Justice et politique

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Si la justice est une vertu cardinale, la politique ne l’est pas et lorsqu’elles s’affrontent c’est toujours l’acte judiciaire qui est incriminé.

Élu de droite blanchi, la gauche se complaît à rappeler La Fontaine qui distinguait entre puissants et misérables. Et tombe alors l’accusation de « justice de caste » celle qui accueille avec faveur celui qui est présumé donner de son temps pour ses concitoyens.

Élu de droite condamné , et c’est alors celle-ci qui va de sa « justice de classe», dénonçant la partialité de juges dont l’appartenance syndicale révèle leur adhésion à la fameuse harangue d’Oswald Baudot qui conseillait à de jeunes magistrats d’être partiaux au profit du faible contre le fort.

La sanction qui vient d’être prononcée contre un ancien président de la république déchaîne un flot de contestations et d’accusations de partialité contre le tribunal dont la présidente serait adhérente de ce syndicat.

Beaucoup de bruit pour rien !

D’abord, parce que le tribunal n’est que la marche nécessaire avant la cour d’appel qui devra procéder à l’appréciation des faits reprochés et, pour convaincre l’opinion nationale d’une injustice, on s’empresse d’inscrire le recours dans le souci puéril d’en obtenir le soutien. Sans omettre, évidemment, de rappeler la présomption d’innocence qui s’attache à toute décision judiciaire susceptible de recours.

Ensuite, parce qu’il faut bien comprendre qu’avant de condamner,  le tribunal devait s’assurer de la réalité des faits faisant l’objet des poursuites. Or, à ce sujet, il n’est pas exact de soutenir que les comptes de campagne de l’ancien président ont été validés par le Conseil Constitutionnel .

En effet, le 4 juillet 2013 sur l’appel qu’il avait inscrit contre le rejet de ses comptes par la CNCCFP, cette institution a décidé ceci :

«  Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de M. SARKOZY ; qu’en application des dispositions précitées de la loi du 6 novembre 1962, dès lors que le compte de M. SARKOZY est rejeté, celui-ci n’a pas droit au remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral et doit en conséquence restituer au Trésor public l’avance forfaitaire de 153 000 euros qui lui a été versée …».

Restera par contre à trouver, dans les éléments de la cause,  la preuve que l’ancien président connaissait ou tout au moins ne pouvait ignorer le dépassement qui lui est reproché.

On peut certes s’élever contre son humiliante condamnation au port d’un bracelet électronique, mais le tribunal s’est peut-être souvenu de divers propos peu amènes que l’ancien président a tenus sur le corps judiciaire.

Le présent procès n’intéresse probablement plus grand monde, mais la défiance de la justice exprimée par le monde politique est étonnante quand le moindre propos d’un concurrent conduit à solliciter sa condamnation dans le seul but d’en tirer un avantage dans le corps électoral qui y répond par une abstention qui interroge.

Pierre ESPOSITO 

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4 commentaires

  • pardon pour le lapsus « déplacement » au lieu de « dépassement » !! et pour les fautes d’orthographe que le correcteur automatique n’a pas décelées : « en résumé pour défendre autant que possible la démocratie »
    J’aurais dû relire plus attentivement.
    On peut certes affirmer qu’en comettant ces fautes, je n’ai fait que suivre une mode qui s’installe de plus en plus solidement sur le net (y compris même parfois subrepticement sur alternatives-pyrenees) mais ce n’est pas une excuse valable.

  • « il est plus répréhensible de dépasser les limites d’une somme d’argent autorisée par la loi que de commettre des violences physiques, porter illégalement une arme, réaliser de faux documents…. »
    Monsieur Vallet semble oublier que ce déplacement (énorme) concernait la somme d’argent que chaque candidat à l’élection présidentielle est autorisé à consacrer à sa campagne électorale et donc que la limite instaurée par la loi a pour but d’éviter que l’élection soit faussée par une trop grande disparité de moyens financiers des candidats, donc en résumé pour défendre autant que possible la démocratie (au moins formelle).
    D’autre part, si on trouve que l’obligation de port d’un bracelet électronique est une condamnation infamante, je voudrais rappeler qu’il s’agit d’une forme d’aménagement de peine destiné à remplacer l’incarcération ; de nombreux citoyens qui ont subi des peines d’emprisonnement effectives pour des délits plus ou moins mineurs (comme ceux cités par Monsieur Vallet) auraient sans doute préféré qu’on leur face subir cette « peine infamante » !

  • Il ne m’appartient pas de critiquer la décision de l’accusation, je suis incompétent en matière juridique.

    Français moyen, je constate, par contre, que lors de la succession des faits, de nombreux politiques, les médias et les réseaux sociaux ont, en boucle, crié:
    « haro sur le baudet. Qu’il fallait dévouer ce maudit animal, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable.»

    La décision qui est tombée montre que ce n’était pas un cas pendable.

    Paris Match | Publié le 01/10/2021 à 10h59

    « Pour que l’affaire Benalla s’efface devant un jugement »: l’accusation a requis jeudi soir 18 mois d’emprisonnement avec sursis à l’encontre de l’ancien chargé de mission de l’Élysée, en particulier pour les violences commises lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris.

    Coupable, Alexandre Benalla l’est aussi pour avoir porté une arme sans autorisation en avril 2017 à Poitiers après un meeting de campagne du candidat Macron, soutiennent les magistrats du parquet. Sa condamnation est aussi requise pour avoir utilisé, après son licenciement, deux passeports diplomatiques lors de onze voyages, en Afrique, au Maroc ou aux Bahamas et avoir réalisé un faux document afin d’obtenir un passeport de service. Au final, c’est une « condamnation en forme de reçu, en solde de tout compte. Pour que l’affaire Benalla (…) s’efface devant un jugement », conclut M. Badorc.

    « Je demande à ce que la peine de l’ancien chargé de mission soit assortie de 500 euros d’amende, de cinq ans d’interdiction de toute fonction publique et dix ans d’interdiction de port d’arme. »

    Violences, port d’arme, utilisation de passeports diplomatiques pour 11 voyages non commandés, réalisation de faux documents, il faut reconnaître qu’il ne s’en sort pas trop mal comparé à:

    Conduire avec un permis invalidé, annulé ou encore suspendu « peut être puni de 2 ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende » selon la Sécurité routière, qui indique que dans ce type de cas, « le véhicule peut également être confisqué ». Enfin, conduire avec un faux permis est un délit puni de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

    Est-ce valable aussi pour un chargé de mission d’un président de la République?

    • Pardonnez la maladresse de mes propos; je devais ‘dès le départ’ préciser que ces derniers n’étaient pas en rapport avec le procès de Sarkosy; je voulais faire une comparaison avec celui de Benalla dont la décision de l’accusation vient de tomber.

      Il est intéressant, je trouve, de constater qu’il est plus répréhensible de dépasser les limites d’une somme d’argent autorisée par la loi que de commettre des violences physiques, porter illégalement une arme, réaliser de faux documents….