne nous sauvera pas du désastre écologique

«La géoingénierie, c’est comme un voile idéologique jeté sur notre société ?»

http://futurasciences.fr/tk/t/2/725329708020f4/193119b0ca/410843361/42031189e7/

Ecologie : pourquoi la technologie ne nous sauvera pas ?https://www.franceculture.fr › … › La Grande table idées

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5 commentaires

  • Robert Contrucci

    Pour compléter les commentaires, je rappelle aux internautes, quelques sites qui démontrent la stratégie des entreprises en matière de « verdissement » : c’est bon pour l’image des entreprises et bien évidemment, approuvé par les actionnaires… :

    ① Rapport : « Brochure sur l’Entreprise Verte »
    Source : site web de l’Organisation internationale du Travail » (ILO) : par Eva Majurin, publié le 12/05/2017.

    Chapeau du dossier : « Passer au vert n’est pas seulement bon pour l’environnement, mais est aussi bénéfique dans le sens entrepreneurial. Le verdissement des entreprises améliore l’accès au marché, augmente la productivité et les économies de coût. La brochure sur l’Entreprise Verte fait partie du paquet des Emplois Verts et de la série de produits Gérez Mieux Votre Entreprise, et aide les potentiels entrepreneurs à trouver des idées d’entreprises vertes ainsi que les entrepreneurs établis à verdir leurs entreprises. »
    URL : https://www.ilo.org/empent/areas/start-and-improve-your-business/WCMS_624881/lang–fr/index.htm

    Nota : brochure de 46 pages au format .pdf
    URL: https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_emp/—emp_ent/—ifp_seed/documents/publication/wcms_624881.pdf

    ② « Plan de relance : le verdissement comme fil rouge » : par Anne Lenormand, publié le 3 septembre 2020.
    Source : site web de « La Banque des Territoires »

    Présentation du dossier : « Un tiers du plan de relance présenté ce 3 septembre, soit 30 milliards d’euros, sera consacré à la transition écologique, érigée comme « objectif stratégique ». Les plus grosses sommes iront à la rénovation énergétique des bâtiments (près de 7 milliards d’euros dont 4 milliards destinés aux bâtiments publics et 2 milliards pour les logements privés), aux transports (11 milliards d’euros au total dont 4,7 milliards pour soutenir le secteur ferroviaire et 1,2 milliard d’euros pour développer les « mobilités du quotidien »). La biodiversité, la lutte contre l’artificialisation des sols et la transition du secteur agricole bénéficieront au total de 2,5 milliards d’euros. 2 milliards d’euros seront consacrés au développement de l' »hydrogène vert » et 1,2 milliard à la décarbonation de l’industrie. »
    URL : https://www.banquedesterritoires.fr/plan-de-relance-le-verdissement-comme-fil-rouge

    ③ Article « Sept pays européens s’engagent à ne plus soutenir le pétrole et le gaz » : par Emmanuel Berretta , publié le 13/04/2021.
    Source : site web du magazine « Le Point »
    Chapeau de l’article : « Six autres pays rejoignent l’Hexagone dans l’arrêt, à terme, des soutiens publics à l’export des hydrocarbures. Mais seule la France a un calendrier précis. »
    URL : https://www.lepoint.fr/monde/sept-pays-europeens-s-engagent-a-ne-plus-soutenir-le-petrole-et-le-gaz-13-04-2021-2422114_24.php

    ④ Article « Sauver la planète ou protéger les portefeuilles ? Les actionnaires des compagnies pétrolières, étonnants défenseurs du climat » : par Emilie Torgemen, publié le 28/05/2021.
    Source : site web du journal « Le Parisien » (via « msn »)

    URL : https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/sauver-la-plan%C3%A8te-ou-prot%C3%A9ger-les-portefeuilles-les-actionnaires-des-compagnies-p%C3%A9troli%C3%A8res-%C3%A9tonnants-d%C3%A9fenseurs-du-climat/ar-AAKrFjU

    A suivre…..

  • Le 28 mai 2021, les actionnaires de Total choisissent les dividendes plutôt que le climat. C’est désolant.
    https://reporterre.net/Les-actionnaires-de-Total-choisissent-les-dividendes-plutot-que-le-climat

    • Michel LACANETTE.

      « Total va être vert avec des barils noirs qui permettent de continuer à verser les dividendes »
      C’ est bel et bien la fuite en avant. Malheureusement cela n’ est pas  » propre » à Total. Peut être faudrait’ il que les grands groupes aient obligation de contribution environnementale. Peut être pas forcément que financière, mais aussi éthique ( pas de recherche ou d’ exploitation dans les milieux sensibles pour les entreprises pétrolières et minières) également développer la recherche et le développement de technologies propres. Ainsi que le soutient économique aux populations concernées par les impacts écologiques. Mais ne nous faisons pas d’ illusions nous
      n’ en sommes pas encore là, tant qu’ il sera facile d’ exploiter avec peu de contraintes avec l’ accord des pays concernés.

    • Total paie des dividendes mais le cours de l’action n’est même pas revenu au niveau de celui de 2008. Alors quel intérêt de garder des actions Total s’il n’y a pas de distribution de dividendes ?

      Une anecdote sur Total qui vient de changer de logo.
      Au début des années 1970 j’ai eu l’occasion de faire un stage sur un site Total. Mon maître de stage était un ingénieur AM, droit voire austère, un touche à tout très humain.

      Dans sa carrière il avait croisé un dessinateur du siège qui était chargé de dessiner un nouveau logo. A sa demande il dessina sur un brouillon, à la va vite, les lettres suivant une police utilisée à l’époque.
      Quelques semaines plus tard, le dessinateur lui montra le projet de logo. Mon maître de stage se rendit compte que les caractères n’avaient pas la même hauteur et lui demanda de corriger le dessin.
      Impossible lui rétorqua le dessinateur. Il lui montra le modèle paraphé par un Directeur de l’époque (de mémoire, René Perrin).
      « Mais c’est mon brouillon ! » s’exclama mon maître de stage.
      Effectivement, lorsqu’on regarde sur la tranche le logo de l’époque (1970), on distingue bien les différences de hauteur des lettres.

      Mon maître de stage était également féru de voile. Il avait effectué son service militaire à Cherbourg, après la guerre où il avait croisé Philippe de Gaulle, le fils du général. Lorsqu’ils sortaient en groupe, ils s’interpelaient par leur nom. Philippe de Gaulle qui voulait rester incognito, aurait demandé : « Appelez-moi Sosthène ! ».
      Une version supplémentaire sur l’origine de ce surnom de l’Amiral de Gaulle.

  • Michel LACANETTE.

    Bruno Le Maire renouvelle à tue-tête sur toutes les radios et chaînes de télévisions ses théories du bonheur perpétuel. Il croit tellement en ce qu’ il dit qu’ il a annoncé la suppression des aides aux entreprises, alors que c’ est maintenant que les petites et moyennes entreprises ont le plus besoin d’ argent frais pour remettre en route leurs outils de travail. Ce n’ était pas au début de la pandémie qu’ il fallait les aider, alors qu’ elles disposaient encore
    d’ auto-financement, mais c’ est bel et bien maintenant qu’ il faut absolument les soutenir. Bien sûr pas les plus grosses entreprises que Bruno Le Maire va encore plus aider, mais les plus petites qui localement jouent en plus bien souvent un rôle social en matière d’ emploi, alors que les grosses entreprises vont profiter des aides pour se restructurer. Voir ce qui se passe actuellement avec les fonderies liées au secteur automobile.
    C’ est à se demander si ce pays n’ est pas tombé sur la tête.