La proportionnelle

En cette période de campagne électorale pour les législatives, nous revient comme un vieux serpent de mer, cette idée de la représentation proportionnelle à l’assemblée nationale. Ils sont plusieurs à la défendre, Macron, Bayrou, Mélenchon, le Pen. Cette diversité de tendances a pour avantage que prendre position sur ce sujet permet de ne pas afficher son appartenance politique.
L’adopter serait abandonner le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour les élections législatives. Depuis 1848, le scrutin majoritaire s’est imposé non pas sans discontinuer mais de manière quasi habituelle. Il y a eu dans l’histoire de nos républiques quelques intermèdes de courte durée. Ainsi :
- sous la IIIe République (1870 – 1940) il a été recouru à la proportionnelle à trois reprises : de 1870 à 1875, de 1885 à 1889 et de 1919 à 1927 ;
- sous la IVe République (1946 – 1958) de 1946 à 1951 ;
- sous la Ve République (1958 à nos jours) de 1986 à 1988.
La période la plus longue a donc duré huit ans, sous la troisième République. Lorsqu’on fait le compte de la durée pendant laquelle la proportionnelle a été effective, on arrive à un total de 24 ans. Sur 148 ans d’existence des républiques pendant lesquelles l’assemblée nationale a été élue au suffrage universel, cela fait un faible pourcentage (un peu plus de 16%). Autant dire que la proportionnelle a occupé une place anecdotique dans l’existence de notre démocratie républicaine. Et pourtant on en parle encore comme d’une panacée susceptible de ramener l’électeur vers les urnes. Cela est un point de vue qui n’a pas encore été démontré. Elle est présentée également comme le moyen d’une plus grande représentativité des diverses tendances politiques. Sans doute, mais lorsque l’on considère que, comme actuellement, dans une circonscription il se trouve plus de dix candidats il est difficile de comprendre que chacune de ces tendances puisse être représentée à l’Assemblée nationale.
Mais la véritable question est de savoir pour quelle raison ce mode d’élection n’a existé que de façon épisodique et pourquoi les expériences ont été éphémères. La réalité est bien différente de ce qui nous est annoncé. Un chambre, comme on disait sous la troisième, élue à la proportionnelle se dispatche dans de nombreux partis. Le vote d’une loi, voire d’un amendement, ne peut se faire qu’avec des accords entre les différents partis du fait qu’il n’existe plus de majorité absolue. S’ensuit alors des marchandages, des discussions, des arrangements et des négociations de toute nature entre les formations. On comprend bien que ces ententes ne se font qu’avec la promesse d’une compensation ultérieure. Ainsi loin d’engager une politique définie, les députés naviguent à vue en fonction des circonstances. C’est la culture du compromis. Il est arrivé, comme cela a été le cas, que le gouvernement en fasse les frais. Ainsi la Quatrième République, qui a duré douze ans, a connu pas moins de 22 gouvernements. La durée de vie moyenne des gouvernements sous la Quatrième a été de sept mois. Parce qu’il ne dispose pas de majorité, le gouvernement est mis en échec et est contraint à la démission.
Sur le plan technique, la proportionnelle partage les sièges entre les candidats. Les mandats sont répartis entre les partis, en fonction des suffrages obtenus. Comme pour les élections régionales que nous avons connues récemment, il s’agit d’un scrutin de liste, chaque parti présente une liste. Il existe de nombreuses versions de la proportionnelle : avec ou sans prime majoritaire, au plus fort reste, à la plus forte moyenne, avec ou sans panachage. D’ailleurs essayez donc de demander aux candidats actuels, tenants de ce mode de scrutin, quelle est la version qu’ils préconisent. Vous serez alors étonné, voire déçu, de constater que ces techniques leur échappent complètement. De même que peu nombreux sont les électeurs qui savent mettre un nom sur les conseillers régionaux élus pourtant récemment selon ce mode de scrutin.
Les sondages actuels laissent percevoir que pour les législatives, le taux d’abstention sera important, voire atteindra un niveau jamais enregistré. Selon Pierre Rosanvallon, historien sociologue, l’abstention résulte plus d’une défiance de l’électeur vis à vis du politique que d’une inadaptation du mode de scrutin. Pour lui l’instauration de la proportionnelle ne changera rien. Il invite les élus à considérer qu’au lendemain de l’élection tout n’est pas fini, mais que tout commence. L’investissement de proximité pour séduire les électeurs lors de la campagne électorale doit perdurer et se traduire par une écoute du citoyen plus grande que celle que nous connaissons actuellement. Un vote n’est pas un blanc seing.
Pau, le 6 juin 2022
par Joël Braud.
Réponse à Mr Joel Braud
Tout système a des avantages et des inconvénients, pour le moment personne ne peut dire quelle est la part de celui qui a plus de poids. Est ce les inconvénients qui prendront le pas ou est ce les avantages ? Personne ne peut le dire, la clef d’ une bonne partie de la réponse est détenue par le Président de la République, pour le moment il
n’ en dit mot ou pas grand chose. S’ il s’ avère que les inconvénients prennent le dessus il faudra sans tarder prendre des nouvelles mesures, la dissolution en est une, mais peut être aussi la démission du Président une autre. Très vite nous allons avoir à vivre cette situation totalement nouvelle, le choix de
l’ électorat est ce qu’ il est, mais surtout ne commençons pas à jeter le » bébé » avec l’ eau du bain. L’ Europe fonctionne sur ce même principe de compromis permanent qui engage en permanence la responsabilité de chacun et personne aujourd’ hui ne le remet en cause, si ce n’ est les Anglais. Par contre bien des pays qui en sont aujourd’ hui dehors frappent à la porte de l’ Europe. Cela prouve qu’ il n’ est pas aussi mauvais que cela, à la condition qu’ il soit bien encadré pour ne pas qu’ il devienne une foire. Alors laissons le vivre et nous aviserons avec toute la vigilance citoyenne qu’ il faut. Ce matin sur France Inter Eric Jadeau, député européen à dit qu’ il voterait favorablement les propositions du Gouvernement en matière d’ environnement et de social chaque fois que l’ intérêt général sera respecté. Un petit premier pas.
/ « cette idée de la représentation proportionnelle à l’assemblée nationale »
Le résultat de ce 2ème tour des élections législatives 2022, a un p’tit goût de proportionnelle sans le vote à la proportionnelle… = une France désormais ingouvernable ? = à suivre… ;-( ;-( ;-(
A lire, l’article « EN GRAPHIQUES – Législatives : à quoi ressemblerait une Assemblée élue à la proportionnelle ? » par Tom Février, Paul Turban, publié le 20 juin 2022
Source : site web du journal Les Echos (Section « Décryptage »)
Chapeau de l’article : Les principales forces politiques du pays sont aujourd’hui d’accord pour évoluer vers des élections législatives à la proportionnelle. Si une telle réforme avait été adoptée avant le scrutin de dimanche, le visage de l’Assemblée nationale, sans en être bouleversé, aurait été différent.
URL : https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/en-graphiques-legislatives-a-quoi-ressemblerait-une-assemblee-elue-a-la-proportionnelle-1414536
Vu la situation actuelle, la proportionnelle ne nous fera pas vivre pire que ce que nous allons devoir vivre. Si cela doit amener des électrices et électeurs dans l’ isoloir et des députés sur les bancs de l’ Assemblé pour travailler pourquoi pas. Que vaut t’ il mieux une Assemblée figée à la solde du Président, ou une Assemblée vivante représentative du corps électoral ? Avec une Assemblée vivante les extrêmes seront obligatoirement obligés de sortir du bois, ou de derrière le rideau politique dont certains se servent pour leurs propres intérêts.
Au moins cela aura le mérite de les montrer sous leur vrai visage et à l’ électorat de faire des choix en son âme et conscience. Les démocraties qui sont allées le plus loin dans la démarche de la représentativité des extrêmes sont les pays où les extrêmes sont devenus les plus faibles, même avec un nombre importants d’ élus.
Alors n’ hésitons pas.
En vérité, la proportionnelle nous l’avons sans avoir eu besoin que le mode électoral soit modifié. Et cela grâce à un subterfuge qui se nomme l’apparentement. Nous allons bien voir comment cela va se passer, comment les réformes pourront être réalisées. Personnellement je pense que si l’on se réfère à la IVe République, cela ne va pas être triste. Déjà au sein des formations, on voit les partis afficher leur désaccord. Lorsqu’on entend les déclarations récentes des chefs de ces formations ou partis on voit et comprend qu’ils ont un pouvoir de nuisance dont ils n’hésiteront pas à faire usage. Jusqu’alors, l’Assemblée à la solde du président n’a pas empêché que soient discutés des amendements.
Vous affirmez que cela va ramener des électeurs dans l’isoloir, rien n’est moins sûr et, en tout cas, cela n’est pas démontré. Je ne vois pas à quel pays vous faites allusion en disant que « les démocraties qui sont allées plus loin dans la représentativité des extrêmes sont les pays où les extrêmes sont devenues plus faibles »
Je ne vois pas à quel pays vous faites allusion en disant que « les démocraties qui sont allées plus loin dans la représentativité des extrêmes sont les pays où les extrêmes sont devenues plus faibles »
Je pense à la Hollande et à l’ Autriche, mais également à l’ Italie qui a un moment donné était prête à franchir le pas, mais qui a su faire un volte face magistral et qui aujourd’ hui ne s’ en sort pas trop mal.
Peut être une manière dont on pourrait s’ inspirer, mais encore faudrait’ il que l’ électorat en soit conscient et veuille en accepter les contraintes, notamment par l’ abandon du » quoi qu’ il en coûte »
qui n’ a été qu’ un leurre qui n’ a fait que fausser les droits et les devoirs de chacun, des partis politiques aux électrices et électeurs.
Lorsqu’on entend les déclarations récentes des chefs de ces formations ou partis on voit et comprend qu’ils ont un pouvoir de nuisance dont ils n’hésiteront pas à faire usage.
Je ne pense pas, autant qu’ ils sont, qu’ ils abuseront du pouvoir de nuisance, ou alors nous serions tombés dans une société suicidaire. Cela serait pour eux la meilleure façon de couper la branche sur laquelle ils se trouvent, car ils ne doivent pas oublier qu’ actuellement l’ électorat est volatil et que le retournement de tendance peut être brutal au moindre excès de comportement. Sans oublier qu’ il y a aussi une question financière pour eux, qui est en définitive le nerf de la guerre. L’ élection passée, Marine Le Pen s’ est empressée de parler de finance, avant de parler de son succès électoral. Un signe. Par contre la guerre larvée n’ est pas du tout à exclure, mais en se gardant bien de ne pas dépasser certaines limites, ce qui sûrement sera usant pour Emmanuel Macron, également perturbant pour la crédibilité et la stabilité du pays au regard de l’ Europe.
En définitive tout reposera sur la manière diplomatique qu’ utilisera Emmanuel Macron pour résoudre le problème. Aux dernière nouvelles il semble qu’ il ait l’ intention de faire porter le chapeau de cette affaire sur l’ électorat et les partis politiques d’ opposition. Je pense qu’ il nous envoie dans une voie sans issue.
Je voudrais bien partager votre optimisme, mais ce soir en regardant l’émission C dans l’air sur la cinq, j’ai été convaincu du contraire. Il a été question de la motion de censure qui aurait pour conséquence de conduire à la démission du gouvernement. Mais la première ministre demandera-t-elle un vote de confiance après son discours de politique générale ? Et puis renverser un gouvernement n’a pas comme conséquence la dissolution de l’Assemblée nationale comme vous le laissez entendre. Donc la question financière …
Une allusion a été faite par Dominique Reynié (professeur à Sciences Po) sur la situation aux Pays Bas. Il y a une énorme différence de mentalités, selon lui. Ce qui est possible en Hollande ne l’est pas en France.
La « manière diplomatique » qu’utilisera E. Macron ne ressemblera – t-elle pas à des renoncements sur les grands projets. Déjà la réforme des retraites est passée aux oubliettes. En effet, la voie semble être sans issue.
Tiens, une donnée qui ne trompe personne. Savez-vous que le nombre des demandes d’accréditation des journaliste auprès de l’Assemblée Nationale est en forte augmentation. C’est significatif non ? Le spectacle sera dans l’hémicycle.
Sous le titre « A quoi ressemblerait l’Assemblée si on avait voté à la proportionnelle intégrale » l’hebdomadaire « Marianne » vient de se livrer à une projection simulation à partir des résultats du premier tour.
https://www.marianne.net/politique/lrem/legislatives-a-quoi-ressemblerait-lassemblee-si-on-avait-vote-a-la-proportionnelle-integrale?
A lire absolument. On y apprend, entre autres, que le RN aurait 121 sièges au lieu de 33 au scrutin majoritaire ; que cela ne changerait quasiment rien pour Nupes et Ensemble. Ni l’un ni l’autre n’auraient la majorité absolue. Pour une majorité absolue, il faudrait des alliances, des accords etc. Une chambre introuvable.
Des éléments de réflexion pour ceux qui nourrissent l’illusion de la proportionnelle.
surtout ne revenons pas à la proportionnelle, car comme il a été dit sous la 4° république ce fut de l’instabilité gouvernemental (ce pauvre Mendes-France en a été la victime malgré ses grandes qualités) ne parlons pas des compromissions, des coups tordus, des accords contre nature. Le système n’est pas parfait mais il a fait ses preuves en de nombreuses occasions.
J’ai répondu à l’invitation de M. Habib lorsqu’il est passé dans ma commune comme dans toutes les communes des onze cantons de sa circonscription qu’il représente depuis 20 ans.
Nous étions 7 électeurs pour l’accueillir. Il est resté une demi-heure environ. S’il a surtout écouté, il a présenté brièvement sa position. Elle est bien connue localement et l’essentiel en est l’emploi et donc les activités productives.
A mon avis, cela signifie que M. Habib est très proche de tous les réseaux (associations, syndicats, etc…) qui maillent le territoire et qui constituent une « intermédiation » entre les élus et les citoyens.
Je pense que M. Habib sera élu car ce modèle de représentativité me semble fonctionner.
Je pense que M. Lassalle fonctionne sur le même modèle. L’approche est plus traditionnaliste car vraisemblablement, la base économique et sociale (les activités de son territoire) est différente.
Si l’intermédiation ne fonctionne pas bien, l’institution d’une dose de proportionnelle ne changera pas grand-chose au fonctionnement de la démocratie.
Toutefois, le développement de l’intermédiation est peut-être plus simple en milieu rural qu’en milieu urbain. A noter par exemple que ce modèle n’a pas fonctionné à l’avantage de M. Habib aux dernières élections municipales de Mourenx. Mais il y avait certainement d’autres raisons.
Eléments de bibliographie sur « Intermédiation » :
Laurent Berger La République du 29/03/22 p. 41.
https://www.telos-eu.com/fr/lingenierie-electorale-ne-guerit-pas-de-labstentio.html
https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/politique-francaise/ces-mediateurs-politiques-dont-les-metropoles-ont-.html
« Selon Pierre Rosanvallon, historien sociologue, l’abstention résulte plus d’une défiance de l’électeur vis à vis du politique que d’une inadaptation du mode de scrutin. Pour lui l’instauration de la proportionnelle ne changera rien. »
Malgré, c’est vrai, un certain penchant pour la proportionnelle car cela me semble plus juste, plus représentatif des français, qu’une chambre godillot à l’ordre du souverain, je conviens que c’est loin d’être la panacée!
De toute façon, en ce qui concerne l’abstention, Pierre Roanvallon a tout à fait raison; des années de promesses non tenues ont vacciné les électeurs contre les candidats et les élus. Moins d’égo,moins de je ferais tout si…. plus d’honnêteté..la réponse à l’abstention est peut-être là! La faute n’est pas du côté des électeurs mais des politiques!
C’est bien vrai que les députés élus ne sont que des godillots, mais des godillots par rapport à qui ? Par rapport à la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale ou par rapport au parti auquel ils appartiennent ? C’est sans doute leur affiliation au parti qui les soumet le plus. Imaginez qu’un député ose voter en contradiction avec les consignes de son parti. Cela sera suivi de sanctions à son encontre et, aux prochaines élections, il ne bénéficiera pas de l’investiture. On appelle cela la discipline de groupe.
La proximité doit être une atténuation à ces règles en ce sens qu’un élu proche des électeurs de sa circonscription (et non proche de ses électeurs) doit être en capacité de faire remonter les préoccupations de la base. Actuellement cette proximité est absente.
L’expérience de 1986 a été significative sur ce plan. Grâce à la proportionnelle, les petits partis ont pu constituer des groupes et le nombre de partis a augmenté. L’objectif alors était uniquement politique et visait à empêcher l’opposition d’alors d’être majoritaire au sein de l’assemblée nationale. Comme quoi la politique politicienne est capable de brouiller les cartes de la démocratie.