La messe n’est pas dite

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On aurait tort de passer par pertes et profits ces dernières élections régionales et départementales. Même si elles n’engagent qu’à la marge l’avenir de nos concitoyens elles ont un sens profond si on en observe les résultats avec attention. Cela vaut pour notre département comme pour notre région et pour l’ensemble du pays, même si notre vie quotidienne n’en sera pas affectée à court terme.

Il faut dire un mot d’abord du phénomène mortifère de l’abstention. Elle n’a reculé que d’un point entre les deux tours et elle est historiquement basse, bien que les médias et les réseaux sociaux en aient fait leurs choux gras depuis des semaines. Il ne semble pas que les acteurs de notre vie politique mesurent les conséquences de cette désaffection –faut-il dire rejet ? Nous paierons pourtant les conséquences du chiffre historique, le plus bas de la Vème République : puisque le mal-être populaire ne s’exprime plus dans les urnes il est probable qu’il tente de se faire entendre dans la rue, ce qui n’est pas mieux et même pire.

Pourquoi ? Parce que les Français ont le sentiment de n’être pas entendus et  les gadgets comme le vote numérique -le numérique étant la panacée macronnienne -ou la proportionnelle- elle existait aux Régionales- le dada de François Bayrou ne vont pas renverser une tendance lourde liée à une proposition politique insatisfaisante, conduite par des personnalités médiocres peu en phase avec nos aspirations. Une autocritique est-elle possible ? La suite de l’histoire le dira.

Le résultat récompense-t-il seulement le bilan des sortants ? C’est ce que les médias voudraient nous faire croire et ce que le Président, en « enjambant » ce résultat, voudra montrer les jours prochains, en « vantant la France » et en multipliant les fameuses réformes qui auront tardé. L’effondrement du RN  change les plans du sortant. Il avait trouvé en Marine Le Pen sa meilleure adversaire car, quoiqu’on en dise, le front républicain a encore de beaux jours comme on l’a vu en PACA. Les espérances d’une victoire -peu glorieuse- en se posant en ultime recours de la légitimité républicaine s’éloignent.

En sortant des rails qui l’ont conduit à ses sommets, en gommant ses excès, le Rassemblement s’est fait en quelque sorte Hara-Kiri et son avenir désormais est sombre. La droite, solide sur ses bases, a su le contenir et bloquer la tentative de siphonage dont elle était l’objet. Que fera donc le Président avec un parti inexistant et face à un épouvantail qui n’en n’est plus un, car comme le dit, Jean-Marie Le Pen, le patriarche, : « un RN gentil n’intéresse personne » ? Il ne sera plus ce recours qu’il avait planifié.

Mais le RN n’est pas seul à faire face à un avenir problématique c’est aussi le cas des vainqueurs du scrutin : les Républicains. Xavier Bertrand qui s’est imposé largement en Hauts-de-France a marqué un point important. Mais celui qui s’inscrit dans la ligne d’un gaullisme social n’a pas l’aval du noyau dur de la droite qui lui préfère Laurent Wauquiez –brillant vainqueur en Auvergne. Ce dernier, soutien de la manif pour tous, par exemple, s’inscrit dans les standards de la droite conservatrice. De Gaulle parlait « de la droite la plus bête du monde », il faut donc se méfier de l’avenir.

Enfin, le bloc de gauche est lui aussi divisé. Faut-il s’aligner sur les positions parisiennes et prôner une alliance de toute la gauche menée par les verts ? Ou au contraire revenir à une affirmation partisane qui a bien réussit aux sortants socialistes Carole Delga et Alain Rousset. Dans ces deux cas, auquel il faut ajouter le précédent de Martine Aubry à Lille, le refus d’une l’alliance avec les verts et la France Insoumise a payé. Ce n’est pas le cas d’une union précaire et superficielle -vert, rose, rouge- comme on a pu le voir en région parisienne. Il y a un là un challenge nouveau : les barons du socialisme, forts de leurs résultats régionaux, pourront-ils imposer leurs vues aux parisiens qui tiennent le parti ? L’union se fera-t-elle à gauche derrière un candidat vert avec l’appui de la majorité des médias ? Ou au contraire optera-t-on pour des candidats défendant leurs couleurs au premier tour ?

C’est au fond l’image de la tension Paris/Province qui traverse un pays dominé par le centralisme. Il en est de la droite comme de la gauche : la base aura-t-elle le dessus sur les appareils ? La Gironde aura-t-elle raison de la Montagne ? Les souhaits de la périphérie s’imposeront-t-ils à la rigidité de directions déconnectées ? Les « territoires » auront-ils le dernier mot sur les prescriptions du centre ? Un vrai devoir de philosophie et une énigme encore car la messe n’est pas dite…

Pierre-Michel Vidal

Photo: Carole Delga (PS), notre voisine présidente de l’Occitanie, mieux réélue des sortants, elle a refusé une union avec les verts…

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3 commentaires

  • Certes ces élections n’ont pas passionné grand monde! Mais lorsque au lendemain du vote on lit dans la presse locale, sous le titre  » Lasserre REELU a dévoilé ses priorités : la création d’un laboratoire d’innovation sociale pour trouver des solutions plus pertinentes »… J’aurais pensé que s’il se rerereprésentait c’était parce qu’il avait des solutions à proposer, mais non, il est élu, aux autres de faire le job! LOL

    • Une fois de plus, Lasserre fait le service minimum. Comme il ne peut pas ignorer la désaffection des citoyens pour les élections, il réagit, comme toujours avec un exercice de langue de bois atteignant les plus hauts sommets de la spécialité. Maintenant qui peut dire ce qu’est « un laboratoire d’innovation sociale pour trouver des solutions plus pertinentes » ? Personne bien évidemment, mais les naïfs et les acquis à sa cause trouveront là une réaction adaptée à la situation catastrophique de notre démocratie. Ainsi va le politicard de 77 ans qui en fin de mandat en aura 84.

      • Tout cela rejoint parfaitement votre précédent article:  » Abstention et maintenant on fait quoi  »
        Je pense que c’ est à Mr Lasserre qu’ il faudrait poser cette question qui du haut de ses 77 ans et peut être 50 ans de politique, devrait avoir la vision globale nécessaire pour apporter une réponse crédible à cette épineuse question. Mais en tant qu’ apparatchik patenté depuis de nombreuses années du monde politique, nous
        n’ aurons pas demain sa réponse.