La « Resaca »

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En Espagne on appelle cela la resaca, la gueule de bois et ainsi on ajoute à la féria une journée de plus, celle de la resaca justement. La soirée de dimanche, avant celle de ce soir, la fête de la musique et à quelques jours du prochain match de la coupe d’Europe de France fut celle de la resaca ; car si on y réfléchit sérieusement elle est assez inquiétante dans le sens où bien peu d’entre nous se sont déplacés pour faire « leur devoir électoral ». Tout le monde, sur les plateaux télés, a morigéné ces déserteurs comme si se plaindre des absents allait les mobiliser pour la prochaine séance.

Ces reproches apparaissaient comme une sorte de leitmotiv obligé, avant de se chamailler sur ce qui semblait à ces acteurs rassis comme essentiel : le retour aux invectives, aux manœuvres et aux sondages proposant avec aplomb les résultats du second tour alors qu’ils ont failli, de manière inédite lors du premier, –leur crédibilité est une fois de plus largement entamée. Ainsi le monde d’avant, malgré un taux d’abstention « abyssal » (dixit Gabriel Attal, lui-même), est malgré tout plébiscité par nos élites : un déni de réalité.

Une chose est sûre la proportionnelle, cheval de bataille de François Bayrou, n’a pas l’aval des électeurs, elle ne résout rien et le projet du président qui voulait réconcilier les Français avec la politique est loin d’être atteint. La solution du vote électronique ne résout pas les questions de fond, c’est à dire celles des projets proposés auxquels personne n’adhère véritablement. Se pose d’ailleurs une question : que deviendront ces ministres, de premier plan parfois (comme Gérard Darmanin ou Eric Dupont-Moretti) qui  ont été battus à plat de couture dimanche ? « L’onction du suffrage universel », comme le disait François Mitterrand leur étant refusée, devront-ils démissionner ? Rassurez-vous, il y a peu de chance que ces non-élus renoncent à leurs responsabilités ministérielles.

La vraie raison de ce détournement du suffrage universel c’est une offre politique qui n’est pas à la hauteur des espérances populaires, ni de celles de la jeunesse. Il y a d’ailleurs un problème de génération, en Aquitaine notamment où le mandat des sortants, toujours renouvelé, est long comme un jour sans pain. Les effets de leurs politiques pourtant ne sont guère perceptibles par le quidam. Pour ce qui est d’Alain Rousset, par exemple, sa gestion ne gêne personne car il est largement inconnu dans notre département où on ne le voit jamais ou presque. Au fait sa politique est-elle de gauche ? De droite ? Du centre ?

Bon ! Il y a une bonne nouvelle tout de même : l’affaissement des extrêmes, de la France Insoumise, disparue des radars d’un côté, et le recul sévère du Rassemblement National de l’autre (en tout cas pas à la hauteur de ses espérances). Hélas la messe n’est pas dite et le maintien de la liste EELV en PACA pourrait le relancer en lui permettant de gagner une région essentielle. Une première due dont la cause serait l’irresponsabilité verte, là encore patente.

Pour ce qui est de notre département, les Pyrénées Atlantiques, la faiblesse de la candidature de Geneviève Darrieussecq est sidérale (13, 75%)*. Le leadership du Modem, allié principal du Président, est ainsi contesté dans fief même de son chef. Est-ce le début d’une fin programmée ? Localement, la grande surprise de ce scrutin c’est le score inattendu d’Eddy Puyjalon (ex-président du mouvement chasse Pêche Nature et Tradition) avec 13,64%* frôlant la seconde place, à quelques centaines à peine de voix de Madame Darieussecq et devant les écologistes. Selon le journal Sud-Ouest de ce lundi matin, il devancerait même, avec 14,6% des voix, l’ex-maire de Mont-de-Marsan et serait donc la première force d’opposition à Alain Rousset dans le département. Sur les terres de François Bayrou, cet exploit significatif laisse pourtant médias et commentateurs indifférents.

Ce candidat inconnu était soutenu par Jean Lassalle. La popularité de ce dernier que nous avons soulignée ici depuis longtemps -sous les invectives- s’appuie sur le malaise des territoires. Il arrive en tête dans plusieurs cantons béarnais, ce qui est une grosse surprise. Deux considérations à ce propos : d’abord le candidat Puyjalon a été boycotté ou oublié par les grands médias locaux, « trappé » lors des débats médiatiques où ne furent invitées que les « stars » locales triées en aval. Cela lui aura-t-il nuit ? Au contraire, il aura été ainsi estampillé hors système et il a bénéficié de cet ostracisme. C’était un ballon d’essai et ce résultat spectaculaire, zappé ce matin par les médias locaux, devrait conforter Jean Lassalle dans son désir de se présenter aux présidentielles –la seule élection qui vaille dans notre système.  Il pourrait bien alors être un caillou de plus dans la chaussure du sortant…    

Pierre-Michel Vidal

*in Le Figaro https://www.lefigaro.fr/fig-data/elections-regionales-2021/nouvelle-aquitaine-75/

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Un commentaire

  • Pierre-Michel Vidal

    Bon il faut préciser :
    1/Que le candidat vert en Paca a fini par appeler à voter Muselier. Mieux vaut tard que jamais : il se sera rendu intéressant pendant 36 heures pour céder à son « ultime » conviction.
    2/ Que Alain Rousset n’a pas cédé aux exigences exorbitantes des verts aquitains: ça l’honore car il respecte son électorat.