Eh bien! Dansez maintenant

— Vous chantiez ? j’en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant. »
Jean de La Fontaine.
Il y a ce que nous voulons voir et il y a les faits. Le « storytelling » que nous ressassent les médias et la vérité toute nue. Examinons ce qui structure le déni de ce qui nous menace, à nos portes, en Ukraine.
L’attaque russe est un échec, elle est stoppée par les courageux Ukrainiens. En réalité l’avance russe continue lentement mais inexorablement et déjà près de 30% du territoire Ukrainien est sous sa domination. Cette avance est contenue grâce aux sacrifices admirables de l’armée Ukrainienne mais elle n’est pas stoppée et l’issue de la guerre n’est pas inversée. Qui a prétendu que l’offensive russe aurait dû ressembler à un blitzkrieg, de guerre éclair ? Les journalistes et commentateurs occidentaux… Les Russes ont adopté la stratégie de la tortue. Ils savaient ce qu’ils encourraient et ils sont prêts à en payer le prix car c’est la logique d’un pouvoir impérialiste et tyrannique.
Poutine est fou. Il n’en est rien assurément car sinon il aurait été écarté du pouvoir par le groupe dirigeant russe : les hommes de l’ex-KGB et leurs alliés indéfectibles les oligarques. Poutine n’est ni fou, ni isolé : il mène la politique qui sied à la majorité du peuple russe le nationalisme qui depuis des siècles a eu cours dans ce grand pays. Cette logique impériale a atteint des succès éclatants avec les soviétiques qui avaient asservi, sous Staline, un immense territoire peuplé de vaches à lait de Moscou. Les moujiks étaient à l’extérieur de la Sainte Russie nourrie sans transpirer ; la liberté étant le prix de cette providentielle manne. Ainsi Staline était-il le héros des Russes et des « idiots utiles » étrangers. Reconstituer cette puissance c’est l’obsession des vainqueurs de Stalingrad. Pour le moment aux yeux du peuple (et pour longtemps sans doute) le prix à payer pour atteindre cet objectif ne compte guère. On a l’habitude de souffrir dans ces contrées martyres. L’opposition russe pourchassée est en réalité très minoritaire.
La fin de Poutine est proche. Le maître du Kremlin serait-il menacé par une opposition interne ? Qu’en savons-nous ? Rien de concret ne le montre. Sur le plan extérieur les Chinois ont fermement assuré leur amitié avec la Russie. C’est « un roc » a dit Xi qui attend que la partie soit réglée pour envahir Taïwan. L’empereur rouge partage la haine de l’occident des « poutiniens ». Il a trouvé un féal qui lui devra tout au lendemain de l’épreuve. Les « sanctions » européennes ne semblent pas déranger Vladimir tant qu’il écoule son gaz aux européens en toute impunité : véritable planche à billets qui rémunère largement ses excès militaires. La réprobation unanime et justifiée des pays libres ne le trouble pas : il les méprise. C’est peanuts…
Les européens ont resserré leurs liens. Sans doute dans cette épreuve terrible qu’ils avaient été incapables de prévoir malgré les nombreux avertissements, sont-ils parvenus pour une fois à condamner unanimement les exactions russes. Pouvaient-ils faire moins ? Ils se sont accordés à minima sur des sanctions communes, plus symboliques qu’efficaces. Mais sur les questions essentielles : celle de l’approvisionnement en gaz russe par exemple pas de décisions communes. Pragmatiques les Allemands ont doté leur armée d’un budget nouveau de 100 milliards d’euros et la perspective d’une défense commune européenne, ainsi s’est éloignée. Le « moribond » OTAN renaît de ses cendres mais le boss américain a d’autres soucis : il regarde vers l’Asie et le monstre chinois et de plus il se réclame d’un pacifisme comme Carter. Biden tance… Poutine ricane.
Il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Poutine lui-même l’a annoncé et, pour une fois lucide, Biden l’a confirmé : Il va utiliser, si la situation l’y oblige, l’arme chimique et/ou biologique et sans doute l’arme nucléaire qui n’est pas pour lui un tabou comme il peut l’être en Europe. Ce seront des armes à portée limitées (si on veut) dans un premier temps, mais nous serions alors au pied du mur et sans doute encore une fois incapable de trouver une riposte idoine car, ce dont nous ne sommes sûrs c’est qu’il n’y aura pas de troisième guerre mondiale car pour faire la guerre il faut être deux et jamais les puissances nucléaires ne s’affronteront. Il l’a dit il le fera comme toujours…
Ainsi Poutine joue, quoi qu’on en dise et malgré les avatars inhérents à son aventure, sur du velours cramoisi. Il possède d’autre part une bombe à retardement face à ses « ennemis » européens : l’immigration. Plus de 10 millions d’immigrés nouveaux d’origine ukrainienne sont attendus (plus sans doute). 100 000 sont prévus en France où le phénomène migratoire est très mal toléré. Voilà une arme de déstabilisation redoutable car combien de temps l’esprit de solidarité et de charité prévaudra en France ?
Ainsi, les européens et singulièrement les français dansent au-dessus du volcan. Ils regardent la guerre effarés devant leur petit écran. C’est un film catastrophe : tout sauf ça ! N’y pensons plus ! Amusons-nous ! Comme la cigale, les Européens chantent le printemps revenu, là où la fourmi prévoyante aurait préparé la disette hivernale qui lui succédera.
Pierre-Michel Vidal
La question des migrations des réfugiés est certes importante, mais la problématique me parait bien plus complexe, avec une perte des repères en matière de relations internationales et économiques.
Les rapports de force se modifient et la mondialisation de l’économie est en replis, avec un fort coup d’arrêt sur les échanges.
Ceci dit, c’est vrai qu’il semble qu’on peine à se poser les vraies questions.