Nuestro tiempo
« Nuestro tiempo » est passé sous les radars de la censure animaliste (animée par la woke culture) ; il serait juste que cet excellent film soit soutenu par le public français et espagnol. A voir pour tous ceux qui aiment la tauromachie mexicaine (et le cinéma de ce grand pays très versé sur la culture).
https://www.arte.tv/fr/videos/074603-000-A/nuestro-tiempo/ . A voir, en ce moment gratuitement, dans le replay d’Arte ; à ne pas manquer pour les aficionados, une brève apparition du matador mexicain (bien connu dans le sud-ouest) Sergio Flores lors d’une tienta mais aussi pour le grand public qui n’a aucune idée de ce côté essentiel de l’art taurin si facilement décrié : l’élevage en liberté de ces fauves mystérieux.
Le film a été tourné dans une ganaderia, un élevage de toros de combats, mexicaine dans un décor naturel magnifique. Le toro au campo, dans sa beauté et sa grandeur, sa sauvagerie aussi, y est montré sans aucun effet facile. Il est plus que le décor d’une histoire d’amour complexe et violente, il en est l’acteur secret. Du grand cinéma et une approche très positive du toro bravo et de son environnement.
Il y a dans ce film un rapport magique entre les lieux, la nature, la présence animale et le comportement sophistiqué des êtres humains : leurs passions mais aussi leurs pièges, leurs brutalités. C’est ce que nous montre « Nuestro Tiempo » pétri du talent de ce cinéma mexicain qui est un des meilleurs du monde : dans une sorte de succession de plans séquences dans lesquelles nous sommes immergés et qui nous font croire à une sorte de réalité qui ne l’est pas en vérité ; l’histoire étant un peu invraisemblable (au bout du compte).
Mais, et c’est ce qui nous importe ici, il y a dans ce film une grande justesse dans la description de la ganaderia où se passe l’intégralité de l’action : la beauté austère des paysage, la puissance du toro mexicain, la sincérité et le danger du travail au campo. Une présence permanente, forte de l’animal plonge le film dans un monde serein par moments, violent à d’autres et consacre, ce que les bons aficionados ne cessent de dire : le voisinage, la proximité du toro bravo, son mystère, apportent des sensations, des sentiments exceptionnels aux humains.
Il ne faut pas y voir comme une sorte d’anthropomorphisme à deux sous, non : il n’y a pas de correspondance entre les tourments que s’infligent les personnages et les luttes violentes entre los bravos. Il y a juste que les uns voisinent avec les autres et que la grande loi du vivant -c’est à dire la lutte- un combat sourd, silencieux et mortel pour ce qui est des héros du film, ou plus spectaculaire pour les animaux sauvages qui vivent à leurs côtés. Un affrontement qui anime toujours les uns comme les autres. La loi de la vie est sans pitié. Les uns et les autres portent le danger et s’affrontent régulièrement. C’est une dialectique essentielle et il ne sert à rien de nier cette violence universelle comme il est fait trop souvent désormais…
C’est une première que cette fiction cinématographique superbe, respectant les codes de la tauromachie mexicaine vécue du point de vue des ganaderos, sans sentimentalisme ni folklore. Ceux qui ont eu la chance de visiter ces lieux magiques d’un pays dont l’aficion est désormais blessée, affaiblie, les reconnaîtront même s’ils n’adhèrent pas forcément au récit proposé par ailleurs.
Qui tient la première place dans ce film ? Quels sont les héros véritables ? Les être humains dézingués ou les animaux sauvages dans leur gloire ? Chacun de leur côté, ils se battent pour la possession, la jouissance, la domination. La correspondance est lointaine certes mais bien réelle et c’est ce qui fait du toro un animal emblématique que l’on ne peut pas laisser disparaître.
Ceux qui n’ont pas eu le privilège de visiter le Mexique taurin découvriront ces endroits superbes à la marge du monde et de « Nuestro tiempo » qui n’est pas forcément le meilleur des temps.
Pierre-Michel Vidal
Muchas gracias /Molt gracies Pierre.