Allez dans les rues de vos villes appeler à l’aide de l’Ukraine

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Par Anastasiia Hatsenko *

Je suis restée en Ukraine, je reste aussi longtemps que possible dans mon pays en espérant que nos soldats seront victorieux et que nous pourrons y résider pour toujours. Ce n’est pas impossible si vous nous aidez. Vous savez pourquoi mon amie Alyona qui a publié un article dans vos pages, a été obligée de voir des atrocités et de quitter sa ville de Balaklia. Elle n’a pas quitté notre pays. Tout comme moi. C’est pourquoi je vais vous raconter aujourd’hui, comme elle, mon histoire. Il y a d’autres histoires tristes et vous savez parfaitement qui est à blâmer, qui est le coupable.

Comme tous les Ukrainiens, j’avais des projets et des rêves, mais comme beaucoup d’entre eux j’ai senti venir cette guerre avant le 24 février. Je suis née à Kiev et j’y vis près de l’aéroport. Le bruit des avions a donc toujours été présent dans ma vie. Je ne veux pas mentionner ici le nom de mon quartier à Kiev, c’est le quartier militaire. Le fait que j’aie accompli des études pour devenir experte en sécurité de l’information m’a joué un mauvais tour. J’ai été alarmée par un tournant dans la guerre de l’information, la cyberguerre, que la Russie mène depuis longtemps contre l’Ukraine.

Dès que les médias d’État russes ont commencé à parler de nazis en Ukraine et ont prétendu que mon pays, l’Ukraine, se préparait à attaquer la Russie, ce qui relevait bien sûr du mensonge, il est devenu évident pour moi qu’on allait à la confrontation armée. Bien que j’aie caressé encore l’espoir du maintien de la paix, je ne pouvais plus rester tranquille en entendant le bruit des avions et en voyant des chars, nos chars et nos avions pourtant, passer presque tous les jours dans mon quartier.

Le 23 février, avant de m’endormir, j’avais commencé à lire un livre sur la propagande russe et j’ai reçu un message d’un ami : « Rencontrons-nous vendredi s’il n’y a pas la guerre ». Je me suis endormie, mais j’ai été réveillée à 5 heures du matin par le bruit des explosions. Je ne voulais pas partir, mais mes parents m’ont convaincue que notre quartier pouvait être la prochaine cible des bombardements. Nous sommes donc partis en voiture.

Je n’oublierai jamais ce que c’est que d’être assise dans une auto coincée dans un embouteillage en entendant la sirène, le bruit des avions russes et de penser que c’est la fin. Je n’oublierai jamais comment, à une station-service sur la route, nous avons entendu un avion approcher et que avons démarré notre voiture en trombe pour nous en éloigner, puis que nous avons lu ensuite dans les nouvelles qu’une bombe avait été larguée sur cet endroit. Je n’oublierai pas comment, en arrivant dans l’Ouest de « l’Ukraine sûre », comme on désigne les régions que la guerre n’a pas encore atteintes, j’ai appris que trois bombes avaient été découvertes sous le pont que je venais de traverser à peine deux heures plus tôt.

Enfin, je suis toujours en vie. Mon histoire n’est pas aussi terrible que celle des habitants de Marioupol, Boutcha, Irpin, Balaklia et Borodyanka où ont eu lieu les massacres, les tortures et les viols. Je ne dis donc pas cela pour qu’on nous plaigne. Les Ukrainiens ne racontent pas leur vécu pour qu’on les plaigne. Nous voulons que vous sachiez ce qui se passe réellement et nous voulons vous dire que ce n’est pas du spectacle, que c’est notre vie.

Nous autres, en Ukraine, nous sommes heureux que l’Europe montre maintenant sa force dans ce qu’elle a toujours été. Je parle de la société civile, qui commence chez vous à faire pression sur les hommes politiques et à leur expliquer qu’aider l’Ukraine, c’est aussi aider l’Europe. Les Ukrainiens ne se battent pas seulement pour eux-mêmes. Nous nous battons pour nos valeurs communes. Vous êtes en France et vous avez vu comme moi à la télévision la banderole suspendue au premier étage de la Tour Eiffel devant laquelle Emmanuel Macron a célébré ensuite sa réélection, heureusement pour nous et pour l’Europe libre.

J’avais pu lire sur la banderole les mots « Liberté, Egalite, Fraternité ». Ce sont les valeurs que les Ukrainiens défendent en ce moment même. La banderole de la Tour Eiffel accrochée par des militants écologistes a été enlevée, ai-je appris. * * C’est dommage. Mais ne vous croyez pas en sécurité, ne vous consolez pas en espérant que la guerre est loin et qu’elle ne vous touchera pas. Nous pensions, nous aussi, que la guerre au 21ème siècle en Europe était impossible.

En tant que membre de la présidence de notre association, *** je vois que son principal objectif dans un avenir proche sera d’aider l’Ukraine. Comment pouvons-nous le faire ? Le front de l’information est aussi un front de la guerre. Nous devons continuer à parler de l’Ukraine et à dire la vérité. Je vous demande d’aller dans les rues de vos villes et de dire à vos politiciens que nous avons besoin d’aide. Si possible, je vous demande d’aider notre armée. Cela peut-être sujet à controverses, mais comme l’a dit notre ministre des Affaires étrangères : « Aujourd’hui, les armes servent le but de la paix. »

Nous ne voulons pas que d’autres que nous ressentent ce que nous ressentons et subissons. C’est pourquoi nous voulons mettre fin à cette guerre sur notre territoire afin que ni la Pologne, ni la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, ni la Moldavie, la Tchéquie et la Slovaquie, ni la France, l’Allemagne ou l’Autriche ne voient se perpétrer chez elles les atrocités que commettent des Russes. Mais pour cela, nous avons besoin d’aide. Donc, je vous demande de défendre l’Ukraine, de parler de l’Ukraine, d’appeler à l’aide de l’Ukraine et de nous soutenir. Gloire à l’Ukraine ! Слава Україні !

Par Anastasia Hatsenko

* 23 ans, politologue à Kiev, spécialiste de la cyberguerre

** La banderole avait été accrochée au premier étage de la tour Eiffel par des membres de Greenpeace pour protester contre la candidature à la présidence de Marine Le Pen, amie du dictateur Poutine. Ils ont été condamnés à une légère peine avec sursis pour dégradation.

*** L’association « C l’Europe. Conférence Paneuropéenne de Strasbourg » sise à Strasbourg, présidée par JP Picaper.

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2 commentaires

  • Michel LACANETTE.

    Ira ou Ira pas?
    La majorité des dirigeants Européens ont fait le voyage à Kiev, l’ un des rares, le nôtre, s’ est abstenu pour le moment de s’ y rendre. Il est vrai qu’ il a été ces derniers temps très occupé par la campagne présidentielle.
    Mais maintenant les mains libres et libéré de cette contrainte ne pourrait’ il pas effectuer ce voyage, ce d’ autant qu’ il assure la présidence de l’ Europe et que cette dernière s’ est engagée à l’ unanimité à soutenir l’ Ukraine.
    Cette situation assez cocasse du  » je te tien, tu me tiens par la barbichette  » laisse supposer que derrière ce comportement il y a des arrières pensées que le président Zelenski s’ est empressé de dénoncer lors de son dernier discours. L’ une de ces arrières pensées pourrait être que notre président cherche une porte de sortie honorable pour le devenir futur du président Poutine, afin que peut être le commerce entre la France et la Russie puisse reprendre de plus belle, comme si rien ne s’ était passé. Mais également cela pourrait donner aux entreprises françaises des positions prioritaires sur le futur marché Russe. Il serait plus que temps que notre Président explique sa position, pour nous Français, majoritairement favorables au peuple Ukrainien , mais également pour l’ UE dont certains pays commencent à douter de sa capacité à apporter des réponses claires concernant son comportement. On arrive à la croisée des chemins où des décisions claires doivent être prises pour la suite, sans quoi nous risquons gros de nous perdre dans moiteur de la brume idéologique présidentielle.

  • Soutenir l’UKRAINE et les UKRAINIENS bien sûr que nous le faisons tous a notre niveau. Une partie du monde Libre le fait aussi ,et d’autres soutiennent Poutine et ses sbires .

    Mais comment faire pour ,en Russie ,dénoncer ces atrocités et faire que les Russes soient informés de ce qui se passe réellement en Ukraine et dénoncer les mensonges de Poutine et le faire comparaitre en cour martiale .Il faut s’en débarrasser de ce dictateur