Légendes d’été (III). MARIA POSE POUR RENOIR

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C’est une pièce aux dimensions vastes. Au milieu un vieux poêle éteint. Peu de meubles. Quelques chaises usées. Une armoire basse avec dessus des sculptures en terre. Au mur, partout des tableaux de Renoir. Des dessins aussi. Plusieurs chevalets avec des toiles en cours d’achèvement. Le sol est en parquet mal ciré. Le plafond est éclairé par une grande verrière qui donne sur le toit, comme un puit de lumière. Une grande fenêtre qui donne sur la ville. Beaucoup de lumière naturelle qui converge vers le centre de la pièce. Vers une sorte de divan usé auprès duquel se trouve un chevalet. Une toile blanche. Un fauteuil en paille. Une palette posée à terre. Un paravent chinois.

Personne n’apparaît.

Maria frappe timidement. On ne lui répond pas. Elle entre d’elle-même. Elle est vêtue d’une blouse grise. Elle a un châle noir sur les épaules. Elle se pose au milieu dans la lumière. Derrière le paravent une voix d’homme, bienveillante :

-Bonjour. Comment t’appelles-tu ?

-Marie. Marie Laurencin, mais tout le monde m’appelle Maria.

-Ne sois pas timide Maria. Déshabilles-toi. Où tu voudras.

-Je vais rester là monsieur Renoir.

-C’est bien ! Poses tes habits sur la chaise et installes-toi.

-Où ça monsieur Renoir ?

-Là ! Restes là où tu es ! Ne bouges pas. La lumière tombe sur tes cheveux. Tes beaux cheveux noirs. Toi au moins, tu ne vas pas chez le coiffeur tous les matins…

Et Renoir sort de derrière le paravent. Il marche péniblement. Il est coiffé d’un feutre. Il porte un pantalon de velours, une chemise de toile épaisse bleue clair et un gilet assorti au pantalon. Il a les épaules voûtées. Il porte une épaisse barbe grise. C’est un homme jeune encore mais chaque pas lui coûte.

– [pour lui] Maudits rhumatismes ! J’ai mal partout… [A Maria]…Alors c’est toi la maîtresse de ce vieux cochon de Puvis de Chavannes ?

– Non monsieur Renoir, je suis seulement son modèle. Son amie aussi…

-Arrête Maria. Ne me raconte pas d’histoire… On ne me la fait pas à moi. Puvis de Chavannes c’est un amateur de chair fraîche, cet abonné du Salon. Et dire qu’on vient de lui donner la légion d’honneur pour les horreurs qu’il produit. Au moins il gagne son pain avec sa peinture. La peinture décorative… S’il fait l’amour comme il peint… ça ne doit pas être terrible…[Il poursuit à part lui] Il a soixante-quatre ans et tu n’es qu’une enfant… Belle comme une enfant, croquante comme une pomme. [Plus fort]

– Et toi tu as quel âge, ma belle Maria ?

-Dix-sept ans, Monsieur Renoir.      

-Dix-sept ans ce n’est plus l’âge de l’innocence. Mais c’est encore celui de la fraîcheur. Que valent les femmes après cela ?  Elles ne m’intéressent plus. Il n’y a rien à peindre. Seule la jeunesse me séduit. Elle me motive.

Il s’approche de Maria avec un pinceau qu’il a ramassé par terre, sur la palette. Il le  fait courir sur la peau de Maria. Il se colle à elle.

-Ah ! Ces seins. Fermes mais pas encore lourds. Il faut poser ses mains dessus. C’est encore mieux que les peindre. Et ces hanches –en les caressant avec son pinceau- une courbe parfaite. Et ces jambes… Ouvre un peu les jambes…

-Oui monsieur Renoir.

Elle s’exécute :

-Toi au moins tu n’es pas timide…

-Non Monsieur Renoir. Je ferai ce que vous voudrez Monsieur Renoir…

-Ta toison est noire comme ta chevelure Maria…

Et il fait glisser son pinceau sur son sexe…

A ce moment-là, Aline la femme de Renoir entre brutalement dans l’atelier. Elle porte un châle sur ses épaules :

-Alors on s’amuse bien Renoir…

-Maria je te présente Aline ma femme… Approches-toi Aline !

Il lui prend le châle des épaules et en couvre Maria

-Prends ce châle Maria. Mets-le sur tes épaules ! Couvres-toi. Il est temps de travailler.

Maria se drape dans le châle et Renoir s’assoit dans le fauteuil en osier. Derrière Aline demeure. Vestale du foyer. Sévère. Maria :

-Comme ça Monsieur Renoir. Cela vous convient ?

Pierre-Michel Vidal

A voir: https://museedemontmartre.fr/

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