Vu du fleuve de Magelllan

Vue de loin la situation de la France n’est guère engageante : la cancel culture triomphe et le chef-d’œuvre de Joseph Conrad le « Nègre du Narcisse », un livre humaniste pourtant, est débaptisé pour conforter la bonne conscience occidentale et l’absoudre à bon compte de ses péchés. L’héritage de la social-démocratie est bradé pour un plat de lentilles : Olivier Faure nouvel Esaü cède son droit d’ainesse pour une poignée de circonscriptions protégées, et avant tout, pour sa propre réélection. David Habib, excellent parlementaire, reconnu par ses pairs pour la qualité de ses travaux fait les frais de cette trahison. Le nouveau Jacob, lui, se présente comme le futur chef de la tribu : oint d’un suffrage universel qui lui donnerait le poste de premier ministre, ce qui est une imposture constitutionnelle.
Tout cela n’est en réalité que bavardages, billevesées et pour ce qui concerne la campagne électorale des législatives on est retombé dans les affres des manœuvres, tractations diverses, magouilles dont, justement, les Français ne veulent plus. L’accessoire y est essentiel et il faut s’attendre par conséquent à une abstention très forte.
Qu’est cela vu de loin, des bords du Guadalquivir, qui coule argenté et serein ? Peu de chose au regard des transformations brusques qui bouleversent les équilibres mondiaux. Il y a la guerre en Ukraine où malgré les informations contradictoires, le rapport de force semble s’équilibrer et la violence s’accélérer : les solutions diplomatiques ne sont pas à l’ordre du jour, pas plus que le succès d’un camp ou de l’autre. La souffrance, elle, s’abat sur les femmes et les hommes, indistinctement.
Il y a pourtant un fait nouveau aux conséquences sérieuses sur la marche du monde : la demande d’adhésion de la Finlande et de la Suède de rentrer dans l’OTAN. Elle conforte la matérialité d’une alliance militaire que l’on disait il y a peu encore moribonde. Elle s’impose désormais comme le seul lien sérieux qui relie les pays occidentaux, sur la défensive depuis le début de la guerre. Les pays de la première ligne : la Roumanie, la Hongrie, les pays baltes ou la Pologne qui faisaient partie du glacis soviétique s’en réjouissent car c’est cet empire (si mal géré !) que Poutine veut reconstituer.
Les Finlandais qui ont dû repousser une tentative d’occupation soviétique en 1939 ont de bonnes raisons de se méfier de leur voisin avide de ses ressources. La majorité de la population –pourtant acquise à la neutralité, il y a quelques mois encore- en a pris conscience très vite et elle a souhaité assurer son indépendance. Le souvenir de l’offensive russe est encore présent dans les mémoires.
La Suède, elle, a maintenu pendant près de deux siècles une politique officielle de neutralité héritée de la fin des guerres napoléoniennes, notamment durant les deux guerres mondiales. Elle a désinvesti, faisant passer son budget militaire de 2,6 % du PIB en 1990 à 1,2 % en 2020. Le pays a commencé à inverser la tendance après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Le service militaire obligatoire, supprimé en 2010, a été réintroduit en partie en 2017.
Il semble que l’Otan fasse bon accueil à ces demandes. Si cela se confirme ce sera une défaite politique majeur pour Poutine et aussi pour ses alliés (de poids) la Chine, l’Inde, l’Algérie, etc. Le monde bouge : la ligne de partage entre les pays aux régimes autoritaires et les démocraties (plus ou moins abouties) se fracture. Ce que l’on croyait figé ne l’est plus. Cette situation où les tensions se multiplient, cette instabilité dans les relations entre les blocs et les nations est porteuse de dangers comme la nuée porte les orages.
Il ne s’agit pas de critiquer les demandes de la Finlande et de la Suède. Elles sont bien légitimes, ce sont nos amis, nos frères et leurs souhaits sont la conséquence de la sanglante aventure du régime de Poutine. Nous avons le devoir de les protéger, de leur ouvrir les portes et de renforcer l’alliance. En même temps il faudra garder ses nerfs si on veut évier ce qui pourrait être la « grande catastrophe ».
Voilà ce qu’inspire l’embouchure du fleuve d’où partit Magellan pour faire le tour du monde. Dans cette petite cité, la vie reste douce, les préoccupations légères, la joie et les plaisirs simples essentiels. On y regarde le monde et son avenir avec optimisme car le pire n’est jamais sûr.
Pierre-Michel Vidal
Pauvre Magellan qui n’a pas terminé son tour du monde assassiné en cours de’ route par des iliens qui le prenaient pour un prédateur. C’est son second qui a terminé le voyage dont le nom n’est pas passé à la postérité.
L’aventure est tragique et souvent la reconnaissance posthume. C’est le cas en effet. Ce sacrifice de soi, cette générosité ajoutent à sa grandeur. Je ne dirais pas ‘pauvre Magellan » car il fut le découvreur de mondes nouveaux et élargit notre horizon. Il participa ainsi à l’épopée du genre humain.