Mozart au Panthéon

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Une récente formation musicale, le quintette pour clarinette de l’OPBB, s’est produite le 5 décembre dernier, avec un réel succès  dans la salle de « l’Atelier du Neez » à Jurançon. Je dis avec un réel succès car cette salle bien conçue, commode d’accès, était, pour l’occasion, pleine au deux tiers malgré les frimas hivernaux. On ne s’y attendait pas, du côté des organisateurs qui l’ont reconnu sans fard : le matin encore on ne comptait moins d’une vingtaine de réservations ; prévision assez lamentable, heureusement démentie.

Les mélomanes du cru se sont donc décidés au dernier moment… Cela signifie qu’il y a, à Pau, une réelle appétence pour le spectacle vivant en général et la musique classique en particulier. Un goût récent mais à prendre en compte. Et sans doute, le prix raisonnable de l’entrée, la simplicité du stationnement, les inscriptions sur internet contribuent à ce succès du Bernet que nous souhaitons pérenne. Manque encore la possibilité de payer par carte bleue. Cela ne saurait tarder…

Concert de très bonne qualité dont le morceau le plus attendu  était le fameux quintette pour clarinette en La majeur K. 581, ou «Quintette Stadler», de Mozart. Il était écrit en 1789 alors que les murs de la Bastille s’effondraient et que la royauté tremblait dans un ultime soubresaut. Une œuvre d’une grande fluidité qui explore toutes les possibilités d’un instrument à vent récent alors, utilisé par Cluck mais parfois sous-estimé par les mélomanes. Elle l’est encore. 

Le thème principal de l’œuvre a été utilisé avec à-propos dans le film « Out of Africa » de Sidney Pollack. Présentée par une formation récente de 5 musiciens de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn, elle fit à Jurançon, ce soir-là, « un tabac. Le clarinettiste, -qui ne nous donna pas son nom, hélas !- rappela qu’elle était donnée, jour pour jour, à la date anniversaire de la mort de Mozart. C’était le 5 décembre 1791, Innere Stadt à Vienne, Autriche.

On sait que le génie de la musique, ce génie tout court, mourut dans le dénuement, abandonné de tous sauf de sa famille : de Constance et de ses enfants. Sa pauvreté était telle qu’il fut « inhumé », de nuit, dans la fosse commune dans une ville qui était alors la capitale musicale de l’Europe. Le film de Milos Forman (un maître, lui aussi) décrit parfaitement ce cortège nocturne et indigent, qui se traîne dans les rues de Vienne. Ils étaient bien peu à rendre l’ultime hommage au plus grand génie de la musique (avec Jean Sébastien Bach).

Pourtant Mozart avait connu un ultime succès populaire avec « La Flute Enchantée ». Il remplissait alors les gradins de son théâtre avec son complice librettiste Schikaneder habile à l’écriture des textes. Le duo s’étaient-ils alors montrés trop rebelles ? Et si on contextualise ce Singspiel (sorte d’opérette allemande) on voit bien que l’ironie de son message n’a pas la retenue nécessaire à un musicien de cour plié aux usages serviles, agréables aux oreilles, aux mœurs des « grands », pourvoyeurs des subsides nécessaires à faire face aux aléas matériels de la vie: Mozart eut avec Constance (la bien nommée), son épouse aimante, six enfants. Il fallait bien les nourrir.

Ainsi dans un temps où l’on aime à célébrer les anniversaires, où l’on ouvre largement les portes du Temple Républicain, où l’on débaptise les rues pour les renommer, où l’on descelle les statues qui nous gênent pour en poser d’autres avant de les changer à nouveau. En ce temps de célébrations futiles souvent, on a donc oublié la fête de Mozart, musicien universel ; artiste intransigeant ;  homme honnête qui sacrifia les ors de la gloire et les avantages de la fortune à l’exigence de ses  conceptions artistiques.

Merci au « Quintette pour Clarinette » qui s’est produit le 5 décembre à l’Atelier du Neez d’avoir rappelé cet anniversaire avec simplicité. Je me fis alors la réflexion : Mozart, son hologramme du moins, ne mériterait-il pas de faire son entrée au Panthéon même si la tradition le réserve aux représentants de la Nation Française. Sa musique, tant de fois interprétée chez nous, ne mérite-t-elle pas une place aux côtés des « Lumières », ces pères de l’Europe autant que de la France: Mirabeau, Voltaire, Rousseau ; ne pourrait-il pas voisiner au côté de Joséphine Baker ? Il aurait aimé son côté iconoclaste et sa générosité. Le mélange des genres ne devrait pas nous effrayer. De ces lieux glacés mais honorés priment la sincérité, la générosité et l’exemplarité et l’esprit partisan devrait en être débarrassé. N’y a-t-il pas gravé au fronton de l’édifice : “Aux grands Hommes la Patrie Reconnaissante”. Rien n’indique quelle devrait être la provenance de ces Grands Hommes !

Parmi les multiples libelles, la multitude de pancartes, les amas d’écriteaux contradictoires et haineux qui fleurissent nos manifs quotidiennes, verrons-nous bientôt une banderole « Mozart au Panthéon » ? Derrière celle-là, nous défilerions alors sans hésiter en fredonnant le Quintette pour clarinette.

Pierre-Michel Vidal

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2 commentaires

  • « La musique est un paradis… » répétait-il…

    Hommage à un mélomane, serviteur de la culture de la grande musique : Jacques Drillon, journaliste, écrivain et critique musical

    Parmi ses écrits, un essai « La musique comme paradis » (paru en novembre 2018 aux éditions Buchet-Chastel)

    Pour info. et/ou rappel :

    ① Article « Tombeau de Jacques Drillon : « C’était notre Mozart » » : par Jérôme Garcin, publié le 25 décembre 2021
    Source : site web de L’Obs (BibliObs)

    Chapeau de l’article (Extrait) : « HOMMAGE. Pendant plus de trente ans, l’auteur du « Traité de la ponctuation française » a donné, dans « l’Obs », des articles définitifs sur la musique classique, la littérature ou le cinéma de Jean-Luc Godard. »
    URL : https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20211225.OBS52557/tombeau-de-jacques-drillon-c-etait-notre-mozart.html

    ② Article « Amoureux des mots et de la musique, Jacques Drillon s’en est allé » : par Clément Buzalka, publié le dimanche 26 décembre 2021
    Source : site web de France Musique (Actualité musicale)

    Chapeau de l’article : « Il était journaliste, écrivain, critique. Mais il était surtout un grand serviteur de la beauté de notre langue et de la culture de la grande musique. Jacques Drillon avait aussi officié sur l’antenne de France Musique. Emporté par la maladie, il nous a quittés à l’âge de 67 ans. »
    URL : https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/amoureux-des-mots-et-de-la-musique-jacques-drillon-s-en-est-alle#xtor=CS1-901

    ③ Article « Hommage au musicographe Jacques Drillon » : par Ivan A. Alexandre, publié le 26 décembre 2021
    Source : site web du magazine Diapason

    Chapeau de l’article : « Critique musical (affreuse hypallage ! il eût réprouvé ce début), essayiste, traducteur, transcripteur, l’auteur de “Schubert et l’infini”, de “Sur Leonhardt” et de “La Musique comme paradis” vient de s’éteindre à l’âge de 67 ans. »
    URL : https://www.diapasonmag.fr/a-la-une/hommage-au-musicographe-jacques-drillon-21612.html

    ④ Article « Jacques Drillon, critique musical, grammairien et homme de lettres, est mort » : par Renaud Machart, publié le 26 décembre 2021
    Source : site web du journal Le Monde (Culture . Disparitions)

    Chapeau de l’article : « Aimant et détestant avec passion et panache, cet homme érudit, qui fut de l’équipe fondatrice du « Monde de la musique », avant de collaborer au « Nouvel Observateur », s’est éteint à l’âge de 67 ans. »
    URL : https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/12/26/jacques-drillon-critique-musical-grammairien-et-homme-de-lettres-est-mort_6107335_3246.html

    ⑤ Article « Disparition : Mort de l’érudit touche-à-tout Jacques Drillon » : par Mathieu Lindon, publié le 26 décembre 2021
    Source : site web du journal Libération (Culture / Livres)

    Chapeau de l’article : « Le journaliste et écrivain, figure de la rédaction de «l’Obs» où il travailla trente-six ans, est mort le jour de Noël, à 67 ans. »
    URL: https://www.liberation.fr/culture/livres/mort-de-lerudit-touche-a-tout-jacques-drillon-20211226_6AYUWYCVXBF4ZG5PVI55BM6TXA/

    ⑥ Bibliographie de « Jacques Drillon » (Journaliste et écrivain français : 1954 – 2021)
    Source : site web Wikipédia
    URL : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Jacques_Drillon#Biographie

    Extrait de l’Introït (Chœur et solistes) du Requiem de Mozart :
    « Requiem aeternam dona eis, Domine et lux perpetua luceat eis »

    « Donne-leur, Seigneur le repos éternel, et fais briller sur eux la lumière sans déclin »

  • Pour plus de précisions sur le Concerto pour clarinette de Mozart :

    « Immortalisé au cinéma par Sydney Pollack, dans l’une des plus belles séquences du film Out of Africa sur fond de paysages Kenyans »… extrait de l’article « Le concerto pour clarinette de Mozart : découvrez pourquoi le compositeur aimait tant cet instrument » : par Laure Mézan, publié le 26/12/2020.
    Source : site web de Radio Classique (Pau : 107.2 FM)

    URL : https://www.radioclassique.fr/magazine/articles/le-concerto-pour-clarinette-de-mozart-decouvrez-pourquoi-le-compositeur-aimait-tant-cet-instrument/

    Bon, ce matin en flemmardant, je vais écouter quelques œuvres de Rachmaninov (Préludes + Concertos), un de mes compositeurs préférés avec Mozart, entre beaucoup d’autres comme… Brahms, Gesualdo, Monteverdi et j’en passe… 😉 😉 😉