Arzacq : beauté de la « Course »

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La course landaise organisée dimanche par le club taurin d’Arzacq a été un grand succès. Succès artistique et populaire puisque près d’un millier de spectateurs se pressaient sur les gradins de ces magnifiques arènes couvertes du Soubestre. La suspicion jetée sur le club et ses bénévoles par l’association départementale Brigitte Bardot et sa montée en mayonnaise par un quotidien régional –qui se tire là des balles dans le pied- aura eu un effet inverse à ses promoteurs. De nombreuses personnes -et je peux en attester personnellement- ont voulu découvrir en famille ce spectacle. Elles auront fait une belle découverte…

A côté des coursayres habituels, de ceux qui vont aux courses tous les dimanches, se trouvaient des familles désireuses de découvrir ce sport traditionnel, particulier à la Gascogne, injustement vilipendé. Beaucoup de jeunes et beaucoup de jeunes enfants aussi ce qui est réjouissant pour l’avenir de notre tradition.

Mais qu’est-ce que la Course Landaise ? Un jeu diront certains, un art diront d’autres, un sport car il est reconnu par l’Etat depuis de nombreuses années et rattaché au ministère de la Jeunesse et des Sports. Elle a ses propres règles, complexes puisqu’une équipe (cuadrilla) d’écarteurs est attachée à un troupeau (ganaderia). Le bétail n’est pas élevé sur place. Il provient des mères des toros de combats que les éleveurs ibères ne veulent pas conserver. Donc plus de corridas, plus d’élevages de toros de combat cela signifierait la fin de la course landaise. Ca serait une sorte de dommage collatéral de cette interdiction, en quelque sorte.

Les vaches (les coursières comme on les appelle ici) sont les stars de la piste : elles ont le poil lustré, des cornes impressionnantes mais emboulées, et leur galop, leur violence sont jugés de près par les amateurs. Ainsi dimanche, le ganadero vedette Michel Agruna, véritable pilier de la « Course » qu’il défend avec talent et conviction présentait au public le lot de cette année (la temporada à venir). Un ensemble splendide avec sa vedette la méchante Soltera qui fit beaucoup de dégâts, rappelant la dureté de ce combat, ou la noble Yeltesa qui semblait prendre plaisir à charger sans inclinaison particulière à toucher l’homme qui la défiait.

Après cette fugace algarade les animaux redeviennent doux comme indifférent : elles ont montré ce qu’elles avaient dans le coffre, la suite les indiffère. Elles redeviennent des bovins semblables aux autres. Obéissantes. Tranquilles. Cette métamorphose est une des curiosités du spectacle.

L’animal somptueux et terrorisant (et le lot emmené à Arzacq par Michel Agruna aura ravi les spécialistes) est donc au centre de ce théâtre pour le connaisseur. Mais il ne faut pas oublier l’homme qui attend immobile avec une sorte d’arrogance superbe et dans un geste ultime, calculé au millimètre, trompe son adversaire. La  coursière, comme un avion sans aile, poursuit sa charge, bernée par la feinte ou par le saut de l’homme au boléro avant de s’arrêter tranquillement, déçue peut-être d’avoir manqué sa cible. L’élégance de ces hommes, les toreros landais (c’est ainsi qu’on les appelle), est remarquable: un simple pantalon blanc et un boléro décoré de motifs argentés ou dorés posé sur un gilet ouvragé. Tout cela est esthétique mais simple aussi, sans recherche inutile. Cela rehausse le combat et le rôle unique de l’homme qui affronte la bête.

Il fait souligner dimanche la virtuosité de Gauthier Labeyrie, le courage Cyrille Dounau piétiné à trois reprises par la dure Soltera, qui aura le visage ensanglanté et l’aisance du sauteur Kevin Ribeiro. Entre autres car tout le monde est à féliciter dans cette cuadrilla Dussau, pour son engagement, sa générosité, son courage surtout ; les « hommes en blanc » aussi, ceux que l’on voit moins qui mettent les vaches en place qui les appellent. C’est un petit monde si expressif, typique de notre patrimoine à nous gens du sud-ouest; une histoire gasconne qu’on aurait tort de mépriser par ignorance et sectarisme.

Et par-dessus tout : le petit sourire satisfait et narquois de l’homme, resté immobile au centre de la piste, qui après avoir trompé le bolide qui voulait lui faire la peau, salue d’une geste modeste le public enthousiasmé.

Beauté de la « Course » que les « fâcheux » ne nous enlèveront pas et que les Arazacquois maintiennent avec bonheur dans ses règles et sa vérité.

Pierre Michel Vidal

Photo Serge Bergez 

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3 commentaires

  • Brigitte Bardot est-elle vraiment perturbante au point d’en remettre une couche après « la guerre des territoires » et le commentaire acerbe sur « l’idéal urbain, cauchemar anthropologique » ?

    Dans le présent article, je constate que l’importance de la musique et des bandas dans le spectacle de la course landaise est omise. Pourtant la musique adoucit les mœurs, nous dit-on.
    La « Lyre Arzacquoise » existe-t-elle toujours ?
    Le rôle du speaker n’est pas davantage mentionné. Or il doit contribuer à l’ambiance sans couvrir ou couper la musique. Et c’est tout un art.
    Vous mentionnez le rôle des « hommes en blanc ». Effectivement, leur travail est un spectacle à lui seul. Le chargement des coursières à la fin du spectacle également.

    Mais je me demande quand même si B.B. n’est pas l’occasion de gommer les antagonismes du monde rural traditionnel en focalisant sur les néoruraux du type bobos, écolos, vegan et compagnie ; boucs émissaires commodes face aux mutations en cours du monde rural.
    Or les antagonismes du monde rural traditionnel sont toujours présents.

    Les groupes sociaux traditionnels qui composent le monde rural (agriculteurs, sylviculteurs, chasseurs, pêcheurs, artisans par exemple) ne sont pas socialement semblables et ceci depuis longtemps.
    La méfiance est même de mise entre ces groupes. L’histoire, encore récente, des ACCA ou des SAFER comme celle des « Mèstes/Metayès » en est une illustration.
    Et puis les vaches dans les champs deviennent rares.

    Alors les Néoruraux peuvent être aussi une chance pour le devenir de la ruralité. On le perçoit avec les circuits courts, les marchés bio, les installations de vignerons, maraichers, bergers. Voir également le projet de Ceinture verte en Pays de Béarn avec des conflits. Etc…

    En attendant la suite qui pourrait s’intituler : « la guerre et la paix des territoires »…

  • Pierre Vidal a du mérite de prêcher dans le milieu si hostile des médias et des réseaux sociaux pour une cause qui nous vient de la nuit des temps.
    Personne n’est obligé d’assister à une course pas plus qu’à une corrida d’ailleurs….et si l’on arrêtait  » d’emm….. les gens », comme le disait si bien Pompidou….
    Je suis totalement solidaire de son combat mais je n’ai malheureusement pas son talent….

    • « Personne n’est obligé d’assister à une course pas plus qu’à une corrida »

      Personne non plus n’est obligé de regarder quelqu’un tabasser quelqu’un d’autre, il peut regarder ailleurs s’il n’aime pas la violence…

      (ceci étant je n’amalgame pas course landaise et corrida)